Les éditeurs américains seront-ils protégés des folies de Donald Trump sur les frais de douanes aux États-Unis ? Celui qui se prétend président de la plus grande nation du monde a déjà fait volte-face au début du mois après avoir triomphalement présenté son tableau (absurde) d'augmentations de frais de douane avec à peu près tous les pays du monde - quitte à taxer des îles essentiellement peuplées de pingouins. Ce n'est pas une blague. On en est à ce niveau.
Volte-face, donc, pour avoir moins de quarante-huit heures plus tard lissé les frais à un 10% généralisé à l'international - sauf pour la Chine, avec qui l'escalade dans la guerre commerciale n'est visiblement pas prête de s'arrêter. Des questions subsistent d'ailleurs : puisque la Chine, comme nous vous l'avions exposé, est un pays privilégié par les éditeurs de comics, notamment pour l'impression d'albums en souple (softcover) ou relié (hardcover). Mais pour le moment, les livres devraient échapper aux nouvelles règles des fameux tariffs. Jusque quand ?
Dans la foulée des annonces du 2 avril dernier, la Maison Blanche avait édité un document long de trente-sept (37) pages pour lister l'ensemble des produits qui ne seraient pas concernés par les augmentations de taxes, quels que soient les pays concernés. La liste en question fait figurer les livres, sous de nombreuses formes, et la catégorie 41991160 utilise l'acronyme "nesoi" signifiant "not elsewhere specified or included", soit tous les livres imprimés qui n'auraient pas été désignés dans une autre catégorie. Autrement dit : les comicbooks et les graphic novels ne seraient pas concernés par les hausses de frais douaniers.
Attention toutefois : une taxe de 7,5% envers les livres imprimés en Chine avait été mise en place lors du premier manda Trump, et maintenue sous Biden, et restera toujours active. Mais au moins, les maisons d'éditions américaines n'auront pas à payer beaucoup plus cher pour faire venir les livres imprimés à l'international chez elles, puisque les États-Unis ont fait passer les frais douaniers pour les produits venus de Chine... à 145%.
Au-delà de la liste, un argument juridique a été également énoncé par l'avocat Jeff Trexler, qui est aussi le président du Comic Book Legal Defense Fund (une association dont le but est de défendre et protéger les professionnels de la bande dessinée). Pour résumer simplement, il explique que l'administration Trump utilise un régime particulier pour dicter ses directives, le International Emergency Economic Powers Act, pour lequel le président peut modifier les réglementations économiques dans le cadre d'une situation d'urgence internationale - ce qui est précisément le cas à l'heure actuelle avec la guerre en Ukraine par exemple.
Mais dans cet acte, il a précisément été appliqué des exceptions, concernant notamment les livres, sous couvert de respect du premier amendement de la constitution. Cette exception (nommée Section 1702(b)) empêche en effet au président d'imposer directement ou indirectement toute restriction "de l'import ou export d'information protégée par le premier amendement de la constitution", sans distinction de format. Selon Trexler, qui est aussi allé s'informer auprès des services de douanes américains, cette exception protégera les comics, mangas, etc. de toute augmentation de frais de douanes.
Bien entendu, il ne faudrait pas que l'industrie se réjouisse pour autant, en plus d'être soulagée. Les livres ne sont en effet que le produit fini : les frais douaniers pourraient toucher toutes les matières premières (pâte à papier, encre) voire, pour les imprimeries situées aux États-Unis, les pièces nécessaires à la construction des machines si elles viennent de l'international.
Les revirements sur la seule question des frais de douane ayant déjà été particulièrement nombreux, l'ensemble des commentateurs s'accorde pour dire que le milieu peut se permettre de souffler "pour le moment". Dans un contexte économique et inflationiste compliqué, qui a par exemple vu les comics Spawn casser leur ligne historique à 2,99$, rien ne dit que le marché américain n'aura pas à subir de façon plus ou moins direct les errances de l'administration en place. Et si les single issues venaient à augmenter de prix en conséquence, vous vous douterez bien de ce qui arrivera ici pour la VO.