Nous étions prévenus il y a sept mois, lorsque nous ouvrions les premiers softcovers Marvel Legacy proposés par Panini Comics : en étant inféodés aux initiatives éditoriales de la Maison des Idées, l'éditeur français suivrait le pas avec Fresh Start, appellation donnée à une vague de relaunchs opérée l'an passé. Une façon comme une autre pour Panini de remettre au numéro #1 le compteur de ses revues, avec ici un argument plus pertinent qu'avec Legacy (une opération qui restera surtout dans les mémoires pour son apparence bâtarde), puisqu'un très grand nombre de séries vont en effet avoir droit à un réel changement.
Des titres écrits par des auteurs en place depuis de nombreuses années vont voir de nouvelles équipes créatives arriver, quand de nouvelles directions seront également prises pour d'autres, ou que des évènements commencent à se mettre en place. Dans une certaine continuation de ses publications précédentes, Panini revoit donc le sommaire de ses softcovers, toujours organisés sous les noms les plus bankables du moment. Au total, ce sont six nouveaux titres qu'il nous est proposé de découvrir cette semaine : Avengers, Deadpool, Spider-Man, Venom, Wolverine et X-Men. En comptant à côté Infinity Wars, démarré le mois d'avant, et dont on vous avait proposé une critique dédiée.
Une bonne partie des séries publiées dans ces revues aura déjà été chroniquée par nos soins au cours des derniers mois, aussi nous semblait-il un peu vain de vous faire un tour, kiosque par kiosque, des qualités et défauts de ces derniers. Il est néanmoins nécessaire de vous offrir un point de vue sur l'offre générale, aussi nous proposons vous ci-dessous de découvrir un avis (éclairé, bien entendu) sur les six revues proposées par Panini, que nous classerons ci-dessous par ordre de préférence. On vous invitera bien entendu à nous faire part de votre propre choix dans l'espace commentaire !
Il y a encore quelques mois qui ne sont pas si lointains, on n'aurait jamais parié sur le fait de vous recommander un fascicule Venom, mais il faut bien avouer que la reprise du titre par Donny Cates aura été magnifiquement bénéfique, pour la série, son univers, autant que pour le personnage. C'est donc tout naturellement que notre préférence parmi les Fresh Start de Panini ira pour le softcover aux couleurs du gros baveux. En l'espace de deux numéros, le scénariste montant de Marvel signe à la fois une introduction efficace pour ceux qui ne découvriraient Venom qu'à l'heure d'aujourd'hui, tout en mettant de toutes nouvelles cartes sur table pour les lecteurs plus aguerris.
Oubliez les frasques de Cullen Bunn de ces dernières années, Donny Cates veut insuffler un vent nouveau à Eddie Brock, son symbiote, et commence à tisser une mythologie inédite aux Klyntars. Avec une grosse retcon qui nous apprend que Peter Parker n'aura pas été le premier hôte des symbiotes sur Terre, et en amenant une menace particulièrement inquiétante, mystique et lovecraftienne par bien des aspects, la nouvelle série Venom fascine, d'autant plus que l'artiste Ryan Stegman se montre incroyable dans la partie graphique. Un travail magnifique est fait pour la mise en scène, les créatures sont tour à tour badass et terrifiantes, et il se dégage une énergie palpable des planches. En soi, le kiosque Venom commence très fort et ne laisse augurer que de bonnes choses (on sait que la suite est toujours aussi bien, croyez nous).
Le softcover Venom fera également la part belle à l'event Spider-Geddon, à commencer par deux de ses prologues qui avaient été publiés sous l'intitulé Edge of Spider-Geddon. Deux numéros qui se montrent aussi de très bonnes facture. D'un côté, Jed MacKay s'amuse énormément avec son Spider-Punk, qu'un Krang venu du futur veut ramener pour l'exploiter comme le pur produit de licence qu'il est - un discours délicieusement méta et bienvenu de l'auteur, au sein d'un event qui justement, capitalise sur la marque Spider-Man. Moins marquant, le numéro sur Penny Parker a le mérite lui aussi de jouer avec les codes du Multivers pour réinventer à la sauce "univers nerd et technologique" les grands classiques liés au Tisseur. Si dans la forme, les deux numéros ont le défaut de devoir se conclure de la même façon, l'approche reste malgré tout appréciable, et l'ensemble fait que ce Venom #1 est décidément le softcover le plus attirant. En plus, il est bimestriel, ça vous fera toujours moins à dépenser par mois si vous décidez de le suivre !
