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Shazam! : le coup de foudre qui manquait à DC

Shazam! : le coup de foudre qui manquait à DC

ReviewCinéma
On a aimé• L'orientation comédie fonctionne pleinement
• Zachary Levi parfait pour cette version du rôle
• Un jeune casting au poil
• De purs moments de comicbook
• Convaincant visuellement
On a moins aimé• Une origin story qui reste balisée
• Mark Strong fait un vilain sans grande saveur
• Une OST complètement oubliable
• Un certain manque d'enjeux
Notre note

C'est toujours avec une certaine appréhension, disons depuis 2016, que l'on aborde une sortie DC Comics au cinéma. Passée la catastrophe Justice League, Aquaman montrait déjà le changement de direction de Warner Bros. concernant son univers moyennement partagé, avec une proposition forte sur le plan visuel, qui péchait (hoho) par une écriture abyssale (hohoho c'est l'éclate, mais oublions les jeux de mots, la critique est encore fraîche par ici). 

Réalisé par un David F. Sandberg rapatrié à l'écurie DC Films par un James Wan tout puissant après leur aventure commune sur la franchise Conjuring et Annabelle 2, où le cinéaste a d'ailleurs été chercher quelques collaborateurs des deux côtés de la caméra, Shazam! marque un tournant dans le développement de cet univers filmique. Le petit héros est en effet le premier à se détacher de l'ère Snyder, n'étant pas apparu dans Batman V Superman ou Justice League, et n'ayant même jamais été mentionné dans le fameux plan quinquennal du cinéaste. De quoi changer la donne pour ce personnage historiquement concurrent de Superman, parfois même plus populaire que le célèbre héros en bleu dans les ventes de BDs. Shazam! s'essaie à la comédie, mâtinée de codes classiques dans le genre du film de super-héros, et, pour le dire clairement : le résultat est plutôt réussi. Pendant qu'éclatent une par une les veines de vos yeux exagérément écarquillés, parce que "comment ? Une critique positive de films DC ? Ici ? Et la pension mensuelle de Disney, qu'en faites vous ?" n'allons pas trop vite, et développons un peu.

Malgré la longévité de ce super-héros, Warner choisit, pour la première incarnation sur grand écran de Shazam, de puiser dans le matériel le plus récent, soit le court run de Geoff Johns et Gary Frank qui accompagnait les back-ups de Justice League il y a quelques années. Une version modernisée du personnage, qui n'avait pas reçu que de bonnes critiques, en particulier sur le comportement de ce nouveau Billy Batson qui troquait sa bonté naturelle pour coller avec l'image d'un garçon plus dur, espiègle, parfois cruel. Quoi qu'en penseront les puristes, c'est donc avec cette oeuvre que l'on partira pour regarder Shazam! avec l'angle d'un lecteur, celui qui nous caractérise par ici.


Billy Batson (Asher Angel) est un jeune adolescent à la recherche de sa mère, qu'il a perdue étant tout jeune. Alors qu'on le place dans une énième famille d'accueil, il se retrouve vite en contact avec un sorcier (Djimon Honsou) qui lui explique vouloir faire de lui son nouveau champion de la magie. Transformé en Shazam, un super-héros aux multiples capacités, qui conserve son esprit adolescent, c'est une découverte des pouvoirs - et des responsabilités, évidemment - qui va jalonner l'ensemble film, pendant qu'un certain Dr. Sivana (Mark Strong) va lui faire découvrir qu'un héros ne peut décidément pas exister sans un super-vilain.

