Et si DC s’était enfin décidé à écouter les voix qui s’élèvent depuis de
nombreuses semaines face au manque de femmes dans le DCU post-rebaunch ?
Il faut croire que la semaine dernière a été décisive sur cette prise de conscience, suite à la polémique engendrée par l’intervention de la Batgirl de San diego lors des différents panels DC, et dont la réaction négative des intervenants et du public (essentiellement masculin) présents a été relayée jusque sur les plus grands sites web spécialisés.
Mais avant de parler du message d’espoir que DC a laissé sur son blog, revenons un peu aux origines de cette affaire qui a commencé avec l’annonce du rebaunch de la maison d’édition aux deux lettres.
Lorsque DC a lancé sa bombe il y a désormais plusieurs mois , la surprise passée, tout le monde s’est vite aperçu avec la présentation des fameux 52 titres que quelque chose ne tournait pas rond. En effet alors que DC est réputé pour posséder un patrimoine important de personnages féminins exceptionnels (Wonder Woman en tête, mais aussi Batgirl, Catwoman, Power Girl, Supergirl, Black Canary, inutile de toutes les citer ici), cette «révolution» éditoriale va pourtant engendrer une régression vis-à-vis de la présence de ses héroïnes sur ses titres. Exit Power Girl, Zatanna, les Gotham City Sirens, et les Secret Six (qui comprend plusieurs personnages féminins) seules Wonder Woman, Batgirl, Batwoman, Supergirl et les Birds of Prey gardent leur titre parmi les 52 (tout en intégrant le personnage de Voodoo issu de l'univers Wildstorm).
En termes de chiffres voilà comment cela se présente (source des graphiques, Tim Hanley-Bleeding Cool):
Jusqu’en Septembre les héroïnes dans leurs séries régulières respectives occupent 19.4% de présence sur la totalité des titres DC, et 34.7% lorsqu’elles appartiennent à un groupe de super héros. En clair, cela représente 7 titres sur 36 actuellement concernant les héroïnes en solo, et il y a 26 femmes sur les 75 hommes qui constituent ces fameuses superhero team. Ce n’est déjà pas beaucoup si on compare avec les titres mettant en vedette les personnages masculins (58.3%, c'est-à-dire 21 titres sur les 36 actuellement).
Et bien à partir du mois de Septembre on tombera à 13.5%, ce qui revient toujours à 7 titres, mais sur 52 (forcément), et concernant les groupes cela va revenir à (accrochez-vous bien) toujours 26 femmes face à 85 personnages masculins !
Mais ce n’est pas fini, en plus de réduire le nombre de ses héroïnes (du moins en premier plan, car nous avons vu que Zatanna et Power Girl vont revenir en second couteaux sur des titres qui ne sont même pas sûrs de marcher…), c’est aussi le nombre de créatrices qui s’est réduite comme une peau de chagrin, passant des 12% représentées par les scénaristes/dessinatrices/coloristes à …1% (voire 2%) après le rebaunch.
L’avantage, c’est que du coup il est plus facile de se rappeler des noms des rescapées, il s’agit de Gail Simone qui scénarise Batgirl et Firestorm, Amy Reeder sur Batwoman et Jenny Frison sur I, Vampire. Mais que s’est-il passé pour que les talentueuses Amanda Conner, Nicola Scott, Sandra Hope, Fiona Staples, pourtant des habituées de DC ne soient pas présentes lors de ce remaniement éditorial ?
Un mouvement de protestation s’est rapidement manifesté sur la toile, notamment du côté des filles par le biais de leur blog, DC Women Kicking Ass et ComicBookGrrrrl en tête, critiquant ces choix éditoriaux surprenants, et commentant les changements de costume de certaines héroïnes encore en lice comme Harley Queen, jusqu’au pantalon rétractable de Wonder Woman. Bien évidemment la principale objection et consternation concernait la quasi disparition des auteurs de sexe féminin, alors que parallèlement le projet Womanthology réunissait près de 150 femmes autour de leur passion commune pour les comics, alors si les femmes sont bel et bien présentes et désirent travailler dans ce milieu, quelle mouche a donc bien pu piquer DC ?
