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Batman : Lost #1, voyage halluciné dans la continuité

Batman : Lost #1, voyage halluciné dans la continuité

chronique

Qu'on se le dise de suite, malgré son flambant numéro #1 ou son allure de one-shot, Batman : Lost fait partie des lectures qui ne destinent pas aux nouveaux arrivants, à ceux qui souhaiteraient prendre un event en cours de route ou découvrir le Chevalier Noir en toute simplicité. D'ailleurs, il serait difficile de conseiller la lecture à ceux qui ont pris le joyeux train de DC Comics avec le relaunch Rebirth, quoique j'aurais toujours l'idée, sûrement naïve, que perdre un lecteur dans une multitude de références peut pousser ce dernier, par pur instinct de curiosité, à découvrir ce qu'il a loupé. 

Si je vous ramène au dossier préparé par mes soins il y a quelques temps, c'est que Batman : Lost #1 est une prolongation directe de faits rapportés dans les prologues Dark Days de l'été dernier et la trame découlée depuis le premier numéro de Dark Nights : Metal. Il s'agit même d'une explicitation véritable de l'histoire du Chevalier Noir telle que Scott Snyder s'amuse à la ré-imaginer en tirant partie d'oeuvres passées, avec notamment le Return of Bruce Wayne de Grant Morrison (période Final Crisis) et le Dark Night, Dark City de Peter Milligan, dans lequel la mention du démon Barbatos, grand méchant de Metal, est apparue pour la première fois.

Snyder (assisté sur ce numéro par Joshua Williamson et James Tynion IV) en revient donc à son idée de remonter aux tous débuts de l'univers DC. A une époque ancestrale où il est question de tribus parcourant la Terre : celle des Oiseaux, celle du Loup et celle de l'Ours. Et c'est le leader de la tribu des Oiseaux qui trahira cette dernière et deviendra le chef d'une quatrième tribu portant l'emblème de la Chauve-Souris. Son leader est Hath-Set, celui qui entrera en contact avec le Nth Metal pour acquérir l'immortalité et entrer dans un cycle de conflit éternel avec Hawkman et Hawkgirl.

Il y a cette idée que Barbatos a aperçu Bruce Wayne lorsque ce dernier a été envoyé dans le temps en étant touché par la Sanction Omega de Darkseid dans Final Crisis. Qu'en apercevant ce personnage qui a réussi à transformer son symbole en synonyme d'espoir, il décidera de l'utiliser comme vassal pour arriver sur Terre depuis son Dark Multiverse. Et que cela passera par le façonnement de l'Histoire entière pour arriver à faire de Bruce Wayne le justicier Batman. Un ouroboros qui se rapporte directement à ce que pense Grant Morrison de l'histoire de Batman, et des super-héros en général : leur déroulement cyclique.

Vous pensiez connaître l'histoire de Batman ?

Pour les lecteurs aguerris, il sera donc facile de retrouver dans les planches successives de Jorge Jimenez, et Yanick Paquette des renvois directs aux récits de Grant Morrison et Peter Milligan. Avec quelques modifications bien entendu (par exemple, Thomas Wayne a un rôle plus actif dans la cérémonie de sacrifice pour amener Barbatos, et la jeune femme sacrifiée a les traits de Selina Kyle). Mais la réinterprétation n'en est pas incohérente pour autant, et Snyder le pose même en préambule de son numéro, qui expose un méta-commentaire que (là aussi) Morrison avait déjà fait avant de livrer son run de Batman, tout en brisant le quatrième mur.


Batman : Lost #1 met en effet en scène un Bruce Wayne vieillissant dont les premiers mots, "I can see you" s'adressent autant au personnage révélé page suivante (sa petite fille, Janet) qu'au lecteur, la formulation étant reprise directement du Animal Man de Grant Morrison (encore lui). Et dans la bibliothèque on retrouve accolés tous les récits les plus emblématiques de l'histoire du Chevalier Noir, Bruce Wayne livrant le commentaire qui là aussi, résonne particulièrement aux oreilles du lecteur : ses histoires sont nombreuses, et certaines se contredisent. Mais elles ont toutes eu lieu. Et l'on pourrait presque y voir un conseil aux afficionados de continuité, pour laisser un peu de mou à ceux qui veulent qu'absolument tous les écrits du monde sur un personnage restent cohérents entre eux.


C'est sur cette non-cohérence que nous partirons après puisque l'histoire qui sert de départ au voyage halluciné dans le temps est le "Case of the Chemical Syndicate", tout simplement la première histoire qui a mis en scène Batman, en 1939, lorsque Bill Finger et Bob Kane l'ont présentée aux lecteurs dans les pages de Detective Comics #27. Et au fur et à mesure que l'histoire est déformée, à la fois pour démontrer au lecteur que "tout a eu lieu" et qu'en même temps la matière des comics est malléable au possible, intervient une proposition intéressante, qui renvoie à une autre scène iconique dans l'histoire de Batman. Celle que la chauve-souris qui traversera la fenêtre du salon d'un Bruce Wayne méditant, et qui lui donnera l'idée d'arborer le totem de cet animal, n'était autre que Barbatos, ou sa manifestation, accomplissement ultime dans sa volonté de faire de l'homme celui qui lui ouvrira les portes du Multivers.


En allant encore plus loin, Snyder pousse aussi dans une direction plus recherchée l'existence des Dark Knights, qui ne sont alors pas que la simple matérialisation des peurs les plus grandes de Bruce, mais ce qu'il aurait pu devenir si Barbatos ne l'avait jamais guidé pour devenir le justicier qu'il est. On peut ne pas être d'accord avec cette perte de libre arbitre dans le choix de Bruce Wayne d'être devenu Batman, mais le concept que le super-héros ait été façonné délibérément par une entité démoniaque dans un but qui le dépasse complètement est aussi vertigineuse que grandiloquente - un concept qui fait d'ailleurs craquer les nerfs de Bruce en fin de numéro, cette vérité étant trop dure à accepter.


Appropriation et créativité

Arrivé en fin de numéro, il paraît presque normal de voir Grant Morrison se joindre à Scott Snyder l'année prochaine (pour un one-shot Dark Knights Rising), tant le récit de ce numéro est empreint des mêmes thématiques, et d'une volonté de poursuivre son travail plus ou moins directement. N'est pas Morrison qui veut, dira-t-on, mais le travail de réappropriation de Snyder, mené par l'auteur depuis plus de cinq ans, paraît bien plus cohérent dans cette perspective. Parce qu'il étale en vingt pages des idées effleurées précédemment sur quelques cases éparpillées dans des numéros distincts. Qu'on ressent une envie de prendre son temps et de poser le tout à plat, et il ne manquerait plus que quelques notes d'éditeurs pour renvoyer aux écrits concernés ceux qui, passant par là, seront simplement comblés par des dessins solides (les styles des artistes évoquant différentes époques de publications et collant aux oeuvres référencées) sans pour autant être certains d'avoir compris ce qu'ils ont lu.

Avec un contenu assez dense, une certaine richesse du propos qui paraît pourtant calme par rapport à certaines envolées de Dark Nights : Metal, ce Batman : Lost permet surtout d'exposer ce qui fait la saveur et la complexité des histoires du Chevalier Noir. Avec ce rappel, qui semble pourtant évident, qu'il n'y a pas qu'une seule façon de raconter l'historique d'un personnage, que les travaux des uns peuvent réinspirer les autres sans qu'on parle de pompage, et que la continuité est somme toute assez malléable pour que chaque auteur puisse en profiter.

Arno Kikoo
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