A un Black Adam près, le film de Sandberg suit fidèlement la trame de Johns, évidemment crédité à la production, ce qui ne sous-entend pas que le lecteur doive s'attendre à un chemin pré-programmé. Dans un déroulé certes classique, une origin story de plus dans le paysage codifié de films devenus au fil des sorties de simples reproductions synthétiques du fameux concept du voyage d'initiation, c'est par sa direction de comédie que Shazam! réussit à surprendre, et surtout à convaincre. Contre une idée qui voudrait que Marvel Studios ait le monopole de l'humour, à un moment où on aimerait d'ailleurs les entendre moins rire et plus pleurer, ou à l'inverse d'un Aquaman qui forçait les blagounettes de tonton Gérard et tonton Bobby au Caravaning la Cauchoise, l'écriture d'Henry Gaiden et Darren Lemke, dont les CV ne sont pourtant pas reluisants, fonctionne. 

Shazam! ne cherche pas à compliquer sa promesse, celle d'accompagner le comportement d'un jeune garçon qui découvre l'apparition de ses super-pouvoirs. Oubliez donc l'iconisation ou l'épique - il s'agit surtout ici de s'amuser, de retrouver un peu de candeur et du fun, authentique, pas seulement posé en surcouche pour réveiller le spectateur chaque fois qu'un moment dramatique dure plus de trois minutes. Qu'il s'agisse de répliques bien trouvées, du comique de situation, d'un humour parfois noir, de références culturelles, ou même de l'un ou l'autre passage absurde qu'un François Pérusse n'aurait pas renié (ne jugez pas les références de trentenaires, ça vous arrivera à vous aussi un jour), il y a de quoi rire, de bon coeur. Zachary Levi se fait plaisir dans ce rôle de gosse, dans une prestation qui le rend rapidement attachant.


Dans son incarnation adulte, Shazam n'en oublie pas d'être sérieux quand il le faut, mais c'est curieusement à Asher Angel, qui joue le jeune Billy Batson, de camper les parties les plus dramatiques. Une composition en demi-teinte puisque son intrigue secondaire n'est pas forcément la plus intéressante, et qu'elle ne se connecte pas directement à celle de Shazam, le super-héros, quant il s'agit pourtant bel et bien de la même personne. Un chemin tracé qui permet malgré tout de faire évoluer le personnage, la thématique familiale sur fond de film de Noël, ce qui reste finalement une construction bienvenue dans un univers où la plupart des héros étaient pris dans des enjeux dramatiques ou déprimants. 

Shazam! a conscience de sa condition de divertissement, qui assume des codes et choisit, exceptionnellement, de ne pas empiler aux blagues une quête d'identité ou un climat de fin du monde qui se mêlerait assez mal à l'humour général. A chacun de voir comment accueillir cette promesse - probablement répétitive, mais qui commence enfin à s'assumer et à essayer de travailler un élément précis, quitte à éviter de devenir l'habituel fourre-tout. Pour en revenir à Angel, on notera que sa performance, pas dérangeante, s'efface devant l'attitude bonhomme et souriante de Levi, et au jeune casting, irréprochable, qui lui donne la réplique.

C'est en particulier à Freddy Freeman Jr. (Jack Dylan Grazer) qu'on pensera, avec une prestation réussie à tout point, qui apporte un regard orienté sur le genre super-héroïque, avec quelques références au feu-DCEU placées çà et là comme quelques clins d'oeil pas forcément utiles, parfois drôles, parfois bien trouvés. A la fois sidekick et mentor improvisé, Dylan Grazer répond à merveille à Levi, et le reste de la famille d'accueil de Batson est tout aussi agréable. Mention spéciale à Eugene (Ian Choi) et Darla (Faithe Herman) qui pétillent, quand on regrette que Mary (Grace Fulton) n'ait pas plus de temps d'écran. Du côté des vilains, le constat sera moins enthousiaste : Mark Strong, en Dr. Sivana, quoi qu'il n'ait rien à prouver, manque d'audace. Se apparitions flirtant presque avec le second degré tant il joue simplement le vilain qui doit être vilain, avec peu d'efforts sur la mise en scène ou l'envie de profiter de cet alpha-comédien idéal pour mettre un visage sur la vilenie et la bassesse - d'autant plus dommage de griller cette cartouche qui empêchera, à terme, de le retrouver en Luthor, Double Face ou Poseidon.