Egalement bienvenu au sein de cette offre Fresh Start, Spider-Man marque forcément puisqu'il s'agit pour le Tisseur de faire ses premiers pas en l'absence de Dan Slott aux commandes du scénario. Nick Spencer s'occupe de faire la reprise pour une ouverture qui, comme l'indique de le titre, est un retour au fondamentaux. Certes, on pourra être fâché de voir Spencer mettre de côté quasiment ce que Slott a pu bâtir, mais la porte d'entrée est véritablement ouverte pour les nouveaux venus, avec une entrée en matière assez simple - et efficace. Peter Parker est en galère, doit faire avec une colocation hasardeuse (notamment au vu de l'identité de l'un de ses colocs), tente tant bien que mal d'être un super-héros et de se faire apprécier de ses collègues Avengers, et construit sa relation amoureuse avec MJ. L'entrée en matière ne fait pas d'éclat mais reste de bonne facture, et c'est en comptant sur la patte de Ryan Ottley, enfin acquitté de son travail sur Invincible, qu'on se plaît à découvrir son travail sur l'univers Marvel. En somme, un départ entraînant et sympathique, qui profite d'un accompagnement lui aussi qualitatif dans l'ensemble.
Dans le titre Spectacular Spider-Man, Chip Zdarsky démarre en effet un nouvel arc, dans lequel Peter, sa prétendue soeur et J. Jonah Jameson se retrouvent dans le passé, au temps des premières aventures de Parker, et l'auteur en profite pour livrer quelques rencontres fortes en humour (qu'il maîtrise toujours autant) mais également en émotion. On vous mentionnait plus haut que Spider-Man n'était plus pris en charge par Dan Slott, c'était mentir un peu. Le kiosque comprend en effet Amazing Spider-Man #801 qui est sa dernière histoire. Pour le coup, le scénariste fait juste un bel hommage à l'héroïsme de son personnage et sa capacité à inspirer les autres. Un récit assez simple dans son message qui profite de l'excellent Marcos Martin aux dessins. En somme, deux récits de bonne facture, à peine terni par un numéro de Ben Reilly, série qui depuis le départ a bien du mal à nous convaincre. Malgré tout, l'ensemble reste là aussi positif et mérite quelques euros bien dépensés.
Le cas Avengers est un peu plus compliqué. Idéalement, on ferait figurer ce softcover en deuxième position, mais c'est en vue des titres qui doivent arriver dans son sommaire, mais qui ne sont pas encore présents. En effet, l'éditeur nous annonce qu'il faudra un peu patienter pour découvrir les titres Captain America de Ta-Nehisi Coates et Thor de Jason Aaron - deux valeurs sûrs qui, lorsqu'elles seront présentes dans le fascicule, le rendront tout simplement indispensable.
En attendant, l'heure est donnée de découvrir les deux premiers numéros du nouveau Avengers d'Aaron, très explicite dans sa démarche "Fresh Start". Après une période où chacun des héros était mis de côté pour laisser l'exposition à leur relève, Tony Stark, Steve Rogers et Thor Odinson reviennent sur le devant de la scène - et Aaron se fait plaisir à employer les grands moyens d'entrée de jeu. Avec une intrigue qui utilise une double narration, à la fois présente et passée, l'auteur fait le pont avec Marvel Legacy #1 en nous ramenant à ses Vengeurs de la pré-histoire, qui font face à une sérieuse menace, qui se manifeste également au présent. Epique, l'ouverture intéresse avec les dessins d'un Ed McGuinness qui offre quelques double pages spectaculaires, et la promesse du titre blockbuster tient bien la route sur ce début. C'est donc une lecture bien agréable pour commencer.
On restera plus mitigé sur la suite. Même s'il profite d'une partie agréable signée Valerio Schiti, le premier numéro d'Iron Man signé Dan Slott (encore lui !) laisse confus. Les dialogues cassent par moment le rythme, malgré quelques notes d'humour bien senties, et le récit perd un peu le lecteur avec l'irruption d'un méchant qui tranche avec le reste de l'intrigue, très versée sur la technologie. Slott a la bonne idée d'apporter un point de vue extérieur sur l'industrie Stark et le bonhomme, qui permettra au lecteur de s'identifier, mais cette introduction un peu légère laisse encore sur sa faim. Quant au numéro Annual de Captain America, n'en déplaise à l'équipe artistique présente dessus, il n'apporte hélas pas grand chose d'intéressant. A voir si les nostalgiques d'un Cap' opérant en pleine seconde guerre mondiale pourraient être satisfaits, mais l'ensemble est assez léger. L'ensemble est donc en demi-teinte, mais on sait qu'Avengers va aller en se bonifiant dans les prochains mois, aussi reste-t-il une lecture parmi celles à prioriser.
Personnage star de l'éditeur, Deadpool a bien évidemment droit à sa propre revue, et le Fresh Start est ici associé à l'arrivée d'une nouvelle équipe créative, après de nombreuses années passés avec Gerry Duggan. Skottie Young, que l'on connaît beaucoup pour son style inimitable, assure le scénario (délirant possible, et partant dans des directions cosmiques improbables) avec une efficacité certaine. La série principale fait un bon démarrage notamment grâce au travail de Nic Klein, dont on admire l'aisance dans le trait et un style qui lui est propre. Surtout, le dessinateur opère ses propres couleurs et se révèle très doué dans l'exercice. La nouvelle série Deadpool est donc bien agréable à lire, d'autant plus si vous êtes en tous les cas fans du personnage.
