Nouveau rendez-vous sur COMICSBLOG.fr, Portrait de géant vous propose de revenir 2 fois par mois sur la carrière et le parcours de ces légendes qui ont fait des Comics ce qu'ils sont aujourd'hui. Neal Adams, Bernie Wrightson, Gene Colan, Stan Lee, Jack Kirby, Joe Simon et j'en passe, tous auront le droit à leur portrait dans les semaines à venir ici même !
Aujourd'hui c'est un créateur de légende qui est à l'honneur, puisque c'est le second papa de Spider-man, Steve Ditko himself qui voit sa vie croquée en quelques lignes.
Si les auteurs, et plus particulièrement les créateurs, étaient reconnus à leur juste valeur, nul doute que le 2 Novembre serait jour férié en Pennsylvanie. Né dans l'état le plus boisé des Etats-Unis en 1927, Steve Ditko est sans aucun doute l'un des trois créateurs les plus importants de tous les temps, aux côtés de son fidèle compère Stan Lee et de l'éternel Jack Kirby. Adepte de l'objectivisme, courant de pensée développé par Ayn Rand prônant l'accomplissement par le bonheur et la raison, l'artiste se distingue pourtant par ses créations dramatiques, tant au niveau des personnages que de certaines situations.
Si beaucoup le disent aujourd'hui quasi-ermite et misanthrope dans son appartement New-Yorkais, Steve Ditko apparaît seulement s'être éloigné de l'industrie du Comics, mais loin de cette image "aigrie" qu'il semble renvoyer à beaucoup de ses ex-collaborateur, le co-créateur de Doctor Strange et Dormammu s'intéresse tout simplement à d'autres choses, écoeuré par une fin de carrière en dents de scie, chez DC notamment avant de quitter le navire Marvel proche du naufrage. Autre trait intriguant de son caractère, Steve Ditko partageait son studio avec un artiste de Bondage lors de ses premières expériences dans les années 50, amenant beaucoup de ses détracteurs d'aujourd'hui à se questionner sur la rationalité supposée de ses faits et gestes. Les autres eux, et à raison, constatent juste que l'artiste sortait à l'époque d'un école pluri-disciplinaire où les arts du "spectacle" côtoyaient au jour le jour le 9ème art.
Longtemps étudiant à la School of visual arts de New York, située en plein de coeur de Manhattan et réservée aux jeunes les plus privilégiés, il y côtoie plusieurs sommités des Comic-Books telles que Jerry Robinson (longtemps encreur du créateur de Batman Bob Kane). Il confesse d'ailleurs être entré dans cette école sans aucun talent et en être ressorti prêt à travailler dans le monde de la Bande Dessinée.
S'en suit une longue période de premiers travaux, souvent axés autour de la Science Fiction, d'horreur ou de Pulps comme c'était la tendance dans les années 50 chez Charlton Comics
Le tournant de sa carrière, sans nul doute, viendra de son intégration aux équipes d'Atlas Comics, ancêtre du Marvel que l'on connaît aujourd'hui. C'est à cette période qu'il fait la connaissance de Martin Goodman (créateur de Timely Comics et Atlas avant de créer Marvel), et Stan Lee et s'initie aux premiers héros Marvel tels que Captain America, la Torche, Namor, Black Knight et j'en passe.
Après des années 50 compliquées et de nombreux travaux "jugés" alimentaires de son propre aveu, plusieurs années passent et Marvel se fait connaître sous la houlette de Jack Kirby et Stan Lee, le début des 60's fait la part belle aux 4 Fantastiques des deux compères pré-cités et Steve Ditko reçoit plusieurs propositions alléchantes qui feront de lui le 3ème créateur le plus important de l'histoire de Marvel Comics.
1962. Date clé et majeure de la longue carrière de l'auteur puisque c'est en Août de cette même année qu'est publié Amazing Fantasy #15, légendaire aujourd'hui pour être la première apparition de Spider-man. Dans l'ombre de l'homme araignée est également créé Doctor Strange qui vivra en 1963 les plus passionnantes de ses aventures, malheureusement passées à l'as à cause de la trop grande popularité de l'alter ego de Peter Parker. C'est dans Strange Tales, où sont publiées les aventures du Dr Strange dans un premier temps, que l'auteur applique le plus de ses propres croyances, notamment concernant l'objectivisme et l'idée qui veut que notre réalité n'est en fait qu'une matrice de la "vraie" réalité accessible au travers de nos 5 sens. Aussi incroyable que cela paraisse, Ditko et Lee font alors du Dr Strange un personnage aussi pragmatique que possible évoluant dans des situations toutes plus folles les unes que les autres, résolvant des énigmes fantastiques au travers de logiques inductives et déductives, plutôt cocasse pour un sorcier tout de violet vêtu !