Strong est même celui qui cristallise quelques problèmes inhérents au film Shazam. Outre une origine pas bien finaude, le leitmotiv du vilain est cause de quelques longueurs, à force de répéter les mêmes objectifs et à ajouter des scènes plutôt automatiques. Il caractérise aussi du fameux trope du "le méchant, c'est comme le héros" que l'on reproche à à peu près tous les films de super-héros sortis ces dix dernières années, épousant lui-aussi une structure de puissance similaire au petit Batson, quoique Sivana a de quoi s'entourer. C'est d'ailleurs là que l'on reconnaît (un poil) les influences horrifiques de Sandberg, qui aura à quelques passages l'occasion de s'amuser à effrayer (toute proportion gardée). Du reste, la réalisation n'a rien de spectaculaire, quoiqu'on reconnaîtrait une volonté de faire un peu de Man of Steel par endroits. Et comme on mentionnait un manque d'iconisation il y a quelques lignes, soyez rassurés : il y a de l'épique malgré tout, et certaines transformations de Shazam feront vibrer le fan de comics qui est en vous. 

A nouveau, et comme on le remarquait avec Aquaman, Shazam! n'a pas honte de ses racines, d'un certain esprit pensé comics, selon l'école Geoff Johns, de celui qu'on lit pour s'évader, et c'est peut-être ce qui frappera au premier visionnage, alors qu'on ne l'attendait pas forcément à cet endroit. Sandberg, en suivant sa trame, réussit à provoquer un réel moment d'émerveillement, d'un charme sincère qui rappelle aussi que l'enfant qui sommeille en chacun derrière les relances de loyer et l'appel du complexe a aussi le droit de rêver, de se dire que ce serait quand même cool de temps en temps d'être un super-héros. Si Shazam! ne capture peut-être pas la grandeur d'autres figures DC, ce sentiment n'a que rarement été correctement retransmis dans une adaptation de ce registre, dernièrement. 

En outre, certains easter eggs (et ce dès les premières minutes, soyez attentifs) montrent que Warner n'a décidément plus peur de proposer ses idées les plus absurdes venues du papier sur grand écran - ça fait plaisir, voilà tout. Ce qui est déjà pas mal pour un projet entre Big et Superior - et si l'appel de scénarios plus complexes continue de vous gratouiller, rappelez-vous que le plot de base reste celui d'un gosse avec un éclair sur le torse qui bastonne un savant fou avec des pouvoirs électriques, donnés par un pépère au fond d'une caverne mystique et qui renvoient à des gars de la mythologie. On peut toujours faire mieux, mais même Nolan aurait eu du mal à faire de ce concept une usine à allégories sur le genre humain.


Shazam! est-il donc le film qui va faire la différence pour DC ? Il sait se démarquer à coup sûr. En embrassant pleinement son côté comédie, le film réussit à faire oublier ses écueils - son manque d'enjeux, un vilain en demi-teinte, et un déroulé d'origin story qui ne sort pas du lot, pour divertir à petite échelle et en stand alone, qu'on prend plaisir (n'importe lequel) à regarder, et qui ne souffrirait pas d'un second visionnage. Mis à part une partition franchement pas mémorable, le capital sympathie du film permet de voir qu'on peut sourire, rire et s'émerveiller avec DC Comics sur grand écran, avec une formule qui a ses balises, mais dégage également sa personnalité. En ce début d'année, Shazam! fait du bien, et c'est peut-être tout ce qu'il y avait à souhaiter. Reste maintenant à supporter que les gamins de votre quartier se mettent à hurler au milieu de la nuit le nom du héros électrique, en espérant qu'une cape poussera dans le dos de leur pyjama à motif, et à espérer (tout de même) que Warner continue d'adapter le ton de chaque film à chaque personnage - on s'en souviendra pour le prochain Wonder Woman.

Arno Kikoo
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