Grifter était l’un des héros les plus cools du monde. Pistolero badass au look impeccable, aussi à l’aise parmi les super-héros dans les pages de WildCATS qu’en héros de polar noir dans Point Blank, il était le Wolverine de Wildstorm. Mais pourquoi utiliser l’imparfait alors que Grifter #1 vient de débarquer sur les étals des comic shops ? Parce que le Grifter de Nathan Edmondson (The Light, Olympus) et CAFU (Action Comics) n’a pas grand-chose à voir avec celui qu’on connaissait. Explications.
Commençons déjà par préciser que cette série est un véritable reboot du personnage. Oubliez tout ce que vous saviez de Cole Cash alias Grifter, du passé on a fait table rase. Ce n’est pas surprenant quand on sait que Grifter était à l’origine un personnage du studio de Jim Lee, Wildstorm. Sans doute en raison de sa popularité, DC a décidé de profiter de son rebaunch pour intégrer le héros à son nouvel univers. Mais cela impliquait nécessairement de réécrire toute son histoire.
Exit donc le passé au sein de Team 7, l’appartenance au WildCATS et même les pouvoirs psioniques latents. Le Cole Cash nouveau est toujours un ex-militaire mais reconverti en escroc. On appréciera du coup le fait que son nom de code a enfin un rapport avec le personnage (grifter signifie escroc en anglais). Il vient de réussir un gros coup à la Nouvelle Orléans et s’apprête à filer vers San Juan pour y rejoindre sa complice Gretchen (s’agit-il d’un clin d’œil à Miss Misery de Sleeper ?). Et c’est là que les choses se gâtent, pour le héros et malheureusement aussi pour le lecteur. En effet Cole va se faire enlever par des créatures étranges qui vont lui faire subir de mystérieuses expériences. Mais le héros se réveille trop tôt, fait rater l’expérience et s’enfuit. Seulement maintenant il entend des voix, apparemment celles des créatures qui l’ont enlevé. Persuadé de n’avoir été captif que pendant 17 minutes (pourquoi un chiffre si précis ?), il va essayer d’aller comme prévu à San Juan. Mais dans l’avion il tombe sur une autre des créatures mystérieuses qui a cette fois une apparence humaine et qui ne lui veut pas du bien. Il va alors la tuer, tomber de l’avion, et finir par se réfugier dans un cimetière. Oui, c’est du grand n’importe quoi.
Bon, le coup des créatures infiltrées parmi les humains, pourquoi pas. Après tout c’était lepitch de WildCATS, où les héros Kherubims traquaient les Daemonites. Passe encore aussi le fait qu’on se sente perdu du début à la fin de ce premier numéro. On va dire que c’est pour que le lecteur soit dans la même position que le personnage principal. On va même se dire que si Cole n’est pas aussi cool qu’avant c’est parce que le personnage est « en formation », ça reviendra (même si le manque de classe flagrant du héros est vraiment décevant). Mais le vrai problème c’est l’écriture, hyper kitch et bourrée de maladresse. L’enlèvement de Cole fait penser à une mauvaise série Z de science-fiction. Les dialogues sont à l’avenant. Il y a des tonnes d’invraisemblances qui vont du détail (le héros qui prend son masque sur un étal de magasin en pleine rue, sans surveillance après la fermeture) au ridicule (Cole qui tombe d’un avion EN VOL et qui va très bien merci pour lui). Dernière bourde à la fin où notre malheureux héros veut récupérer ses 17 heures. Alors qu’avant c’étaient des minutes ou des jours. Enfin le rythme du récit est perturbant, ni frénétique ni posé mais toujours hésitant.
Au dessin, le bilan est beaucoup plus positif. Le trait de CAFU est très beau. Réaliste, fin et détaillé, il évoque Steve McNiven (Civil War). Le story-telling est efficace, malgré des pages un peu chargées. On notera l’emploi fréquent de cases très larges, qui donne un côté cinématographique au titre. Le design des mystérieuses créatures semble… particulier. Pas forcément raté (il rappelle les Daemonites) mais il faudra voir ce que ça donnera. Les seules critiques à faire relèvent du détail. On ne reconnaît pas vraiment la Nouvelle Orléans, alors que l’esthétique si particulière de la ville peut faire un cadre magnifique. La façon d’intégrer le titre du numéro (Grifter 17 Minutes) dans le décors sur une case fait gratuitement tape à l’œil et contraste trop avec la sobriété du reste des dessins. Et n’en déplaise au sieur CAFU, on est beaucoup plus à l’étroit dans un avion. Comme vous voyez, du détail.
Ce premier numéro de Grifter s’avère donc franchement décevant. Si le pitch n’est pas forcément mauvais (et rappelle WildCATS), l’exécution laisse quant à elle à désirer. Entre dialogues médiocres, histoire un brin confuse, sur un faux rythme et truffée d’invraisemblances, il y a du soucis à se faire. Espérons que lorsque l’exposition sera terminée et que Grifter jouera enfin du pistolet (dès le numéro suivant peut être ?), le titre décollera. Le dessin est en revanche plus que satisfaisant, avec un CAFU qui devrait faire parler de lui à l’avenir.
Les plus : CAFU McNiven
On sait pourquoi Cole Cash s’appelle Grifter
Euh…
Les moins : L’écriture maladroite
Les invraisemblances
La Nouvelle Orléans pas exploitée
Notes
Scénario : 2/5
Dessin : 4/5
Globale : 2,5/5