Les apparences sont parfois
trompeuses. Qui pourrait croire que derrière le physique d’Apollon de David
Mack, se cache un artiste extrêmement talentueux aux multiples facettes et au style
reconnaissable entre tous ?
Les lecteurs de Marvel connaissent bien
David Mack car il a travaillé sur les séries Daredevil et New Avengers avec son
ami de longue date Brian Michael Bendis. Mais si l’on doit retenir une
œuvre chez cet artiste, c’est bien entendu celle qui lui a donné ses lettres de
noblesses : Kabuki.
Lorsqu’il publie Kabuki en 1994
chez Caliber Press puis chez Image, David Mack impose d‘entrée de jeu un
univers complexe et visuellement très travaillé. A l’époque, c’est à Dave
McKean que l’on pense lorsqu’on contemple ses fresques, aujourd’hui le style d’Alex
Maleev semble le plus se rapprocher de son art. Mais ce qui est sûr, c’est qu’en
plongeant dans cette série, c’est une véritable claque que l’on se prend en
plein visage.
Bien que l’histoire se déroule
autour d’un univers peuplé d’agents gouvernementaux et d’assassins issus de la
mafia japonaise, ne vous attendez pas à trouver ici tout un tas de scènes d’action,
le style de Mack est au contraire très statique comme pour mettre en valeur
l’introspection et la dualité de son personnage principal.
Kabuki est le nom d’un agent des services secrets japonais qui travaille pour une institution appelée « Le masque de Noh ». Lors d’une mission elle désobéit à ses supérieurs en tuant des assassins qu’elle devait épargner, et se retrouve séquestrée dans un hôpital psychiatrique par sa propre agence afin d’être reprogrammée. C’est là que va commencer pour elle un long voyage introspectif au bout duquel elle finira par s’échapper, et être poursuivie par ses anciennes sœurs d’armes, les huit assassins de Noh dont la plus dangereuse se nomme Scarab.
Kabuki fait bien évidemment référence à de nombreuses reprises à la culture japonaise, a ses arts, et ses traditions séculaires. C’est d’ailleurs en lisant ce comics que je me suis mise à m’intéresser à cette culture et à ses codes.
Mais réduire Kabuki à une simple histoire d’espionnage sur fond de mafia et de tueurs impitoyables serait bien évidemment très réducteur. La force de cette bande dessinée se trouve aussi dans ses nombreux thèmes abordés : comme la quête de l’identité (l’héroïne cherche à connaître ses origines, elle porte un masque et son visage est scarifié, elle n’a pas de visage, et par conséquent pas d’identité) la place de la femme dans la société japonaise, mais aussi occidentale (la mère d’Ukiko/Kabuki est une prostituée, elle-même est un assassin, ce sont des instruments, des jouets entre les mains de l’homme). Kabuki utilise aussi les effets de style narratif (flashback, hallucination, rêve) sublimés par le dessin de son créateur. Et ici les techniques utilisées permettent un rendu hallucinant : Peinture, collage, photo montage, chaque page est un tableau, une fresque au service de la psyché de son héroïne.
La série a été publiée en France par Panini (dans la collection 100% Marvel) et Genération Comics d’une manière un peu chaotique, (il est difficile de s’y retrouver dans la chronologie), d’ailleurs une réédition en bon et due forme serait la bienvenue !
Ce qui est sûr c’est que Kabuki est une série incroyablement riche autant sur le plan visuel que scénaristique, une perle dont l’influence se retrouve jusque dans les titres actuels (pour moi le Spider-Woman de Maleev/Bendis est un sous Kabuki, mais ça c’est une autre histoire !).