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Doomsday Clock #2, le débrief

Doomsday Clock #2, le débrief

DossierDc Comics

Démarré le mois dernier, Doomsday Clock s'en est revenu conclure l'année 2017 avec un deuxième numéro qui risque fort de faire parler de lui, si tant est que des comics au format papier arrivent encore à cristalliser des débats dans les hautes sphères de l'internet. Au contraire d'un certain immobilisme dans son numéro d'introduction, Doomsday Clock #2 embraie vraiment les idées que Johns à en tête, quitte à déconstruire (ou détruire ?) son support initial, Watchmen, tout en se rapportant de nombreuses fois à l'oeuvre de Moore.

• Avant de lire ce dossier, relire : Sur la route de Doomsday Clock

Le pari était de toute façon risqué dès l'annonce même de Doomsday Clock, ou la dernière page de DC Universe : Rebirth #1. Et l'on pourra statuer d'emblée que faire une suite, qu'elle soit directe ou spirituelle à l'oeuvre d'Alan Moore et Dave Gibbons était une mauvaise idée. Passée cette affirmation, qui n'engage que ceux qui la formulent, il faudra aussi juger de ce que Johns compte apporter à la fois à l'univers DC, et dans quelle part Watchmen et son propos sont remaniés à l'heure actuelle, posant un autre regard sur les comics que celui de Moore il y a trente ans.

On pourra également s'interroger, après avoir fait le tour du numéro, de savoir si l'exécution des idées est bonne, si Doomsday Clock ne sent pas la grosse entourloupe, ou si ce numéro avait besoin d'un tel moment iconoclaste pour se démarquer de son imposant mentor. Avant de juger, regardons ce qu'il s'y raconte de plus près.

1. Un rapport à Watchmen continu
Chapitre 1

Un rapport à Watchmen continu

Quoique Doomsday Clock #2 raconte vis-à-vis de Watchmen dans son propos, sa structure et son histoire sont bourrés de références et clins d'oeil à l'oeuvre d'Alan Moore et Dave Gibbons (et notamment ce dernier dans l'aspect visuel et la construction narrative des planches). A commencer dans la première séquence de flashbacks du numéro, qui concerne le passé des criminels Marionette et Mime, redoutables braqueurs de banques - et complètement fous.

Au départ du numéro, alors qu'on nous explique qu'un mystérieux personnage (The Tailor Wife) s'est occupée de fournir l'ensemble des costumes aux super-vilains en herbe, après l'apparition des Minute Men, Marionette et Mime retrouvent leurs costumes et leur maquillage, alors qu'un poste télévisé diffuse une bande vidéo de leur dernière exaction avant que Dr. Manhattan ne les arrête.


La construction en gaufrier, et l'assemblage des cases qui alternent entre moments dans le passé et dans le présent, formant un "X" sur la planche, est un miroir de ce que faisait Dave Gibbons dans Watchmen #2, lors de l'enterrement du Comédien, alors que Laurie se souvenait de sa dernière visite chez sa mère.

Le dernier braquage de Marionette et Mime est donc interrompu par l'arrivée de Manhattan (avec les crépitements électriques qui annoncent sa présence), mais ce dernier ne va pas oblitérer les deux criminels pour une raison assez simple.


Manhattan reconnaît en effet que Marionette est enceinte, un fait qui ne peut être ignoré quand on se rappelle de cette scène où le Comédien abat une femme enceinte et qu'il ne fait rien pour réagir. Si dans Watchmen, cet acte montrait de plus en plus l'éloignement de Jon Osterman du reste de l'humanité, on sous-entend ici que ça peut l'avoir marqué, et qu'il y a encore à ce moment une part qui l'empêche de sacrifier la vie d'un être innocent. On peut supposer dès lors que cette scène dans la banque se déroule entre celle du Comédien précédemment évoquée, et le début de Watchmen. C'est d'ailleurs ce semblant d'humanité (ou d'espoir ?) exprimé à ce moment qui fait qu'Ozymandias veut ramener Marionette avec elle ; à la manière d'une certaine photo, elle correspond à un moment du passé d'Osterman capable de le ramener à sa nature pré-super humaine. 

