Le Punisher est un personnage problématique. Peut-être encore plus problématique de nos jours qu'il a pu l'être lors de sa création. En faisant de lui le défenseur des minorités opprimées, qui défilaient à la barre lors du procès de Frank Castle en pleine saison 2 de Daredevil, Netflix et Marvel Television ont réussi à réinventer le personnage dans un contexte plus moderne et plus sensé. Et la série The Punisher de Steve Lightfoot continue dans ce sens, avec tous les défauts des séries Marvel issues de la plateforme de streaming. Mais aussi de vraies qualités.
Critique garantie sans spoilers !
La première d'entre-elle sera assurément Jon Bernthal. On le savait depuis l'année dernière et la seconde saison de Daredevil, mais le bonhomme s'impose ici comme une vraie force de la nature. A grands coups de cris gutturaux, Bernthal rappelle qu'il est le Punisher à chaque scène. Mais s'il est capable d'une bestialité effrayante quand il s'agit d'abattre froidement une escouade de mercenaires envoyée à ses trousses ou des "Hadji" encerclant ses frères d'armes, Jon Bernthal se montre également plus fragile voire touchant dans des moments plus doux. Une dualité omniprésente dans ces treize épisodes, qui nous rappellent donc au talent de l'acteur qui avait vu sa carrière exploser suite à The Walking Dead. Et si l'ambivalence du personnage a tendance a être forcée par des flashbacks très insistants, qui n'apportent pas grand chose au récit, on reste bluffé par la justesse du jeu de Bernthal dans les séquences les plus physiques comme dans les scènes les plus simples.
L'importance du sous-texte
Autre atout dans la manche de Steve Lightfoot : les nombreux sous-textes développés par la série. On imagine que de nombreux spectateurs et autant d'équipes créatives se seraient contentés de treize opus meurtriers de Frank Castle, mais le showrunner et son entourage créatif ont choisi de mettre à mal la figure du Punisher. A l'aide de quelques tics trop récurrents dans les séries Marvel de Netflix, comme le rapport au costume (brûlé dès la première séquence du premier épisode) mais aussi avec un maximum de réflexions sur l'Amérique des années 2010. Le retour des vétérans au pays, l'accessibilité aux armes, les syndromes post-traumatiques et les profiteurs de guerre sont ainsi autant de sujets utilisés par la série pour faire descendre le personnage principal de son piédestal cathartique.
Pour beaucoup, cette approche dénature le Punisher. Et si on ne peut pas tellement leur donner tort, tant la série n'évoque pas spécialement les aventures de papier du vigilante, il convient de rappeler qu'une formule plus légère aurait pu paraître insolente voire irresponsable en 2017. La série fait donc le choix d'une réinvention presque totale, mais qui ne manque pas de saveur ou d'intelligence. La nouvelle itération du personnage de Micro, sorte de Snowden de l'univers Marvel, le montre bien : Ebon Moss-Bachrach incarne un sideckick bien plus complexe que celle qui fournit d'ordinaire ses flingues et quelques infos à Frank Castle. Autre réinvention, celle de Billy Russo, incarné par un Ben Barnes fringuant. Le mafieux devient un ancien Marine ayant fait fortune dans le mercenariat pour les besoins de la série, mais n'en reste pas moins intéressant, bien au contraire. La relation que le personnage entretient avec son ancien frère d'armes est d'ailleurs l'une des meilleures dynamiques du show.
Robuste sur la durée
De nombreuses réinterprétations donc, qui peuvent surprendre mais finissent par fonctionner dans la diégèse de ce Punisher qui a le bon goût de ne pas trop s'embarrasser du reste du Marvel Cinematic Universe, ce qui lui permet de fonctionner bien mieux que toutes les séries Marvel de Netflix sur la durée. Ce n'est peut-être pas votre Punisher, mais c'est un Punisher actualisé, celui d'une Amérique en guerre, non pas à l'étranger - même si quelques scènes en Afghanistan sont au programme - mais sur son propre territoire. Dans ce contexte, il aurait sans doute été difficile de mettre en scène un Punisher plus bourrin. Mais il est en tous cas intéressant de suivre ce Frank Castle plein de nuances, qui semble avoir été taillé pour la palette de jeu d'un Jon Bernthal inspiré.
Maintenant, ça ne nous fera pas oublier certains défauts, devenus trop communs pour être pardonnés. On pense tout d'abord à l'identité malmenée de nos héros favoris, qui semblent toujours raccrocher le costume pour mieux l'enfiler dix épisodes plus tard. Le rythme des séries Marvel de Netflix semble avoir été défini il y a trois ans cela et ne s'est pas réinventé depuis, même si ce bon Frank s'en tire mieux que Matt, Jessica, Luke et Danny. Dans le même ordre d'idée, si la série ne souffre pas de la direction artistique de pacotille caractéristique des séries précédentes, Steve Lightfoot et ses équipes répondent aux applats de couleurs grossiers par une photographie assez plate.
Dommage, d'autant que la série nous propose des paysages New-Yorkais plus nombreux et plus variés qu'à l'accoutumée. Mais heureusement, The Punisher peut se rattraper du côté de l'ambiance musicale, à l'aide d'un certain Tyler Bates (300, Watchmen, John Wick) à la composition, lui qui livre une atmosphère à mi-chemin entre Marilyn Manson (dont il est devenu l'un des guitatistes, pour l'anecdote) et Johnny Cash, de sonorités qui collent particulièrement bien au personnage.
Même avec un gilet pare-balles tagué d'une tête de mort, on ne peut visiblement pas échapper aux défauts des séries Marvel de Netflix. Si Frank Castle s'en sort beaucoup mieux que ses collègues sur la durée, le show de Steve Lightfoot affiche des erreurs désormais bien connues par les abonnés de la plateforme de streaming. Bien heureusement, l'implication de Jon Bernthal rattrape en grande partie les faux pas de cette série, qui propose une réinvention intéressante, voire passionnante, de la figure du Punisher, mise à mal par un paquet de sujets d'actualité incarnés par un casting secondaire de qualité. A défaut d'être une excellente série, The Punisher est donc un outil particulièrement utile quand vient l'heure de s'interroger sur nos héros favoris et leurs méthodes. En 2017, c'est déjà énorme.