Dire que Flashpoint débarque avec une vague de tie-ins, c'est peu dire, il s'agirait plutôt ici d'un raz-de-marée. Et c'est tant mieux, puisqu'aujourd'hui nous allons parler du maître des Sept Mers: le Prince Arthur Curry, alias Aquaman. Sauf que oui voilà, il n'est plus Prince mais Empereur. Promotion qui a une raison et des conséquences.
Un titre qui surfe sur la vague du succès de Flashpoint
Le numéro est construit comme un thriller politique auquel se mêle des sentiments profonds et complexe. Cela c'est pour l'approche.Ce qui est véritablement intéressant dans ce titre se trouve en fait ailleurs. C'est le traitement d'Aquaman lui-même qui fait la force de ce récit. Tony Bedard, qui se retrouvera à scénariser Green Lantern: New Guardians à partir de Septembre, a l'intelligence de ne pas le réécrire de fond en comble. Il s'agit ici d'une version de celui dont on a l'habitude dans l'univers classique, mais qui se serait soumis aux intrigues atlantes, en écoutant entre autres les conseils de son frère Ocean Master. C'est donc une version plus militarisée et plus violente, mais qui partage les mêmes idéaux, telle la protection de l'environnement. On est donc face à une histoire qui utilise à bon escient les rouages politiques du DCverse; avec tractation entre les puissants de ce monde, les Atlantes, les Amazones et la Markovie, intégrant aussi les dirigeants européens. Le seul soucis se situant dans le traitement de l'action somme toute assez simpliste et passagère. On sent que ce n'est pas ici ce qui intéresse Bedard, mais il en résulte un récit qui pourrait être un peu trop cérébral. Après, l'autre point fort ce situe dans la gestion du temps de la narration, les souvenirs étant toujours convoqués fort à propos et servant l'intrigue comme il se doit. De plus, on sait qu'un complot est ourdi, mais le suspens reste ménagé, car nous ne savons pas par qui ni pourquoi. On se prend à être paranoïaque en même temps qu'Aquaman, doutant de tous les personnages.
Le monde du silence
Mais si le récit reste parfois un peu froid, donnant trop d'importance aux intrigues retorses de la politique, un élément vient réchauffer tout ça. En effet, le dessin d'Ardian Syaf est d'une justesse et d'une virtuosité faisant plaisir à voir. On le répète depuis un moment, mais ce dessinateur est réellement en train de monter et de devenir l'un des plus grands de sa génération. Nous l'avions découvert en grande forme sur le tie-in de Blackest Night consacré à Batman, puis il n'avait pas du tout démérité aux côtés d'Ivan Reis sur Brightest Day, lui ressemblant assez pour assurer les fill-ins sur Green Lantern. Dans les pages de la mini-série qui nous intéresse aujourd'hui, il confirme tout le bien que l'on pense de lui. Son monde sous-marin est un véritable tour de force, là où il aurait pu choisir la voie de la facilité en créant un arrière-plan vide, il créé au contraire un univers riche avec une véritable identité visuelle. Son Vatican sous les eaux est une merveille graphique, mêlant sculpture de Michel-Ange et du Bernin aux décombres flottantes dans une parfaite harmonie apocalyptique; et sa Venise est juste sublime. Cette qualité de dessin est une raison de plus pour s'intéresser de près au Batgirl #1 à sortir lors du "rebaunch" (si tant est que le scénario réalisé par Gail Simone et la couverture d'Adam Hugues ne vous avait pas encore convaincus).
On obtient donc un numéro très prometteur, qui fait parfois aveu de faiblesse vis-à-vis du dynamisme, le rythme s'essoufflant au profit des multiples intrigues et complots émaillant le récit. Mais l'ambiance paranoïaque, qui n'est sans rappeler certains films comme Les Trois Jours du Condor ou Les Hommes du Président, est ici parfaitement maîtrisée, de même que la gestion du récit. Et si certaines failles apparaissent dans le scénario, le dessin est lui presque parfait, et enchante le fil de la lecture.