On se rappellera en outre que le fils de Marionette et Mime est utilisé comme leitmotiv par Ozymandias pour forcer le couple de super-vilains (pastiche des personnages Punch et Jewelee créés à l'époque de Charlton Comics) à les accompagner dans leur quête du Dr. Manhattan.

Allons maintenant du côté de Rorschach, avec une première scène du test éponyme, qui survient une fois qu'Ozymandias et sa troupe ont quitté leur Terre (on y revient après) et qui voit Bruce Wayne passer ledit test - et mentir - de la même façon que le faisait Walter Kovacs en son temps, après avoir été attrapé par les forces de l'ordre.


Bruce Wayne utilise les bateaux de toute sortes pour se débarrasser du test, qui lui a été imposé, on l'apprend, par son conseil de Wayne Enterprises. A noter que le tout premier symbole, dans la case en haut à gauche, aura toute son importance pour une scène clé à la fin du numéro. Mais continuons avec ce Rorschach (qui est un nouveau porteur du costume, comme le montrait le premier numéro de Doomsday Clock), dont l'identité reste un mystére, bien qu'un curieux nom soit mentionné.


Alors qu'il recouvre ses esprits et menace de tuer Ozymandias une fois arrivés sur Earth 0, ce dernier fait mention d'un "Reggie". Il pourrait s'agir du nom civil de ce nouveau Rorschach, ou bien du nom d'une personne qui lui importe, et qu'Ozymandias utiliserait, comme il le fait avec tout le monde au final, pour forcer son partenaire de travailler avec lui.

Plus tard, ce Rorschach doit aller à la rencontre de Bruce Wayne pour le persuader de les aider. Alors qu'il mange les pancakes préparés par Alfred pour Bruce (ce Rorschach a un faible pour les pancakes, ce qui est utilisé en gimmick à présent), il réussit à trouver l'entrée de la Batcave, et cette scène renvoie directement à Watchmen, une nouvelle fois, lorsque le premier Rorschach découvrait le placard secret dans l'appartement du Comédien.


Comme je vous l'expliquais précédemment, le symbole sur le masque de Rorschach a son importance, puisqu'il s'agit du même présenté sur la carte que Bruce Wayne a vue lors de son passage du test quelques planches plus loin. Le symbole est utilisé sur la fin lorsque les deux personnages, tous deux masqués, sont amenés à enfin se rencontrer.

Le numéro s'achève enfin sur une tentative d'assassinat sur Ozymandias (on reparle de qui perpètue cet attentat par la suite), qui renvoie là à la fausse tentative que le personnage orchestre sur sa personne dans le Watchmen original.


Le but de Doomsday Clock étant de mêler l'univers des Watchmen à celui de DC Comics, il est maintenant temps de passer à ce dernier, puisque Ozymandias et sa troupe ont réussi à y pénétrer, en s'aidant d'une simple commande sur le vaisseau de Nite Owl. Un bouton chargé de suivre une signature atomique liée à Dr. Manhattan, qui fait office de deus ex machina (et on pourra le lui reprocher), mais qui soulève une autre question.


En effet, le monde de Watchmen est dans une nouvelle crise, et la première bombe nucléaire est tirée juste avant le départ précipité d'Ozymandias, et on peut se demander s'il restera un monde à sauver une fois que Manhattan sera retrouvé...

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2. Que se passe-t-il dans l'univers DC ?
Chapitre 2

Que se passe-t-il dans l'univers DC ?

Il y a un fait à rappeler en premier lieu à la lecture de Doomsday Clock, c'est que les évènements qui y sont présentés ont lieu un an dans le futur, et ce qu'il se passe sur la terre principale de l'univers DC n'est donc pas encore arrivé (ou devrait arriver prochainement) dans le reste des publications régulières de l'éditeur.

