On a aimé• L'écriture, habile et passionnée par le Batverse
• Bruce Wayne, enfin.
• Les enfants de TAS ont bien grandi
On a moins aimé• Moins fun que les derniers jeux Telltale
• Quelques soucis de framerate
• 2h à peine, c'est trop court
Notre note
Avant de commencer à vous parler de la réussite paradoxale que représente ce Batman par Telltale, celle-là même lui vaut la mention coup de coeur (quitte à vexer ceux qui voient en nous d'horripilants combattants du DC Comics actuel, après la review de Suicide Squad #1 hier), précisions que le choix des mots est important dans le cadre de cette review.
En effet, plutôt que de parler de "test", j'ai préféré parler de critique, dans la mesure où en tant que jeu vidéo, ce premier épisode d'une nouvelle IP Batman n'aurait peut-être pas la même note ni le même affect, puisqu'il convient d'avantage à mes yeux de le noter comme le premier épisode d'une mini-série TV ou du premier chapitre d'un comic-book haletant, qui sait pourtant prendre son temps - devez-vous par conséquent vous contenter de le regarder en streaming sur YouTube et Twitch ? Le choix vous appartient.
Parce qu'au-delà d'un jeu qui oublie d'être ludique et qui n'est peut-être même pas à la hauteur de ses concurrents chez Telltale manette en main, il se cache surtout des scénaristes qui ont compris l'essence du personnage de Batman et de son alter-ego Bruce Wayne, et qui comptent bien à rappeler à tout le monde la teneur de celle-ci.
Débutant par une scène classique de démolition de goons à Gotham City après un braquage loin d'être anodin pour la suite des événements, le jeu place directement quelques règles : ici Batman ne tue pas (on y reviendra), l'ambiance est au Rated-R dès la première minute de jeu et jouer le Chevalier Noir ne risque pas d'être parmi les moments les plus grisant. Très vite pourtant, notre héros fait la rencontre d'une Catwoman qu'il n'avait jamais eu l'occasion de croiser auparavant, déclenchant avec son arrivée un grand huit dans l'utilisation du Batverse.
De la brûlante Selina Kyle à l'adorable Vicky Vale, d'un Alfred aussi classique qu'efficace à l'ensemble de la Wayne Family sur lequel on porte un nouveau regard, de la Batmobile ("The Car") à ce grand douchebag d'Harvey Dent qui brigue les élections de Maire à Gotham, des fondations de la ville à son cultissime GCPD où figure évidemment Jim Gordon accompagné de Renée Montoya et de la pègre représentée par le diabolique Carmine Falcon aux médias sulfureux de Gotham dont l'avatar est ce sympathique Jack Ryder, tout y passe pour mettre à l'aise les aficionados des Comics et de l'histoire de Batman. Certes, quelques passages obligés comme la mort de Thomas et Martha et/ou les sempiternels avertissements d'Alfred face au train de vie de Bruce y passent, mais tout ça sonne vrai et mieux : certains dialogues confinent au sacré avec de belles références dissimulées.
Certes, l'équipe de Telltale se permet certaines modernisations à l'image d'Oz (Oswald) Cobblepot, plus proche de sa version Gotham que du Pingouin classique, mais celles-ci sont toujours bienvenues et embarquent avec elle un propos et/ou la volonté de développer l'histoire plus en-avant. D'ailleurs, en dehors de cette scène un peu étrange où Bruce et son ami d'enfance (liés par le destin de leurs deux grandes familles, alors que la fortune des Cobblepot est désormais disparue) tabassent des SDF plus violemment que c'est permis, le jeu ne verse jamais gratuitement dans la violence et le spectaculaire, et laisse même à Bruce Wayne la majorité de la place d'ordinaire occupée par son alter-ego noctambule.
Passionnés par l'idée de développer la vie civile d'un jeune milliardaire que l'on découvre presque naïf face à sa condition d'héritier, les scénaristes vont nous laisser la possibilité d'incarner l'enfant prodigue de Gotham City, de le rendre tantôt charmeur mais droit dans ses bottes, tantôt plus calculateur et politique. Les choix vous appartiennent mais, comme d'habitude avec Telltale, ceux-ci ne vous permettent en réalité que de jouer votre Bruce Wayne rêvé, puisque tout converge alors pour mener ce dernier à sa perte sociale et politique. Plus à l'aise pour combattre le crime la nuit que pour répondre aux rumeurs des journalistes, on le découvre même poussé dans ses retranchements, dans un suspense plus haletant que les vaines séquences de baston proposées par ce premier chapitre.
Doublé par un Troy Baker qui joue le jeu à la perfection, le personnage prend alors le temps de nous expliquer les raisons et les méthodes de sa vie de justicier, sans jamais prendre de raccourcis faciles pour en faire une machine à tuer. Evidemment toujours Bat-équipé, on le voit ici user de drones lorsque sa force physique ne suffit plus, et Telltale tente même de nous faire jouer aux Détectives (c'est appréciable) dans une séquence qui reprend l'excellente idée de Rocksteady sur ses Batman : Arkham. C'est d'ailleurs dans cette scène que vous devrez prendre une décision marquante pour qui se pose la (légitime) question des limites du héros, sans véritablement pouvoir encore juger des conséquences d'un acte aussi brutal pour celui qui clame vouloir être craint par tous les malfrats de Gotham City.
Malheureusement, le jeu semble déplaire à beaucoup de joueurs pour sa mollesse dans le gameplay. Impossible de leur donner tort, si j'ai personnellement pris beaucoup de plaisir à évoluer dans les multiples décors qui nous sont proposés dans un nouveau moteur au cel-shading aussi impeccable que son framerate est hésitant, force est de constater que les combats sont beaucoup trop mous et qu'ils viennent casser le rythme pourtant bien géré dès lors qu'il n'est plus question de jongler comme un pantin les touches de votre manette (ou de votre clavier). Malgré ça, les plus patients d'entre vous devraient y trouver leur compte et si la question qui vous taraude est de savoir si "une vraie bonne écriture de Batman peut prendre le pas sur un gameplay trop mou", la réponse est un grand oui à mes yeux.
On pourra certes pinailler sur le fait que les scénaristes utilisent une fois de plus la menace d'armes chimiques planquées sur le port de la ville, mais le tour de force de parvenir à raconter une bonne histoire de Batman sans le moindre super-vilain prime là aussi sur ces quelques lieux-communs. Mieux : on se prend à rêver de voir ce Bruce Wayne évoluer au fil des années, et affronter l'immense galerie de menaces qui pèsent sur Gotham.
Présenté officieusement comme la suite spirituelle de Batman - The Animated Series pour des enfants qui ont depuis bien grandi, Batman : The Telltale Series ne nous a pas menti. Parfois affreusement mou à jouer, le jeu brille de milles feux par son écriture all-star et habile du Batverse, à mi-chemin entre la psyché d'un Paul Dini et les nombreuses intrications (politiques, mafieuses etc.) d'un Jeph Loeb. Ceux qui ne jurent que par Rocksteady et ses Batman : Arkham vont devoir se mouiller la nuque, tandis que les autres retrouveront un Bruce Wayne enfin aussi épais que le costume qu'il enfile la nuit, entouré par tous les personnages de Gotham que l'on aime tant. D'autant qu'à la fin de ce premier chapitre, une chose est certaine : on en redemande, et vite.