C’est la question qu’est venue poser Kyrax2 (son pseudo sur Twitter) une jeune femme déguisée
en Batgirl (Stéphanie Brown, car c’est l’une des héroïnes -oubliée par le rebaunch- qu’elle affectionne le plus) aux cadres de la
Distinguée Concurrence (étaient présent Dan Didio, Jim Lee, Geoff Johns,
Grant Morrison) lors des différents panels mis en place par la maison d’édition lors de
la San Diego Comic Con. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne
s’est pas très bien passé, et que les réactions face à ses questions légitimes
furent assez houleuses. En effet, selon ses dires : "La salle est devenue extrêmement hostile
envers moi très, très rapidement. Les gens ont commencé à me huer et à me crier
de m’asseoir. J’ai haussé les épaules et dit: «Eh bien, maintenant je vais me
faire engueuler. » Je n’étais pas moins bouleversée que perplexe. (…) Le
lendemain était un samedi, et j’ai fait en sorte d’y arriver à temps pour le
panel des 52. J’ai regardé les 13 livres présentés, puis je m’approchais du
micro. J’ai commencé à parler des panels auxquels j’avais déjà assisté. Il y
avait une hostilité immédiate de l’auditoire, avec quelqu’un qui s’est mis à
crier: «Nous savons ! » Lorsque j’ai commencé. Puis j’ai posé la
question qui me tracassait depuis la veille, depuis que j’ai commencé à penser
à la composition exclusivement masculine de presque tous les panels auxquels
j’ai assisté : « Etes-vous engagé à embaucher plus de femmes ? »
Didio a répondu, « Je me suis engagé à embaucher les meilleurs écrivains
et artistes absolus. » J’ai regardé le panel entièrement masculin et dit:
«Vous dites que vous ne pouvez pas trouver de grands écrivains ou artistes féminins? » Il y avait une
réaction furieuse de l’auditoire. Les gens m’ont hurlé de m’asseoir et ils
criaient le nom de Gail Simone, encore et encore. J’ai dit: «Oui, j’ai
rencontré Gail Simone hier. Je l’aime beaucoup. Mais j’ai assisté à tous les
autres panels, et à l’exception d’elle et d’une éditrice, c’étaient tous des
hommes. » Vous pouvez lire une partie de ses propos sur mon blog.
Cet accrochage entre les intervenants de DC, « dédaigneux et condescendants » selon ses propres termes, le public extrêmement hostile et cette pauvre Batgirl en quête de réponse et osant mettre un coup de pied dans la fourmilière a très rapidement été relayé par les différents sites spécialisés, offrant une couverture médiatique inespérée à cette affaire, et mettant en lumière la maladresse de l’éditeur en matière de communication et son manque de respect pour une certaine catégorie de son lectorat mais aussi de ses collaborateurs et de ses personnages.
Estimant surement que cet épisode allait peut-être ternir son image (alors que de son côté Marvel est en train de mettre de plus en plus en valeur ses héroïnes, mais aussi ses collaboratrices) DC a tenté de rectifier le tir en postant sur son blog un message rempli d’espoir pour celles et ceux qui se sentent un minimum concernés :
"Nous vous avons entendu.
Au cours des
dernières semaines, nous avons eu écho de la part des fans de leur besoin de
plus de femmes écrivains, artistes et héroïnes. Nous voulons que vous sachiez,
d'abord et avant tout, que nous vous écoutons et que nous prenons vos
préoccupations très au sérieux.
Nous avons été très chanceux ces dernières années d’avoir des créateurs adorés
par les fans, comme Gail Simone, Amy Reeder,
Felicia Henderson, Fiona Staples, Amanda Connor, G. Willow Wilson et Nicola
Scott et de les voir écrire et dessiner les aventures des plus grands super
héros au monde.
DC Comics est le panthéon de personnages féminins remarquables et emblématiques tels que Wonder Woman, Lois Lane, Batgirl, Batwoman, Catwoman et Supergirl ainsi que des personnages favoris des fans comme Black Canary, Katana, Mera et Starfire. Nous nous sommes engagés à raconter des histoires diverses avec un point de vue varié. Nous voulons que ces aventures résonnent dans le monde réel, reflétant les expériences de notre lectorat diversifié. Pouvons-nous nous améliorer sur ce point ? Nous le pouvons toujours et le recherchons.
Nous allons avoir de passionnantes nouvelles sur de nouveaux projets avec des créatrices dans les prochains mois et nous ferons ces annonces presque conjointement avec leur publication. Beaucoup de créatrices pré-citées vont travailler sur de nouveaux projets, alors que nous continuerons de raconter les aventures de nos personnages en cours. Nous savons qu'il y a des dizaines d’autres auteures et nous nous réjouissons de l'opportunité de pouvoir travailler avec elles.
Nos récentes annonces ont généré beaucoup d'attention et de discussion et nous encourageons ce dialogue.
Cordialement,
Jim Lee et Dan DiDio
Co-éditeurs de DC Entertainment"
Cette nouvelle annonce, visiblement proclamée dans l’urgence, puisque la promo de ces nouveaux titres débouleront quasiment en même temps que les titres eux mêmes, prouvent qu’à force de batailler, le lecteur (enfin, en l’occurrence la lectrice) peut arriver à ses fins.
Et si Batgirl avait vaincu Goliath ?