A commencer par la situation du grand public vis-à-vis des super-héros, qui est au plus bas. La faute à une nouvelle théorie du complot qui circule dans les médias, et que Johns appelle la Supermen Theory. En tentant de répondre à une question triviale, à savoir "pourquoi la plupart des super-héros sont américains ?", la réponse apportée est qu'ils servent en fait d'arme potentielle au gouvernement américain. Les explications dans le détail sont rapportés en fin de numéro, avec de fausses coupures de journaux et d'extraits de site internets qui détaillent les évènements qui ont mené à l'irruption de cette théorie. 

A cet égard, deux noms sont à retenir, ceux de Rex Mason (Metamorpho) et Kirk Langström (Man-Bat), dont les origines sont partiellement redéfinies ici, surtout pour le premier. En effet, tout l'accident qui a mené à la création de Metamorpho, et le fait que Rex ait toujours blâmé Simon Staggs de cet accident, passe à la trappe en faisant croire à une machination inventée pour justifier l'existence de Metamorpho. Chose amusante, le personnage sera dans le roster du prochain The Terrifics de Jeff Lemire, et il faudra voir si cette histoire y sera réutilisée. 


On note du coup une ambiance sombre avec des protestations dans les rues qui sont identiques à celles que l'on voyait dans le monde de Watchmen (notons d'ailleurs ce clin d'oeil "look ! Up in the sky !" à Superman lors que la bombe approche). Une façon de dire que la présence de Manhattan dans l'univers DC commence à déteindre de plus en plus ? Ou un aspect pour mettre encore plus d'importance sur l'aspect "espoir" apporté par Superman par la suite ? Difficile de trancher pour le moment.


On notera qu'un premier élément de ces manifestations anti-Batman survient la même semaine dans les pages de Detective Comics #971, même si l'origine en est différente, il est amusant de le noter alors que les deux numéros sortent en même temps.

Continuons avec un détail sûrement d'importance lors de l'arrivée d'Ozymandias et sa troupe dans l'univers DC. Le vaisseau de Nite Owl se crashe en effet dans un parc d'attraction abandonné. Vous ne le reconnaissez pas ? Il s'agit en effet du lieu emblématique présent dans The Killing Joke, écrit par Alan Moore, comme chacun le sait.


Et le choix de ce lieu n'a rien d'innocent, si on se rappelle une des couvertures variantes de Doomsday Clock #5 qui montrait le Joker se maquiller avec des produits de beauté de la marque "Nostalgia" (créée par Adrian Veidt), les mêmes produits utilisés par Mime et Marionette en début de numéro. Deux possibilités alors : soit le Joker est effectivement en train d'utiliser ces produits de beauté pour lui, et la rencontre entre le Clown Prince du Crime et une sorte d'équivalent très clair au couple Joker/Harley venu de Watchmen, se fera prochainement. Ou bien Mime pourrait très bien décider de se travestir en Joker lors de sa visite du cirque/parc d'attraction abandonné. Rappellons nous en effet que le Joker en devient propriétaire dans The Killing Joke. Et la référence à cette histoire est encore plus pernicieuse puisque l'une des révélations de DC Universe : Rebirth #1 est qu'il existe trois Jokers dans l'univers DC, l'un d'eux étant celui, justement, de Killing Joke. De fait, les évènements de cette histoire sont donc bien intégrées dans la continuité de DC Rebirth (et font sûrement partie de ceux ayant disparu dans les dix ans volés par Manhattan).


Lors de leur arrivée sur Earth 0, Ozymandias et Rorschach prennent peu de temps pour découvrir ce monde, mais arrivent à en statuer quelques différences avec le leurs. C'est là aussi que Geoff Johns en profite pour mettre quelques références, comme cette allusion aux films de Nathanel Dusk, qui se rapportent à un personnage fictif de DC Comics, qui a eu droit à deux mini-séries publiées en 84/85 - et sont donc contemporaines de la période de publication de Watchmen. Le personnage est un détective privé à l'imagerie typique, en imper et chapeau, qui rappelle le look de Rorscach à de nombreux égards. Le dessinateur était Gene Colan, et le nom de Carver Colman est peut-être un clin d'oeil à y voir. Enfin, le nom de Jacques Tourneur n'est pas inventé, il s'agit d'un réalisateur français, devenu américain, qui a réalisé beaucoup de films noir (La Féline, par exemple). 


