Déjà bien installé dans le cœur des fans de blockbusters, Zack Snyder est définitivement destiné à voir son nom porté au panthéon de l’histoire du cinéma super-héroïque, et probablement au-delà. Celui qu’on connait pour son génie visuel et ses tics de réalisation tel que le ralenti 16x a ouvert la porte du DC Universe de Warner avec Man of Steel en 2013, promesse d’un univers plus grand. Mais c’est définitivement en 2016 qu’il défoncera la porte et les murs qui l’entourent à coup de Batmobile et de mandales entre les deux plus grands super-héros (si, on peut le dire) de la culture populaire : Superman et Batman. Batman v Superman : Dawn of Justice lancera l’univers partagé que Warner Bros attendait avec impatience, se concrétisant d’autant plus en 2017 avec la première partie de Justice League, toujours par Snyder, lui qui enchaîne les tournages à grande échelle.
Interviewé par The Daily Beast, le réalisateur du carton annoncé s’est confié sur son film, sur la place de Batman face à Superman, et sur le sempiternel débat relancé par Steven Spielberg cette semaine : les films de super-héros sont-ils en train de s’essouffler ?
« J’ai travaillé avec Chris Terrio sur le scenario, et il a fait un travail fantastique. C’était très fun à faire en soit, mais ça a aussi un regard tourné vers le futur, puisqu’il ouvre la porte à Justice League. Il y a quelques temps, quand on a su que Batman serait dans le film, je me suis dit 'OK, bien ! Parce que vous savez ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’on peut ouvrir les vannes maintenant !' ».
Et les vannes, ils les ont ouvertes. Annonçant Batman (Ben Affleck) contre Superman (Henry Cavill), le film introduira aussi Wonder Woman (Gal Gadot), Aquaman (Jason Momoa), Victor Stone/Cyborg (Ray Fisher), Lex Luthor (Jesse Eisenberg) et peut-être d’autres personnages encore sous le coup de la rumeur. Et pour introduire tous ces personnages, il fallait forcément jouer sur les temps de présence.
On a vu beaucoup de blagues depuis deux ans sur le statut de Batman dans la promotion, au-dessus d’un Superman dont ça devait être le second film. La vérité, c’est que du point de vue de Warner, ce Batman v Superman n’a jamais été un second film sur Superman, mais un premier film sur son univers étendu. Man of Steel 2 viendra probablement, mais plus tard. Ainsi, Batman devrait aussi être mis plus en avant dans la promo.
« C’est tout simplement parce qu’on a un Batman différent du Batman des films de Nolan, donc on a un peu plus d’explications à donner, là où on vient d’avoir un film entier consacré à Superman. C’est comme ça que je le vois, et ça concerne plutôt le début du film, avant de se rééquilibrer par la suite. »
Snyder continue en développant sur l’opposition de ses personnages :
« Ce sont les deux faces d’une même pièce. C’est intéressant car Batman est un homme, et Superman est un dieu, si on veut bien le voir en ces termes. Donc leur relation est très conflictuelle. Ce que Superman voit comme la limite de Batman, Batman le voit comme une tentative de contrôle de Superman, agissant comme un dictateur. »
« Ce qu’on a recherché est l’humanité de chaque personnage. On a essayé de se dire ‘Que devrait faire Batman pour vaincre Superman, et que devrait faire Superman pour vaincre Batman ?’ Leur conflit se base sur leur compréhension mutuelle des faiblesses de l’autre. Ce qui est intéressant quand on travaille avec des personnages mythologiques comme ça, c’est de les rendre humains à nouveau, de leur remettre les pieds sur terre. Et pour ça vous devez connaître les règles afin de les briser. Ils doivent traverser la stratosphère avant que vous puissiez les ramener au sol. »
Snyder a ensuite parlé de la comparaison évidente avec le modèle Marvel Studios, s’en déchargeant en invoquant l’aura de ses personnages, et leur impact sur la culture populaire avant même leurs films (rappelons qu’Iron Man était un quasi inconnu du grand public avant sa popularisation par Marvel Studios / Robert Downey Jr.).
« C’est délicat, de mettre en place le DC Univers, ou même la Justice League. Le crédit revient à Chris Nolan qui a su poser les bases d’un DC Universe d’une façon magnifique. Je vois dans ce qu’il a fait un aspect plus mythologique que divertissant. Et ça convient parfait à Batman et Superman à mon avis, parce que ce sont les super-héros les plus mythologiques qui soient ».
Bien évidemment, The Daily Beast n’a pas manqué de lui poser la fameuse question de l’essoufflement, suite aux propos de Steven Spielberg. Et sa réponse, si elle froissera les fans inconditionnels de Marvel Studios, ne manque pas de pertinence.
« Cela se rapporte à l’aspect mythologique des films que l’on fait. J’ai l’impression qu’il (Spielberg) a raison. Mais j’ai aussi le sentiment que Batman et Superman transcendent les films de super-héros d’une certaine façon, parce qu’ils sont Batman et Superman ! Ils ne sont pas, par exemple, la formule Ant-Man de la semaine, sans vouloir être méchant. Quel sera le prochain Blank-Man ? »
Avec cette expression de « Blank-Man », Snyder touche le cœur du problème Marvel Studios d’après une partie du grand public, à savoir le copier-coller année après année d’une formule qui a fait ses preuves, et qui peut s’appliquer à tout héros lambda. Et force est de constater qu’il a raison sur au moins une partie du problème, même si d’une façon plus générale la remarque est réductrice (il y a plus qu’une simple formule dans l’univers Marvel Studios).
Enfin, il termine sur une note positive, qu’il faut garder en tête quand on veut parler en absolu de la fin d’un genre.
« Mais, est-ce qu’il n’a pas comparé ça aux westerns ? Il y a toujours de grands westerns aujourd’hui. Je pense que dès que quelque chose devient un genre, vous devez commencer à vous attarder dessus pour essayer de le comprendre. »
