Il y a trois semaines, la sortie de Black Panther: Long Live the King #1 laissait un goût amer dans la bouche de notre cher Corentin. Première série « forcing » sur le personnage, à deux mois de la sortie en salle du film consacré au Roi du Wakanda, le titre de Nnedi Okorafor était loin de rendre justice au personnage et à l’éditeur, et surtout à son artiste Andre Lima Araujo. Corentin concluait alors « On attendra le prochain titre, Rise of the Black Panther, en espérant que ce-dernier ne gâche pas de son côté le temps de Paul Renaud ». Navré pour toi mon ami, c’est une fois de plus manqué.
Si l’annulation de nombreux titres Marvel depuis plusieurs semaines nous a fait nous poser la question d’un changement de politique suite à l’arrivée de C.B. Cebulski en tant qu’éditeur en chef de Marvel, ces deux mini-séries étaient déjà prévues depuis plusieurs mois, celle-ci étant annoncée depuis la dernière New York Comic Con. Dommage.
Vous aurez compris qu’au dessin de ce premier numéro nous retrouvons notre frenchie Paul Renaud, un habitué de l’éditeur (Uncanny Avengers, Captain America, Secret Wars) mais aussi de Red Sonja, et qui n’a plus besoin de faire ses preuves. Au scénario cependant, Marvel transgresse ses propres règles en confiant la mission à un débutant dont c’est le premier scénario, le journaliste Evan Narcisse (io9, Kotaku, TIME) sous la houlette théorique de son ami Ta-Nehisi Coates. Théorique, car on imagine mal le scénariste de Black Panther avaliser cela s’il l’avait vraiment relu.
Censée servir d’Année Une à Black Panther, en présentant les premières années du règne de T’Challa sur le trône du Wakanda, ce premier numéro s’attarde auparavant sur ses ancêtres, de son grand-père Azzuri, qui a fourni du Vibranium à Captain America suite à sa rencontre avec le Super Soldat et des ennemis nazis, à son père T’Chaka qui a suivi son cœur pour choisir sa femme, à sa mère N’Yami, scientifique étrangère au monde de la diplomatie et de l’aristocratie Wakandiennes.
On ne pourra guère en vouloir au dessin de Paul Renaud, particulièrement à l’aise sur les scènes d’action qui parsèment ce numéro, ou pour mettre en valeur des super-nazies, le héros à la bannière ou le mélange de nature et de technologie qui compose le Wakanda. Ni au coloriste Stéphane Paitreau qui sublime cet univers en lui ajoutant une touche brillante. On sera cependant moins clément sur le story-telling.
Privilégiant l’utilisation d’un narrateur à la sur-exposition par le dialogue, Evan Narcisse tombe dans deux pièges assez terribles pour conquérir le lecteur. D’un côté, la lourdeur induite par ce choix d’écriture, à la mode il y a plusieurs décennies, mais heureusement révolu de nos jours. En théorie. D’un autre côté, la répétition entre la narration, les images et les dialogues. Rien n’est plus inopportun pour le lecteur que de se voir raconter ce qu’il a déjà compris par d’autres moyens.
Mais au-delà de cette première barrière, une erreur bien plus perturbante vient se glisser au milieu du récit, et nous déstabiliser définitivement : le changement de narrateur. Celui-ci intervient à un moment logique dans l’histoire, mais plutôt inconvenant dans le fond comme dans la forme. Dans le fond, car il était plus logique que le second narrateur soit présent dès le début, amenant alors un twist quant à l’histoire pour ceux qui ne seraient pas familiers du personnage. Dans la forme, car il n’y a justement pas de changement dans la forme des cases de narration, ne marquant pas de changement visuel entre les deux narrateurs, tout comme dans le style d’écriture, ce qui laisse supposer que les deux personnages s’expriment strictement dans le même style de langage, sans avoir une voix propre.
Quant au fond de l’histoire en elle-même, elle reprend les bases de la mythologie du personnage : l’isolationnisme du Wakanda, la récupération du Vibranium par Captain America, la rencontre avec Ulysses Klaw, etc. Rien n’est surprenant, et on ne fait qu’étaler ce qui servira finalement d’introduction au reste de la mini-série et aurait pu tenir en une demi-douzaine de pages tout au plus.
Au final, une nouvelle fois, ce titre laisse un mauvais goût en bouche. Celui d’un éditeur plus préoccupé par l’image publique du choix de ses auteurs, que par le soin apporté aux personnages qu’ils doivent mettre en avant. Un choix fait aux dépends de la propre politique habituelle de la firme.
C’est donc un nouveau coup manqué pour Marvel dans sa promotion du personnage de Black Panther, en fournissant ici une histoire lourde et brouillonne, là où on pouvait légitimement attendre des fondations iconiques pour un personnage qui le méritait. On a hâte de voir si C.B. Cebulski réussira à re-solidifier sa ligne éditoriale. En attendant, la Nation française aura eu beau faire ce qu’elle pouvait, elle n’aura pas évité le drame.