Ozymandias se rend à la bibliothèque de Gotham City pour faire ses recherches et déterminer les personnes les plus importantes à rencontrer sur cette Terre. Il cite alors le nom de trois auteurs avant de s'y rendre, ceux de John Hemingway, Virginia Woolf et de Vladimir Mayakovsky qui ont, note Rorschach "un point commun" - et celui-ci est macabre, puisque ces trois personnes se sont toutes données la mort. Un geste très fort bien qu'il soit difficile de voir quelle connotation veut donner Johns en choisissant ces trois personnes, sinon donner un ton encore plus sombre aux scènes se déroulant dans le présent (et qui, curieusement, tranchent avec l'ambition de Rebirth de rapporter espoir et optimise dans les publications de l'éditeur).


Toujours dans cette même séquence, un détail du dialogue entre Ozymandias et Rorschach prend toute son importance, puisque le premier explique que sur cette Terre, les héros à super-pouvoirs sont bien pus nombreux que sur leur monde, et que certains personnages fictifs dans leur réalité sont ici bien réels. On avait vu dans Watchmen que les comic books faisaient partie du quotidien, bien que les comics de super-héros étaient bien moins au goût du jour puisqu'ils faisaient partie du quotidien. Néanmoins, on peut supposer que certains personnages DC aient alors eu droit à des publications dans l'univers Watchmen, et que le Dr. Manhattan aurait pu en créer certains en s'inspirant de ces personnages fictifs ?


L'une des théories de Doomsday Clock est qu'en effet Manhattan aurait pu créer tout ou partie de l'univers DC, ou alors certains de ses super-héros (oserait-on imaginer que Superman ait été inventé par Manhattan ?) ; à noter que la mention que Manhattan pourrait profiter du nombre importants de super-héros/vilains pour se camoufler parmi eux n'est pas sans rappeler la présence d'un certain Captain Atom dans cet univers (dont la série New 52 présentait un personnage clairement copié sur Manhattan).

Revenons pour conclure à un autre personnage de l'univers DC, Lex Luthor, qui d'ici une année sera redevenu un figure bien plus vilaine que le super-héros en armure que l'on a vu ces derniers temps, dans les pages d'Action Comics ou Superman. A ce propos, la fin de Superman #36 montrait Luthor enlever le blason "S" de son armure, un possible pas vers son nouveau statu quo.


On voit que la situation dans les laboratoires de Luthor est mauvaise, avec des scientifiques qui ne s'entendent pas, et une crise interne qui fait que le mégalomaniaque les licencie tous, tout en faisant état d'une luttre contre Wayne. Les détails de cette histoire sont là aussi révélés dans les fausses coupures de journaux en fin de numéro, puisque les deux entreprises s'affrontent sur le terrain judiciaire alors que des scientifiques de Wayne Enterprises ont été arrêtés pour espionnage industriel pour le compte de LexCorp. Le sujet de ces recherches ? Le "métagène", une anomalie génétique qui serait responsable de la présence de méta-humains sur Terre, et qui aurait été utilisé par le gouvernement américain pour générer des surhommes, telle que la Supermen Theory qu'on mentionnait avant le veut. 

Chose intéressant d'ailleurs dans le texte qui fait état de cette affaire, il est dit que le métagène a été découvert lors de l'invasion de la planète Terre par les Dominator, ce qui est un renvoi au crossover Invasion! publié en 1988-89. Un autre élément à rajouter comme partie intégrante de la continuité Rebirth.

Il reste maintenant à aborder quelques derniers éléments, qui participent à un certain discours de Geoff Johns, dont les retombées ne pourront être jugées qu'à la publication de futurs numéros.

