Les voleurs ont le vent en poupe côté comics ces
temps-ci. Spencer, Kirkman, Millar, Hickman. Ces grands noms du comic
contemporain se sont pris de passion pour l'arnaque de haut vol
apparemment au même moment et chacun y va de sa formule. Mais là où Ocean's Eleven semble avoir inspiré les auteurs de Super Crooks et Thief of Thieves (dans différentes mesures), le Secret de Jonathan
Hickman s'engage dans une voie bien différente de celle empruntée
par ses concurrents. Après un premier numéro qui mettait en place
avec brio les codes de cette nouvelle série signée par celui qui a
fait des ravages chez les Fantastic Four de Marvel, le deuxième
épisode vient confirmer que Secret est une série sur laquelle il
fait bon parier.
Très vite un constat saute aux yeux. Hickman fait du Hickman. Le scénariste semble s'inspirer de son propre travail plus qu'autre chose. Ainsi, dans sa réalisation Secret est un peu la demi-sœur de l'autre série de l'auteur chez Image, The Manhattan Projects. Les couvertures, le ton, les scènes d'intro, la façon de déplier les intrigues... Si vous aimez l'une, vous pouvez être sûr d'aimer l'autre alors que l'une baigne dans la science-fiction la plus décomplexée et l'autre est on ne peut plus terre à terre.
La surprise qui renforçait la qualité narrative dupremier numéro confirme ici son utilité (sa nécessité ?) : les couleurs de Michael Garland. Le coloriste freelance de 25 ans accomplit un travail admirable. Dans Secret les couleurs apportent autant à l'histoire que les paroles et les dessins. Qu'elles servent à mettre en exergue la stupeur d'un homme dur, à pointer la détermination d'un fils face à son père ou à accentuer la menace d'une arme blanche, les teintes monochromes offrent à la série un niveau de lecture supplémentaire qui en fait un objet unique.
Au-delà de l'aspect graphique unique du titre, le nom
de la série est on ne peut plus adéquate. Simple au possible, il
résume ce qu'on sait de l'intrigue après deux numéros : rien
ou presque. Il y a des secrets, des complots, des assassinats, des
arnaques, mais rien qui ne fasse sens pour le lecteur à ce point de
l'histoire. Et pourtant, Hickman construit tellement bien ses
personnages (auxquels Ryan Bodenheim donne vie avec maestria) qu'on
prend le récit comme il vient et qu'on ne pourrait souhaiter qu'il
nous soit livré différemment.
On pourrait dire vulgairement que Secret c'est Thief of
Thieves avec plus d'ambition. Dans les deux séries les premiers
numéros servent à poser les protagonistes et à donner des indices
sur ce qu'on peut attendre de l'action. Cependant Secret reste la
plus aboutit des deux après seulement deux épisodes contre cinq pour sa
concurrente signée par le père de The Walking Dead. Est-ce du au
fait que Secret se contente d'être un bon comic sans aucune autre
visée commerciale ? Certainement. Quoiqu'il en soit, si vous
n'y avez pas encore goûté, n'hésitez pas à laisser sa chance à
un titre qui a facilement sa place parmi les meilleurs séries du
moment.