Faute de certitudes sur l'horizon de sortie de Pulp, prochain roman graphique d'Ed Brubaker et Sean Phillips, l'immense scénariste sort de sa besace dématérialisée un projet en forme de belle surprise pour occuper l'impatience du lectorat en ces temps d'anxiété. Sortie de nulle part, la série Friday, une création de Brubaker avec l'artiste Marcos Matin, vient tout juste de débarquer sur la plateforme de comics numériques de Brian K. Vaughan, Panel Syndicate.
Le premier numéro de la série est d'ores et déjà disponible, sans aucune forme de communication ou de publicité au préalable. Réfléchie depuis un an, Friday croise les talents de conteur d'un Brubaker quittant ses obsessions habituelles de cowboys, de vedettes du cinéma et d'espions, et du dessinateur de The Private Eye dans un projet inspiré par la littérature pour jeunes adultes. Dans la postface, l'auteur explique avoir eu cette idée il y a bien longtemps, à l'époque où il était un lecteur fervent des bouquins de ce répertoire, peuplés d'enfants détectives, de jeunes héros résolvants des mystères et déjouant le fantastique.
Ajoutant à ces inspirations un peu de la Nouvelle Angleterre d'Howard Phillips Lovecraft et une imagerie inspirée par le style de contes macabres de l'illustrateur Edward Gorey, Brubaker imagine une sorte de suite aux aventures d'Harriet la petite Espionne ou Leroy Brown (Encyclopedia Brown). Des ouvrages contant les aventures de jeunes héros ou héroïnes talentueux, vifs, promis à un avenir foisonnant et riche de promesses. L'héroïne de Friday, Friday Fitzhugh, a toutefois découvert que le fait de grandir et de se confronter aux complexités de la vie d'adulte donnait à ses aventures un goût plus amer, loin du contexte jovial de ses premières années. Revenue dans sa ville natale de Kings Hill, elle se lance dans une nouvelle enquête, peut-être plus personnelle que prévu.
Panel Syndicate oblige, le numéro est proposé dans l'habituel format de name your price, vous permettant d'y avoir accès gratuitement (si vous êtes un crevard) ou de le payer plus cher que le prix du marché (si vous êtes pété de tunes). Dans les deux cas, on applaudit l'initiative, et cette capacité à Brubaker d'encore nous surprendre en allant là où on ne l'attendait pas, au moment précis où on ne l'attendait pas. Pour rappel, sont aussi à retrouver sur cette boutique en ligne les titres The Private Eye et Barrier de Brian K. Vaughan et Marcos Martin, Blackhand Ironhead de David Lopez ou Umami de Ken Niimura, génial dessinateur d'I Kill Giants. Avec des tarifications modulables et pas de danger de contamination, pour soutenir les auteurs à distance en cette période de fermeture de boutiques, et permettre à d'autres belles surprises comme Friday de voir le jour à terme.