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3. Une dé(con)struction de Watchmen ?
Chapitre 3

Une dé(con)struction de Watchmen ?

Il est certain que la lecture de ce Doomsday Clock #2 pourra faire tiquer de nombreux lecteurs par rapport, d'une part, au respect de l'oeuvre originale et ce que Johns décide d'apporter à l'univers créé par Alan Moore et Dave Gibbons. Et d'autre part, par les différents messages que l'auteur apporte dans son propre récit, qui semble être comme une sorte d'opposition idéologique totale à Watchmen, alors que de très nombreuses références lui sont faites tout du long.

Les niveaux de lectures de Watchmen sont nombreux, et l'analyse qui suivra est personnelle et se base en priorité sur le fait qu'Alan Moore affirmait par son histoire que si même les super-héros pouvaient exister, ils seraient impuissants à traiter les problèmes du monde. L'impuissance du Dr. Manhattan à arrêter le plan d'Ozymandias, et son départ par après de la Terre, en sont la démonstration la plus puissante. Et quelque part, Johns a un point de vue à mon sens opposé, dans le sens que oui, les super-héros sont importants. Et s'il faudra encore attendre de voir si c'est bien Superman qui va incarner cette opposition à Manhattan (c'est le pari fait au vu de certaines couvertures), on voit déjà dans ce numéro l'auteur prendre à revers les positions de Moore.

Premièrement, les pouvoirs de Manhattan faisaient ce que dernier se détachait progressivement de la vie humaine. Comme montré précédemment, Johns contredit cette idée avec la scène de Marionnette, et qu'il pourrait donc rester une part d'humanité chez Manhattan, qu'Ozymandias est bien décidé à utiliser. D'autre part, Johns se montre très provoquant lors du dialogue entre Luthor et Ozymandias, le premier se moquant complètement de toute son intrigue fomentée dans Watchmen


Et ce n'est pas la première fois que Johns fait du rentre-dedans à Watchmen, l'idée même que Manhattan soit responsable des "dix ans volés au DCU" - et par là, la perte d'identité de cet univers, et un côté trop grim & gritty que l'on reproche à la période New 52 - est assez clivante. Watchmen a énormément apporté au monde des comics, et notamment par son ton, que les bande dessinées de super-héros sont aussi destinées à un lectorat adulte ; mais ce côté sombre, cette perte d'innocence d'un médium qu'on considérait pour les enfants, a une influence toujours importante à l'heure d'aujourd'hui. Une influence dont Johns cherche, peut-être, à se débarrasser.

Enfin, il conviendra de noter l'ultime moment de Doomsday Clock #2, qui va à l'encontre de tout ce que Watchmen a posé : le retour du Comédien.


Alors évidemment, il s'agit d'un cliffhanger, et puisque Johns a introduit un nouveau Rorschach, il n'y a pas raison qu'il n'en soit pas de même ici. On notera malgré tout la grande cicatrice sur le visage du Comédien, qui est témoin de son passé tel que raconté par Moore, qui fait fortement douter. Il faut aussi se rappeler qu'Adrian souffre d'une tumeur au cerveau, et que le personnage pourrait dès lors être le fruit d'une hallucination (bien qu'il y a évidemment un agresseur, puisqu'une balle bien réelle touche Lex Luthor). Quoi qu'il en soit, ramener le Comédien, dont la mort ouvrait Watchmen, est d'une nature symbolique hyper forte (d'aucuns diront "un scandale"). Encore plus dans ce deuxième numéro de Doomsday Clock, puisque le second numéro de Watchmen se déroulait avec les funérailles du Comédien en fil conducteur.

Et plus que ce retour, ce sont les paroles de Rorschach à ce moment qui sont sûrement les plus frappantes. Ce dernier parle alors du côté dérangé de Bruce Wayne, car il est en train de découvrir la Batcave et tous les trophées qui y résident, mais il y a un double sens évident dans ses dires, lorsqu'il parle d'un personnage incapable d'oublier le passé, et qui doit affronter "son plus grand mensonge : que les héros ne sont pas vraiment morts". Allié à l'image du Comédien (qui porte d'ailleurs son badge), cette dernière phrase explicite cette idée de ramener à une véritable importance l'idée des héros costumés, que Watchmen ne cessait d'enterrer tout au long de ses douze numéros.

