Un nouvel artiste nous quitte. Avec une nuance à observer : si Jim Silke était effectivement connu pour son travail de peintre dans l'industrie des comics, celui-ci était également un designer reconnu dans le monde de la musique, un chef costumier pour l'industrie du cinéma, un romancier, et même le scénariste de plusieurs longs métrages. Né James R. Silke en 1931 aux Etats-Unis, celui-ci s'en est allé tout récemment. Les causes de sa mort n'ont pas évoquées par ses proches. Silke était âgé de quatre-vingt treize ans, et surtout connu dans le monde des comics pour son travail sur les planches du projet Rascals in Paradise (Dark Horse).
Artiste Polyvalent
Entré dans la carrière dans les années cinquante, le jeune James R. Silke commence son parcours dans le milieu de la publicité. Il fera ses premières armes comme illustrateur pendant cette période, avant de signer pour un poste de directeur artistique adjoint chez le géant du disque Capitol Records. Son travail consistera à concevoir des pochettes pour les productions de l'enseigne, et notamment pour les albums de jazz. Cette profession lui permettra de collaborer à plusieurs reprises avec le grand Frank Sinatra, mais aussi avec Nancy Wilson ou Judy Garland. Les pochettes de Silke seront globalement saluées dans l'industrie du disque de cette période, et l'artiste empochera même plusieurs sélections lors de différentes cérémonies des Grammy Awards dans la catégorie des meilleurs designers.
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Cette activité reconnue l'amène rapidement à fréquenter la scène du mannequinat de Los Angeles, dans la mesure où ses pochettes d'albums sont presque exclusivement basés sur des photographies d'êtres humains. Au moment de fonder son propre magazine de cinéma (publié sous un titre vaguement explicite : "Cinéma"), Silke est alors un photographe reconnu, proche de Sharon Tate et du réalisateur Sam Peckinpah. Les deux hommes vont même devenir de très bons amis, lorsque l'illustrateur participe à la création des costumes sur deux de ses films, Major Dundee (1965) et le chef d'oeuvre La Horde Sauvage (1969). Plusieurs pages officielles de fans de Sam Peckinpah ont d'ailleurs salué le départ de Jim Silke, dans la mesure où les deux camarades seront restés proches pendant l'essentiel de leurs carrières respectives.
Finalement, l'artiste va même tenter sa chance dans l'écriture en signant le script des films Sahara (1983), American Warrior (1985) et surtout Alan Quatermain et les Ruines du Roi Salomon (1985). Amateur notoire des imaginaire pulps, Silke va également se lier d'amitié avec deux autres géants : d'un côté, l'immense Frank Frazetta, qui accepte de signer la couverture de son roman, Prisoner of the Horned Helmet (1988), et de l'autre, Dave Stevens, qui sollicite souvent son opinion au moment d'imaginer les premières fondations de son œuvre la plus célèbre, The Rocketeer. Et ce n'est pas un hasard. Silke et Stevens se rassemblent autour d'un même amour pour le rétro', les pin-ups, les aventures légères capables de flirter avec l'érotisme, et la carrière de la mannequin Bettie Page.
Or, si
Stevens entre dans l'histoire des comics avec son
Rocketeer,
Silke n'est pas en reste. Chez
Dark Horse, l'auteur livre un ambitieux projet en trois numéros :
Rascals in Paradise (1994). Basé sur un imaginaire voisin, le titre a même son propre jetpack, en suivant les aventures d'une petite troupe de héros dans une jungle luxuriante peuplée de sectes cultuelles et de gangsters en tous genres. Encore aujourd'hui, cette curiosité, malheureusement moins connue que
le chef d'œuvre de Dave Stevens, fait office d'exemple dans la catégorie des comics peints et de la mise en image du pulp dans la BD des années quatre-vingt dix. Le projet recevra d'ailleurs une sélection aux
Eisner Awards dans la catégorie des meilleurs comics peints l'année de sa sortie.
Plus tard, cette même envie de rendre hommage à la grande époque des pin-ups et au travail de Bettie Page le poussera à produire une toute petite BD dans le même ton : Bettie Page Comics (1997). Un deuxième titre sera ensuite validé en compagnie de son ami Dave Stevens, Bettie Page : Queen of the Jungle. Et lorsque l'auteur du Rocketeer finira par nous quitter en 2008, Silke sera encore présent pour le premier numéro de la série The Rocketeer Adventures (2011) chez IDW Publishing. Il travaillera ensuite sur quelques artbooks chez Dark Horse (Nude : The Job of Figure Drawing by Jim Silke, 2011) et poursuivra sa carrière dans les comics jusqu'à récemment, en publiant notamment le roman illustré Mata Hari Escapes financé via une campagne Kickstarter (2021).
En clôture d'une carrière chargée, passée à vagabonder entre les disciplines et les spécialités, James R. Silke peut revendiquer un parcours éclectique et généralement salué par l'ensemble des professions qui ont eu la chance de croiser son travail, depuis la musique jusqu'à la photographie en passant par la littérature ou la bande-dessinée. Reste maintenant à voir si quelqu'un compte se mobiliser pour rééditer le projet Rascals in Paradise en France, dans la mesure où ce titre tombé dans l'oubli sera devenu difficile d'accès avec le passage du temps.
Nos pensées vont à ses proches et à sa famille.