Alors qu'il vient d'entamer son premier "véritable" travail avec DC Comics (il a déjà fait un numéro du webcomic Adventures of Superman) avec Constantine #1, il est temps de s'intéresser à Riley Rossmo. Un artiste dont le nom ne cesse de revenir ces derniers temps alors qu'il est resté pour le moment assez loin des deux majors. Un artiste qui a construit sa réputation sur des choix graphiques osés, permis par son travail chez les indés.
Riley Rossmo a fait des études d'art, à l'Alberta College of Art & Design, ce qui est somme toute assez normal. Ce qui est tout aussi normal, c'est que cet amoureux des comics qui cite Bill Sienkiewicz comme sa plus grande influence artistique ne trouvera pas de travail dans la BD en sortant de son école. Si bien que comme beaucoup d'autres, il va tout d'abord travailler comme illustrateur freelance, principalement au Canada.
Après quelques années de ce régime, il va créer avec son ami (qui travaille aussi dans la pub) Alex Grecian, le graphic novel Seven Sons. Le petit éditeur indépendant canadien AiT/Planet Lar tombe sous le charme et le publie. Ce projet sorti en 2006 va avoir pas mal de résonance, pour une BD sortie chez un si petit éditeur, assez du moins pour qu'Image Comics demande aux deux amis de faire une histoire de quelques pages dans leur revue anthologique Negative Burn.
On est loin de la gloire (principalement parce que pas grand monde ne lit cette revue), mais les deux artistes canadiens ont un pied chez Image qu'ils vont mettre à profit. Ainsi, tout en continuant leur travail dans la pub, ils préparent patiemment leur première série, Proof. Cette série qui emprunte largement à X-Files sur un ton beaucoup plus absurde va débuter en 2007 et va avoir tellement de succès qu'elle permettra à Rossmo de se professionnaliser.
Fait assez rare pour une première série, elle va durer assez longtemps puisqu'ils travailleront dessus pendant deux ans. Au terme de celle-ci, le dessinateur sera contacté par A.J. Liebermann qui a encore un projet fou à lui proposer : Cowboy Ninja Viking, l'histoire d'un assassin qui abrite de nombreuses personnalités. Un succès d'estime une nouvelle fois, et un premier contrat d'adaptation, par Disney qui plus est. Encore une fois, ce sera un projet au long cours, qui durera dix épisodes.
Sa carrière dans les comics est fort bien lancée. Et s'il fait alors quelques fill-ins pour Marvel en dessinant quelques épisodes de Daken, il préfère insister dans les indés en offrant une courte suite à Proof, puis en lançant avec Kurtis J. Wiebe le comics Green Wake. Pourtant, malgré des critiques élogieuses, celui-ci ne marchera pas très bien en comics shops et devra s'arrêter rapidement (dix numéros tout de même, mais ils en avaient prévu beaucoup plus). Ce qui n'empêche pas Rossmo de faire désormais partie de ces artistes à qui Image confie régulièrement des couvertures variantes.
Bien installé chez Image, et visiblement très apprécié par Eric Stephenson, Riley Rossmo va rentrer dans une phase de stakhanovisme intense. Ainsi, s'il continue toujours à faire quelques fill-ins sur Daken, il va aussi lancer Rebel Blood, son premier comics qu'il écrit aussi. Une histoire d'horreur qui montre qu'il a plus de registres à sa palette que le fantastique un peu absurde.
Peu de temps après, toujours en 2012, il retrouve Kurtis J. Wiebe pour lancer Debris, une mini-série aussi saisissante par son histoire, qui présente un futur où la Terre est recouverte par les déchets de l'humanité, que par son dessin où Rossmo dévoile tout son talent. Juste après, il collabore avec Nick Spencer pour lancer Bedlam, un comics d'horreur aussi malsain qu'il est intéressant, et qui surtout permet au dessinateur d'offrir encore une nouvelle facette à son art.
Désormais convoité par tous les éditeurs, il fait le choix de ne pas signer avec les majors, préférant travailler sur des projets qui l'intéressent. Ainsi, en 2014 il se lance dans son premier projet (autre que des couvertures) pour BOOM! Studios en dessinant Curse. Dans un même temps, il se rapproche de Valiant pour lesquels il fait de nombreuses couvertures puis des fill-ins sur Harbringer.
Encore en 2014 (on vous l'a dit, il est accro au travail), il va retrouver celui avec qui tout a commencé, Alex Grecian (qui entretemps a écrit plusieurs romans qui ont plutôt bien marché), pour lancer à nouveau chez Image Comics la série Rasputin. Cette nouvelle réinterprétation de la dernière nuit du conseiller maudit du dernier Tsar est imaginée sur un mode fantastique et confirme tout le bien que l'on pense alors de lui, revenant régulièrement dans les conversations sur les artistes à suivre.
2015 serait-elle l'année de la reconnaissance publique ? Celle où il va enfin se faire un nom avec des projets plus en vue ? C'est en tous cas bien parti puisqu'il va être invité par DC Comics à participer à l'artbook sur Mad Max : Fury Road où il figure en bonne place, entre David Mack et R.M. Guéra, posé. D'ailleurs, celui qui a fait son retour aux sources puisqu'il est désormais professeur à l'Alberta College of Art and Design, lance avec Ming Doyle et James Tynion IV son premier comics mainstream avec Constantine. Nul doute que dans les années à venir, on entendra de plus en plus souvent son nom, surtout s'il continue sur ce rythme de forcené.