Bien entendu, tous ces éléments exposés au cours de ce dossier sont à commenter avec la construction du récit de Johns, qui ne manque pas de certains défauts, au delà de vouloir prendre Watchmen à contrepied. On pourra citer l'effet deus ex machina du bouton "Manhattan" qui permet à Ozymandias de quitter son univers ; l'utilisation du mini Bubastis comme aimant pour retrouver le bonhomme bleu ; le fait que Rorschach et Ozymandias passent au final très peu de temps à découvrir l'univers DC et sachent tout de suite vers qui se diriger (on peut supposer que, malgré sa tumeur, l'intellect de Veidt reste assez puissant pour faire ses déductions sur les personnages les plus importants de l'univers DC), ou bien le fait qu'il faille tant de fausses coupures de journaux pour replacer tout le contexte des évènements présentés. 

Au delà de tout ça, il faudra encore patienter pour voir où toutes ces idées de Johns vont amener, et force est de constater qu'avec ce second numéro, l'auteur rentre dans le vif dans ce sujet et prend des positions risquées à bien des niveaux. A déconstruire l'un des propos de Watchmen, Johns passe aussi par une destruction presque littérale de cet univers (les bombes nucléaires explosent, ne l'oublions pas), comme si dans l'envie de se défaire du passé, Johns veut en quelque sorte "tuer le père" pour amener l'univers DC à un nouveau statut. C'est à mon sens couillu, presque prétentieux, et clairement critiquable quand on voit très bien que Doomsday Clock utilise le nom de Watchmen pour se vendre comme évènement éditorial. Ce deuxième numéro, par son caractère iconoclaste, permet en tout cas à Johns de mener concrètement son projet de rencontre entre les deux univers, et qu'elles qu'en soient les conséquences par la suite, mieux vaut se dire qu'il faut laisser Watchmen en tant que tel, dans une bulle, de côté, et s'en détacher, pour pouvoir apprécier la suite. 

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Chapitre 1

Un rapport à Watchmen continu

Quoique Doomsday Clock #2 raconte vis-à-vis de Watchmen dans son propos, sa structure et son histoire sont bourrés de références et clins d'oeil à l'oeuvre d'Alan Moore et Dave Gibbons (et notamment ce dernier dans l'aspect visuel et la construction narrative des planches). A commencer dans la première séquence de flashbacks du numéro, qui concerne le passé des criminels Marionette et Mime, redoutables braqueurs de banques - et complètement fous.

Au départ du numéro, alors qu'on nous explique qu'un mystérieux personnage (The Tailor Wife) s'est occupée de fournir l'ensemble des costumes aux super-vilains en herbe, après l'apparition des Minute Men, Marionette et Mime retrouvent leurs costumes et leur maquillage, alors qu'un poste télévisé diffuse une bande vidéo de leur dernière exaction avant que Dr. Manhattan ne les arrête.


La construction en gaufrier, et l'assemblage des cases qui alternent entre moments dans le passé et dans le présent, formant un "X" sur la planche, est un miroir de ce que faisait Dave Gibbons dans Watchmen #2, lors de l'enterrement du Comédien, alors que Laurie se souvenait de sa dernière visite chez sa mère.

Le dernier braquage de Marionette et Mime est donc interrompu par l'arrivée de Manhattan (avec les crépitements électriques qui annoncent sa présence), mais ce dernier ne va pas oblitérer les deux criminels pour une raison assez simple.


