On aura vécu le dernier arc consacré à Jean Grey comme le passage forcé d'un éditeur qui capitalise (dans la flemme) sur de vieilles recettes. Il n'en va pas de même pour X-Men Red #1 de Tom Taylor et Mahmud Asrar, un premier bon numéro pour un concept prometteur, où la rouquine assemble sa propre équipe autour d'une utopie inenvisageable - mais, c'était beau d'y penser.
Après des années à être considérés par les Nations Unies comme un peuple à part entière, les mutants, par l'intermédiaire de Grey, s'aperçoivent de l'injustice de leur situation. Être une nation sans état, un groupe considéré comme une faction ennemie, alliée ou en tout cas différente, pourtant dépourvue de pays, d'existence propre avec des représentants propres dans les instances nationales. C'est l'oubli qu'entend corriger l'héroïne, et évidemment, tout ne va pas bien se passer.
On retrouve une lecture intelligente du problème mutant sous la plume de Taylor. Un aspect auquel on s'intéresse parfois moins, dans des histoires cloisonnées de mutants contre mutants, ou de quelque menace cosmique (façon Phoenix) qui nous feraient presque oublier le parallèle sur le racisme qui habite pourtant ces héros. L'ensemble est bien écrit, bien dialogué et servi par une sincérité dans ses idées. Un personnage de présentateur TV républicain à la Bill O'Reilly joue le jeu de la symbolique du présent, de l'Amérique de Trump et autres référents évidents.
On trouve aussi l'introduction d'un nouveau petit mutant, pas forcément utile tout de suite mais ce côté d'un monde où on remet les enfants qui découvrent leurs pouvoirs au coeur des enjeux est réussi de ce côté là. Il serait évidemment hypocrite d'oublier que ces bonnes idées ne seraient rien sans le trait indispensable de Mahmud Asrar, génial illustrateur que l'on avait eu plaisir à suivre sur Supergirl, et on se souvient aujourd'hui pourquoi. Brillant, son trait s'épanouit dans des cases d'apparence faussement simplistes, et pourtant génialement travaillées dans les angles, les postures, les personnages en pied et l'élégance naturelle de l'ensemble. En un mot, c'est plutôt très joli.
On notera en défauts, le fait qu'on aurait peut-être aimé voir si le monde était prêt à épouser les idées de Jean plutôt que d'enchaîner avec un cliffhanger plutôt classique. En définitive, la série ne devrait pas être que politisée ou sociale, et offre pour le moment l'aspect d'un premier arc conventionnel à base de vilain mystérieux - mais c'est le mélange des deux qui fait en général la force des X-Men, et on aurait tort d'avoir attendu autre chose. En attendant, on se contentera d'une jolie et bonne introduction, qui fait relativiser l’inutilité de l'arc Phoenix Resurrection, puisque sur le papier, le personnage nous apparaît plus vivant ici que là-bas.
En parallèle de ce bon premier arc, on pourra surtout rappeler l'utilité d'un duo comme Taylor et Asrar sur la série en devenir. Si on peut faire confiance à de simples noms, ceux-là se sont souvent associés à la promesse de bonnes séries mainstreams et cela se confirme une nouvelle fois. On attend avec impatience la suite, parce que derrière l'événementiel se cachent parfois de vraies opportunités de s'amuser.