Dans le reste de son offre, le fascicule souffle le chaud et le froid. Le titre Spider-Man/Deadpool a l'avantage d'être assez dynamique et particulièrement tordu, ce qui conviendra certainement aux fans du style, mais qui plaira surtout à ceux qui suivent la série depuis quelques temps. Pour de nouveaux arrivants, désireux de prendre le train en marche, cette histoire de Deadpool vieillissant qui affronte des hordes de robots de lui-même a quelque chose d'assez déboussolant, et pas forcément attirant. En revanche, la nouvelle série Domino permet de conclure la lecture sur une bonne note. On se plait à retrouver l'héroïne sous la plume de Gail Simone, avec une tonalité humoristique très bien ancrée dans le softcover, et surtout le trait très agréable de David Baldéon. Après s'être déjà montré très bon sur Spirits of Vengeance, le dessinateur prouve son talent avec des personnages féminins séduisants et badass à la fois, et une composition de planches pleine de détails. Un vrai régal pour les yeux, et qui permet d'avoir là aussi un ressenti globalement positif.
Le cas du kiosque X-Men est encore assez problématique. Le fascicule a pour intérêt principal d'accueillir la nouvelle série X-Men Red du scénariste populaire Tom Taylor, qui voit Jean Grey (revenue d'entre les morts avec le récit dispensable Le Retour de Jean Grey) mener un nouveau combat - éminemment politique - pour protéger les mutants de la haine que les humains ont toujours envers eux. Taylor remet au goût du jour un sous-texte présent dans la mythologie mutante depuis le départ, et se sert d'un contexte moderne et d'un propos relativement engagé pour apporter à Grey un combat qui va au-delà, justement, de la simple bagarre. Une initiative bienvenue et assez prenante, où les rebondissements, parfois glaçants, amènent une dimension internationale et géopolitique à la cause mutante, le tout servi par le dessin de Mahmud Asrar, qu'on retrouve avec plaisir sur le titre. On pourra admettre que l'artiste peut se montrer économe, mais il y a une clarté dans la mise en scène, et (c'est purement subjectif) un charme dans son trait qui donne une personnalité au titre. D'avoir les deux premiers numéros en ouverture augure donc du bon pour le kiosque.
C'est après que les choses deviennent plus compliquées. D'un côté, X-Men Gold démarre un nouvel arc, où il sera question d'un mariage entre deux X-Men - une intrigue pas forcément inintéressante, mais qui traîne sous la plume de Marc Guggenheim. Dommageable quand on retrouve David Marquez, entre autres, sur la partie artistique. Dans la mesure d'une "porte d'entrée", le nouveau lecteur n'est pas vraiment mis en situation de confort, et c'est encore pire avec X-Men Gold, inaccessible à qui n'aura pas lu les trois premiers numéros de l'arc en cours, au moins. De fait, c'est surtout d'arriver en pleine course qui casse la lecture, et donne une impression de faux sur le caractère "Fresh Start" - en définitive, il faudrait peut-être mieux attendre la réédition librairie de X-Men Red pour profiter du récit dans son ensemble. A l'heure actuelle, la moitié seule du softcover ne justifie pas sa lecture.
Et c'est donc notre cher griffu qui tombe bon dernier de notre petit classement. Panini Comics prend une initiative plutôt bienvenue en regroupant dans une publication périodique l'ensemble des mini-séries qui constituent The Hunt for Wolverine (au nombre de quatre), qui précèdent Return of Wolverine. L'avantage avec la VF est évidemment économique, quoiqu'on en dise, et si les bases du premier numéro permettent de poser le mystère, on se rend compte assez grossièrement par la suite du caractère artificiel de chacune des propositions. D'autant plus que l'ensemble se montre parfois très léger en terme narratif, quand bien même on acceptera de se retrouver avec un ensemble de numéros de préparation. En vérité, si l'on sait parfois que le voyage est plus important que la destination, on doute vraiment à la lecture que Charles Soule et ses pairs aient quelque chose de si intéressant que ça à conter. A réserver donc aux fans les plus furieux de ce bon vieux Logan.
Dans son ensemble, la proposition amenées par les relaunchs du Fresh Start s'est révélée payante sur le plan qualitatif, et c'est ce qui peut se retrouver dans les softcovers de Panini qui ont les bonnes séries avec ceux. On ne sera pas revenu avant sur la question de l'augmentation des prix (d'une part car nous l'évoquions déjà avec Marvel Legacy, et que nous n'avons pas plus d'éléments de réponse aujourd'hui pour l'expliquer - il est donc plus pertinent de s'intéresser au contenu des revues), mais elle impliquera forcément à certains lecteurs de faire un choix, de prioriser leurs lectures.
En l'état, on vous recommandera donc d'aller plutôt vers le trio Venom/Avengers/Spider-Man qui a droit au meilleur bilan de lecture (encore que pour Avengers, il faudra encore attendre un peu). Quant aux autres titres, on vous laisse faire le choix si l'amour des personnages est plus fort que tout, l'essentiel au bout du compte étant de trouver du plaisir dans la lecture !