Séisme dans l'industrie des comics pour ce début d'année 2025. Après de longues années post-Covid à avoir vu son monopole s'effriter peu à peu, Diamond Comics, acteur historique de la distribution de comics aux Etats-Unis et à l'international avec sa branche Diamond UK, vient de demander à être placée en redressement judiciaire. Une opération qui vise pour la structure à vendre la majeure partie de ses opérations, pour un milieu qui va connaître à l'évidence quelques rebondissements importants.
C'est dans une lettre que l'actuel président de Diamond Comics, Chuck Parker, a fait part au reste de l'industrie de cette importante nouvelle. L'entreprise est désormais placée en redressement judiciaire ; pour être plus précis par rapport au fonctionnement des entreprises aux Etats-Unis, il s'agit d'un placement sous protection du chapitre 11 de la loi des faillites (Chapter 11 bankruptcy), qui permet à l'entreprise de voir son activité protégée alors qu'elle est en cessation de paiements (ou incapacité de résorber sa dette), afin de pouvoir trouver de nouveaux repreneurs, ou se ré-organiser, dans le but de pouvoir ensuite payer ce qu'elle doit. Pour l'anecdote, il s'agit de la même procédure de faillite qu'avait connu Marvel en 1996 (et qui avait d'ailleurs conduit au monopole de Diamond Comics pour les vingt-et-quelques années suivantes).
Il ne s'agit donc pas (du moins, pas encore) d'une véritable faillite qui mènerait à une liquidation, mais comme les éditeurs de comics font partie des créanciers d'un distributeur, certaines maisons d'édition qui comptaient sur des rentrées (notamment sur les ventes de fin d'année) vont se retrouver à devoir attendre lesdits paiements. Un engrenage potentiellement dangereux pour les plus petites structures, ou celles qui sont encore totalement en exclusivité avec Diamond. Dans sa lettre, Parker explique que Diamond Comics doit poursuivre ses activités "normalement" pendant cette phase de redressement, mais en fonction des acquéreurs, des changements importants pourraient arriver. Les premiers observateurs anglophones (tels que The Beat) parlent d'ores et déjà d'un prochain "impact sismique" sur l'ensemble de l'industrie.
Toujours selon le communiqué de Chuck Parker, il faut s'attendre à ce que les différentes activités de Diamond soit revendues à d'autres. C'est d'ailleurs d'ores et déjà le cas pour Diamond UK, la branche anglaise du distributeur, qui fait aussi la livraison à d'autres pays d'Europe dont la France, pour laquelle Universal Distribution a signé une lettre d'intérêt en vue d'un rachat, alors qu'ils ont également signé pour racheter Alliance Game Distributors (une branche de Diamond dédiée à la distribution de jeux).
Si la nouvelle tombe soudainement en ce début d'année, pour les observateurs du marché, elle n'est pas forcément la plus surprenante. Dès le moment où, en avril 2020, DC Comics avait décidé de s'affranchir de son exclusivité avec Diamond pour distribuer ses comics avec Lunar, UCS et Penguin Random House, une mécanique infernale s'est mise en place. Au fil des dernières années, la quasi intégralité des éditeurs de comics qui travaillait avec Diamond ont cessé de travailler en exclusivité avec eux, généralement au profit du géant Penguin Random House. DC, Marvel, puis Image Comics ont quitté le navire, et bien que Diamond a pu continuer d'opérer auprès des comicshops comme distributeur intermédiaire, les marges faites sur la distribution n'étant plus les mêmes, chacun comprendra que le manque à gagner s'est accru au fil des ans. Chuck Parker explique également pour justifier sa décision d'aller en redressement judiciaire, que les coûts opératoires ont augmenté (ce avec l'inflation), et qu'en parallèle les achats de comics ont été moins nombreux.
S'il ne faut peut-être pas encore crier "panique", force est de constater que la situation n'est pas au beau fixe pour Diamond Comics, et que leur destin pourrait avoir des conséquences néfastes pour bon nombre de leurs partenaires, qu'il s'agisse des comicshops (à qui Diamond demande de continuer à faire leurs paiements) ou des éditeurs (qui, eux, ne recevront pas tout de suite leurs paiements). L'entreprise assure vouloir continuer à opérer normalement, à assurer la tenue du Free Comic Book Day pour mai 2025, mais l'inquiétude autour d'autres aspects importants de l'industrie assurée par le distributeur - comme l'important catalogue de Previews - est de mise. C'est avec ce catalogue que chaque mois les éditeurs peuvent présenter leurs sorties à venir, afin que les comicshops passent commandes. Un élément crucial pour l'ensemble de l'industrie, qui ne démarre sûrement pas 2025 comme elle l'aurait souhaitée.