C'est finalement à l'issue d'une trentaine d'aventures de l'homme araignée et d'une brouille inexpliquée avec Stan Lee que l'artiste quitte Marvel pour la concurrence où sa réussite est alors toute autre.
Désormais intégré à l'univers DC de la plus belle manière qui soit, Charlton (propriétaire de personnages tels que Blue Beetle, Captain Atom, les inspirations des héros de Watchmen...) est l'éditeur qui recueille Ditko après son départ de Marvel, lui donnant une liberté longtemps recherchée mais jamais trouvée dans le domaine de la Bande Dessinée. Il y créé alors un personnage adoré des fans chez DC : The Question. Réinventé il y a quelques années autour d'Infinite Crisis, le personnage de la Question concentre alors plus que jamais les propres convictions de l'auteur, d'un héros qu'il dépeint perpétuellement à la recherche de l'accomplissement personnel par quelque moyen que ce soit. Anecdote intéressante sur The Question apparue des années plus tard, le personnage était au départ en lice pour faire partie des Watchmen, à l'instar des autres héros Charlton rachetés par DC à l'aube de publier le chef d'oeuvre d'Alan Moore. C'est finalement Rorschach qui fût créé sur le modèle de The Question, et comme pour signaler cette "dualité" des deux personnages, The Question apparaît en train de lire le graphic novel d'Alan Moore et Dave Gibbons dans son numéro 17, et décide d'agir comme son miroir roux de Watchmen.
Finalement courte, la carrière chez DC de Steve Ditko lui permettra de créer des héros devenus cultes tels que le Creeper, alter ego de Jack Ryder. Boudant ensuite les deux ogres que sont DC et Marvel, l'auteur ne se concentre que sur Charlton et ses propres créations, délaissant les héros classiques qui semblent ne plus l'intéresser. On parle alors d'une période creuse pour l'artiste, qui en panne d'inspiration, ne parvient plus à créer aussi bien que dans les années 60.
Il fera alors son retour chez DC au milieu des années 70 pour y créer Shade : The changing man qui gagnera finalement ses lettres de noblesses sous la houlette d'autres créateurs. Ditko semble rompu à l'échec au sein des éditeurs Mainstream, abandonne une nouvelle fois DC, continue de travailler pour de petits éditeurs et retourne une dernière fois chez Marvel en 1979 par la petite porte, mal vu par bon nombre de lecteurs qui lui rapprochent sa versatilité. C'est là qu'il revient sur le devant de la scène, reprenant de main de maître le Machine Man de son compère et ami Jack Kirby. S'en suivent 20 ans de productions inégales et aux parutions capricieuses, avant de créer Speedball (devenu Penance depuis Civil War) avec Roger Stern.
Comme pour de nombreux artistes, les années 90 sont alors difficiles à vivre pour l'auteur qui produit une quantité pharaoniques de Comics sans jamais retrouver la verve qui avait fait de lui le créateur incroyable qu'il était lors des années 60.
Depuis cette sombre période et son départ (définitif, cette fois) des Comics Mainstream en 1998, Steve Ditko continue de dessiner chez lui, refusant toutes les interviews et autres formes d'intérêt que lui communiquent les journalistes, préférant regarder une industrie qu'il a contribué à créer sombrer dans les affres d'un profit toujours plus grand.
Anecdote particulièrement marquante : Steve Ditko possèderait chez lui la quasi-totalité des planches originales des premiers numéros de Spider-man, véritable pépites pour n'importe quel collectionneur !
Admiré par la très grande majorité des auteurs, l'héritage de l'auteur est très marqué jusqu'aux générations actuelles, sur le design de ses personnages notamment. Si les toiles le long des bras de Spider-man ont vite disparu, son costume, lui, est resté intact et ne souffre pas d'une "ringardisation" dont sont victimes bon nombre de costumes de héros créés dans les années 60, preuve du talent qu'avait Steve Ditko à faire durer ses oeuvres dans le temps. Il en va de même avec le Docteur Strange qui n'a subit que de très légers changements par rapport à son apparence initiale, preuve là aussi que ce que Steve Ditko a créé, il l'a créé pour toujours et ce de manière quasi-immuable.
Pour finir, je vous laisse en compagnie de l'excellent reportage réalisé par l'animateur/scénariste Jonathan Ross pour la BBC, le bien nommé "In search for Steve Ditko", montrant une équipe de journaliste en quête d'une rencontre avec l'auteur, allant de témoins en témoins (et pas des moindres, vous le verrez), tous plus admiratifs les uns que les autres envers le natif de Pennsylvanie :