S’il y a bien une saga de Tête de Fer qu’on a tendance à encenser ses dernières années, c’est bien Extremis. Il faut dire qu’à elle seule, elle a su relancer le personnage et l’a amené à la popularité qu’on lui connait aujourd’hui, notamment grâce aux deux films de John Favreau qui ont su retirer le meilleur de cet arc. Cependant, Iron Man : Extremis n’est pas une histoire dénuée de défaut, et il est légitime de se demander si elle mérite les éloges qu’elle connait.
On retrouve un Tony Stark qui, du moins en apparence, semble tout avoir pour lui : femmes, argent, génie. Pourtant, ce dernier doute de lui et de son apport au monde, tandis qu’en même temps, le docteur Maya Hansen se retrouve en fâcheuse posture puisque son virus informatique/biologique révolutionnaire appelé « Extremis » a été volé et donc, Iron Man doit intervenir pour récupérer cette technologie avant qu’elle ne fasse trop de dégâts.
Si vous avez vu le premier Iron Man par Jon Favreau, ce petit résumé devrait vous remémorer des souvenirs. En effet, ce dernier s’est inspiré de l’histoire écrite par Warren Ellis pour réaliser son film. Donc, Extremis arrive a une époque moribonde pour le personnage. Marvel a besoin de le relancer pour les besoins de son film en préparation, alors que notre homme est tombé dans les limbes, aussi bien en terme d’histoires que de ventes. Il est évident que pour Marvel, quelque chose doit être fait le concernant alors que des millions de dollars sont en jeu. On appelle à la barre Warren Ellis pour relancer la série-phare. Le bonhomme qui s’est illustré sur ses propres séries et creator-owned tel que Authority, Planetary ou encore Transmetropolitan, possède une fan-base conséquente et peut paraître comme une valeur sûre. Cependant, il ne faut pas oublier que tout ce qu’il a fait dans le mainstream n’a pas été couronné par le succès, comme peuvent en témoigner les séries mutantes dont il s’est occupé (bien qu’il ait fait auparavant de grandes choses tel qu’Excalibur). Il s’agit donc d’un pari pour Marvel, d’autant plus que le choix d’Adi Granov à l’illustration peut paraitre osé, car si ce dernier s’est illustré de par ses couvertures, on ne sait pas vraiment ce qu’il peut valoir sur une série régulière, voir même si son style photoréaliste pourrait s’adapter à du comics. C’est donc partant de ce contexte et de ces auteurs que va naître la saga qui nous intéresse : Extremis.
On note dès le départ une volonté de la part d’Ellis de donner de la profondeur au personnage qu’il traite. Il faut dire que peu de scénaristes ont réussi à le montrer plus profond que ce qu’il laisse paraitre, les plus mauvaises langues diront même que depuis David Michelinie et Bob Layton, le personnage n’a pas grandement évolué. On peut donc attribuer cette qualité à l’histoire qu’écrit Warren Ellis : il ose sortir des sentiers battus. Pour se faire il use de monologues intelligents et de dialogues savoureux, notamment avec le journaliste John Pillinger. Cependant, cette qualité se révèle aussi, au fil de l’histoire, être un défaut, car Ellis se base trop sur ses dialogues envahissants pour faire avancer son intrigue, ce qui donne un rythme beaucoup trop lent et décomplexé à l’ensemble, si bien qu’on a la forte impression que ce qu’il raconte en six épisodes, il aurait très bien pu le faire en la moitié, au moins.
Ces dialogues pesants sont néanmoins entrecoupés de séquences flash-back, car c’est aussi cela le but d’Extremis : Réinventer un personnage vieillissant. Exit donc la guerre du Vietnam et place à l’Afghanistan pour les premiers pas de l’homme de fer, avec le terrorisme de masse comme décor. Un choix judicieux qui permet d’une part au lecteur de respirer entre deux longues scènes étouffantes, et d’autre part de replacer le héros dans un univers plus actuel, plus réel.
L’intrigue principale s’intéresse au vol d’Extremis et à son emploi à des fins criminelles par un individu qui n’a ni valeur ni morale. Si l’on dit souvent qu’une bonne histoire doit être associé à un bon méchant, alors Extremis n’est pas une bonne histoire. Le vilain n’a ici aucun but défini, hormis mettre le souk partout où il passe. L’histoire qui nous est contée n’en devient donc que peu intéressante et lourde à la lecture, surtout à partir de la deuxième partie.
Car si les trois premiers épisodes, bien que lents, peuvent paraître sympathiques, la suite est bien moins réjouissante. La manière dont l’intrigue se résout, au travers de l’absorption d’Extremis par Tony est bien trop facile et rend l’ensemble relativement caduque. Cette pirouette bancale est d’autant plus regrettable qu'elle amène à une conclusion absurde et fade. En cela, Warren Ellis nous avait habitué à mieux, beaucoup mieux, et surtout à moins vide. Si bien que le sentiment qui ressort de la lecture de cette saga est la déception, alors qu’elle partait sur de bonnes idées.
Cette histoire ne met pas non plus en valeur les talents d’Adi Granov. Doué pour illustrer des héros poseurs, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’Iron Man, on lui donne à illustrer une saga qui s’articule autour de dialogues monotones. Autant donner du caviar aux cochons ! Son style rend l’ensemble bien trop figé, ses personnages paraissent bien inexpressif. En ce qui concerne le peu de scène d’action où il a l’occasion de livrer tout son art, on remarque qu’il gâche ses belles illustrations par un sens du story-telling absent. Ses planches ne dégagent aucun dynamisme et si ses dessins sont superbes à regarder individuellement, mis bout-à-bout il devient pénible de les lire. Encore une fois une belle déception.
Iron Man : Extremis est donc une saga prometteuse, de part son duo d’auteurs et son but, à savoir remettre sur la bonne voie une série mourante et un personnage tombé dans les abysses. En cela elle a réussi, la saga a eu un grand succès commercial, a permis d’engendrer les films et à donner un nouveau souffle à Iron Man, et a permis par la suite la naissance de très bonnes histoires, tel que la série Iron Man : Director of Shield. Cependant, lorsqu’elle est prise hors contexte, elle se révèle terriblement décevante. C’est donc une saga à lire pour ce qu’elle a engendré, mais pas pour sa qualité.