Manhattan reconnaît en effet que Marionette est enceinte, un fait qui ne peut être ignoré quand on se rappelle de cette scène où le Comédien abat une femme enceinte et qu'il ne fait rien pour réagir. Si dans Watchmen, cet acte montrait de plus en plus l'éloignement de Jon Osterman du reste de l'humanité, on sous-entend ici que ça peut l'avoir marqué, et qu'il y a encore à ce moment une part qui l'empêche de sacrifier la vie d'un être innocent. On peut supposer dès lors que cette scène dans la banque se déroule entre celle du Comédien précédemment évoquée, et le début de Watchmen. C'est d'ailleurs ce semblant d'humanité (ou d'espoir ?) exprimé à ce moment qui fait qu'Ozymandias veut ramener Marionette avec elle ; à la manière d'une certaine photo, elle correspond à un moment du passé d'Osterman capable de le ramener à sa nature pré-super humaine. 

On se rappellera en outre que le fils de Marionette et Mime est utilisé comme leitmotiv par Ozymandias pour forcer le couple de super-vilains (pastiche des personnages Punch et Jewelee créés à l'époque de Charlton Comics) à les accompagner dans leur quête du Dr. Manhattan.

Allons maintenant du côté de Rorschach, avec une première scène du test éponyme, qui survient une fois qu'Ozymandias et sa troupe ont quitté leur Terre (on y revient après) et qui voit Bruce Wayne passer ledit test - et mentir - de la même façon que le faisait Walter Kovacs en son temps, après avoir été attrapé par les forces de l'ordre.


Bruce Wayne utilise les bateaux de toute sortes pour se débarrasser du test, qui lui a été imposé, on l'apprend, par son conseil de Wayne Enterprises. A noter que le tout premier symbole, dans la case en haut à gauche, aura toute son importance pour une scène clé à la fin du numéro. Mais continuons avec ce Rorschach (qui est un nouveau porteur du costume, comme le montrait le premier numéro de Doomsday Clock), dont l'identité reste un mystére, bien qu'un curieux nom soit mentionné.


Alors qu'il recouvre ses esprits et menace de tuer Ozymandias une fois arrivés sur Earth 0, ce dernier fait mention d'un "Reggie". Il pourrait s'agir du nom civil de ce nouveau Rorschach, ou bien du nom d'une personne qui lui importe, et qu'Ozymandias utiliserait, comme il le fait avec tout le monde au final, pour forcer son partenaire de travailler avec lui.

Plus tard, ce Rorschach doit aller à la rencontre de Bruce Wayne pour le persuader de les aider. Alors qu'il mange les pancakes préparés par Alfred pour Bruce (ce Rorschach a un faible pour les pancakes, ce qui est utilisé en gimmick à présent), il réussit à trouver l'entrée de la Batcave, et cette scène renvoie directement à Watchmen, une nouvelle fois, lorsque le premier Rorschach découvrait le placard secret dans l'appartement du Comédien.


Comme je vous l'expliquais précédemment, le symbole sur le masque de Rorschach a son importance, puisqu'il s'agit du même présenté sur la carte que Bruce Wayne a vue lors de son passage du test quelques planches plus loin. Le symbole est utilisé sur la fin lorsque les deux personnages, tous deux masqués, sont amenés à enfin se rencontrer.

Le numéro s'achève enfin sur une tentative d'assassinat sur Ozymandias (on reparle de qui perpètue cet attentat par la suite), qui renvoie là à la fausse tentative que le personnage orchestre sur sa personne dans le Watchmen original.


Le but de Doomsday Clock étant de mêler l'univers des Watchmen à celui de DC Comics, il est maintenant temps de passer à ce dernier, puisque Ozymandias et sa troupe ont réussi à y pénétrer, en s'aidant d'une simple commande sur le vaisseau de Nite Owl. Un bouton chargé de suivre une signature atomique liée à Dr. Manhattan, qui fait office de deus ex machina (et on pourra le lui reprocher), mais qui soulève une autre question.


En effet, le monde de Watchmen est dans une nouvelle crise, et la première bombe nucléaire est tirée juste avant le départ précipité d'Ozymandias, et on peut se demander s'il restera un monde à sauver une fois que Manhattan sera retrouvé...

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Arno Kikoo
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