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Injection #1, la review

Injection #1, la review

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On a aimé• Une narration par le mystère
• Des concepts à la pelle
• Declan Shalvey au top
On a moins aimé• On a toujours pas saisi le propos
Notre note

Warren Ellis a trouvé son bonheur chez Image Comics. Alors qu'il était précédemment engoncé dans un contrat qui ne lui laissait que peu de marge de manœuvre chez Avatar Press, il a retrouvé dans Image un foyer chaleureux pour ses creator-owned où il peut enfin choisir son dessinateur et suivre le processus de création de son comics du début à la fin. Il nous a ainsi déjà proposé Trees ou Supreme : Blue Rose, aujourd'hui on découvre Injection.

"We fund groups to find new exploitable resources."

Warren Ellis est fâché avec la narration linéaire. Il trouve que cela a pollué les comics au-delà du genre super-héroïque, dont il comprend la nécessité de suivre un chemin clair et chronologique pour alimenter le voyage du héros. Mais en dehors de ce genre, il abhorre l'absence de créativité en terme de récit, considérant qu'il y a dans cette approche une espèce d'estime personnelle négative du média, qui n'ose pas déroger à la sacro-sainte règle de l'exposition, de l'élément déclencheur et de cette foutue résolution (le nombre de péripéties est à l'appréciation de l'auteur). Difficile de lui donner tord quand même des œuvres que l'on adore comme Black Science sont écrites dans ce sens. Si bien que le scénariste fait tout pour aller à contre-courant, au risque de décontenancer son lecteur.

C'est le cas dans Injection. Pas d'exposition, des détails cryptiques dans tous les sens, des personnages que l'on voit agir avant même de savoir qui ils sont, ce qu'ils font ou ont fait. Ainsi, la première scène est pour le moins étrange. On débarque dans un asile, où nous faisons la connaissance de Maria Kilbride, et nous découvrirons son passé par petites touches impressionnistes, qui permettent petit à petit de donner forme à la nébuleuse qu'est ce personnage. Pour l'heure, elle est accueillie dans une salle par des infirmiers aux masques SM et rencontre l'incarnation de toutes les craintes latentes d'Ellis (qui devraient aussi être celles du monde, mais same old story) : une femme qui travaille pour une grosse compagnie dont le but est de trouver, apparemment, de nouvelles ressources exploitables. Sans se soucier des conséquences, puisqu'elle explique clairement qu'ils s'assurent de régler les problèmes qui pourraient émerger. Justement, c'est là que commence notre histoire.

"Don't call me paranoid."

L'élément déclencheur a donc déjà eu lieu, le problème pour le lecteur, c'est qu'il ignore de quoi il s'agit et n'a qu'un aperçu très diffus de la situation initiale. Le jeu de piste proposé par Warren Ellis commence ici. On ignore encore sur quel point portaient les recherches que menait Maria avec son équipe, dont on rencontre deux autres membres, Brigid Roth et Robin Morel. Ce dernier étant spécialisé dans l'histoire ésotérique des îles britanniques (ce qui aura son importance pour la suite), petit à petit, on déroule le fil que nous laisse l'auteur. Sur fond de méga-corporation qui s'acoquine dans le plus grand secret avec les gouvernements, on découvre que les recherches menées par cette équipe de génies dont on ignore le véritable but mêlent science et paranormal. Ou bien une science différente, encore inexpliquée. Cela dépend de l'interprétation de chacun sur le surnaturel.

Un premier numéro volontairement mystérieux, et qui se refuse d'ailleurs de donner le moindre indice sur la plus grande énigme du comics : l'Injection. Quel est cette chose, que l'on retrouve tatoué sur l'avant-bras des membres de cette équipe menée par Maria, quel est son pouvoir, à quoi sert-elle ? Après quelques petites piques sur la surveillance des réseaux et l'état du monde, Warren Ellis nous laisse un peu en plan. Il refuse de donner quoique ce soit à ses lecteurs, à eux de trouver. C'est d'ailleurs sans doute pour cela qu'il avait d'abord pensé à cette histoire en graphic novel, avant de choisir la sérialisation. Pour que le lecteur patiente et ne se sente pas totalement lésé par une histoire qui exige beaucoup de son attention, le trait expert de Declan Shalvey (magnifiquement assisté à la couleur par Jordie Bellaire) étant une raison suffisante pour maintenir un intérêt tout le long du numéro.

Warren Ellis a donc décidé de laisser l'histoire se dérouler d'elle-même, se refusant de faire de l'exposition. Il n'est pas là pour vendre une histoire, mais la raconter. Si bien que ce premier numéro manque de sex-appeal pour une introduction, rien ne poussant le lecteur à continuer. C'est une sorte de pacte que passe le scénariste avec son lectorat : "laissez-moi raconter ce récit à ma façon, vous le jugerez sur son entièreté". Toujours aussi délicat, Ellis se refuse à devenir un entertainer, et c'est sans doute la meilleure nouvelle que nous apporte ce premier numéro.

Alfro
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