Les annonces de nouveautés continuent de tomber du côté des éditions Image Comics pour habiller les catalogues de commande en amont de cet été. La liste en question comprend quelques projets insolites, et notamment la série I, Tyrant du scénariste iranien E. E. Zann et de l'artiste Godfarr. Deux noms encore méconnus du lectorat américain, mais qui ont tout de même reçu l'approbation de la maison d'édition pilotée par Eric Stephenson, pour développer une création originale pour le moins originale : une relecture d'un mythe antique basé dans la cosmogonie perse. Rien que ça.
Assyrien contre Perse
Pour être franc, le synopsis et les commentaires de l'équipe créative fournis par Image Comics dans le traditionnel communiqué de presse sont même passablement difficiles à traduire tels quels : on nous explique grosso modo que I, Tyrant se présente comme la rencontre du roman graphique 300 de Frank Miller et du film Birdman d'Alejandro Inarritu, deux références convoquées pour des raisons plutôt évidente. D'une part, Zann et Godfarr revendiquent effectivement une inspiration trouvée dans la bibliographie de Frank Miller, et de fait, celui-ci fait partie des rares auteurs de comics à avoir évoqué la culture perse antique dans sa description de la célèbre Bataille des Thermopyles ("hein ?" Leonidas qui met un coup de latte dans le film ocre avec les mecs qui se baladent en slibards, souvenez-vous).
Et d'autre part, parce que l'intrigue devrait aussi s'intéresser à l'histoire d'un écrivain du monde moderne dont l'imagination et le rapport au fictif le poussent à visualiser certains éléments surréalistes dans son quotidien. Un peu comme Michael Keaton dans Birdman, le héros de I, Tyrant a son propre ami imaginaire... qui se trouve être le héros de l'histoire sur laquelle il travaille en ce moment. C'est en tout cas sous cet angle du réalisme magique qu'Image Comics a choisi de vendre le projet.
Quant au synopsis proprement dit... à vous de voir :
"Zahhak, une légende d'autrefois qui prend pour sujet le motif des tyrans, décrits avec une acuité déconcertante, propose à Hafez de revenir sur la conclusion pessimiste de son mythe. Hafez doit la retranscrire en proposant un exode vers l'imaginaire de Jack Kirby, pour repenser Zahhak, dans un monde plus proche de celui de Frank Miller, au sein même de l'industrie de la BD. Le mythe de la Création a besoin d'un Diable."
Voilà. Alors. Bon. Pour essayer de faciliter un peu le travail des équipes en charge du marketing chez Image Comics, tentons de traduire ce paragraphe avec des mots plus clairs et un rien de spéculation : en regardant les premières planches, on comprend globalement que le "Hafez" en question est un auteur de comics. Celui-ci aimerait réécrire la fameuse légende perse de Zahhak, un mythe très ancien qui suit comment un dictateur perse particulièrement cruel finira par se faire assassiner par l'un de ses sujets après avoir sacrifié dix-sept de ses enfants. Or, comme dans Birdman, Hafez est effectivement capable de communiquer avec Zahhak dans le monde réel, lequel fonctionne comme un genre de voix cruelle dans l'esprit du héros.
On comprend aussi que le titre devrait traiter le sujet précis de la dictature dans les anciennes puissances de l'empire assyrien (dans la mesure où Zahhak représente la chute de l'Assyrie face aux Perses au départ) et le motif de l'immigration. Deux sujets qui concernent visiblement le scénariste E. E. Zann lui-même, d'où l'idée de reprendre ces éléments culturels pour les transposer dans un imaginaire ouvertement américain, une façon pour lui de matérialiser sa propre expatriation. En espérant que ce soit plus clair une fois les éléments remis dans le bon ordre.
Une chose est sûre : le projet a effectivement l'air original, et suffisamment intrigant dans cette perspective de développer un point de vue radicalement différent des autres séries actuellement sur le marché. I, Tyrant #1 est attendu pour le 30 juillet 2025 avec des couvertures de Ricardo Federici, Stevan Subic, Ryan Gajda et Hans Woody. On aura certainement l'opportunité d'en reparler d'ici là, en espérant qu'Image Comics parviendra à mieux détailler la formule dans l'intervalle.