Dans la foulée des dernières semaines, particulièrement difficiles pour l'industrie de la bande-dessinée aux Etats-Unis, DC Comics répond à la prophétie de Todd McFarlane, en augmentant sa part de publications en numérique. Compte tenu de l'état actuel du marché, paralysé par la fermeture des boutiques, et des entrepôts de Diamond Comics, distributeur solitaire pour les numéros de comics, l'entreprise annonce l'arrivée de nombreux titres en dématérialisé pour alimenter les lecteurs pendant la crise sanitaire.
Le meneur de front de DC, Jim Lee, s'est exprimé sur ce rebond après plusieurs semaines d'attentisme résolu. Au milieu d'un discours général très aligné, pour soutenir les libraires et éviter de donner le signal d'une fugue vers le numérique, Lee tente de rassurer tout le monde. D'un côté, en rappelant que les titres en question font partie du programme Digital First, qui permet d'accéder à ces numéros en numérique avant de les proposer, dans un second temps, au format physique, et d'autre part en exprimant à nouveau son amour des comic shops dans un curieux numéro d'équilibriste.
"Les fans de comics veulent accéder à leur contenu en ce moment, plus encore qu'auparavant. Cette stratégie nous permettra de leur donner accès à des titres immédiatement, et au quotidien, tout en assurant que lorsque les boutiques auront rouvert leurs portes, elles auront des séries imprimées et prêtes à être vendues, que les consommateurs voudront lire.
Dans l'intervalle, nous aurons alimenté, et maintenu la demande des lecteurs de comics, en maintenant leur intérêt pour nos personnages et leurs histoires."
Cette dernière phrase du communiqué officiel passerait pour une réponse, au mot près, à l'avertissement scandé
par le président d'Image Comics, Todd McFarlane, il y a quelques temps. Ce-dernier estimant que le fait de priver les lecteurs réguliers de leurs habitudes, pendant la crise, risquait de leur faire perdre l'envie de revenir ensuite, lorsque ceux-ci se seraient aperçus qu'ils pouvaient en fait très bien vivre sans consommer du comics régulièrement.
Le compromis choisi par
DC Comics passe pour un énième cas de "cul entre deux chaises", attendu que cette entité, comme d'autres à différents degrés, obéit à un groupe autrement plus concerné par les priorités économiques actuelles.
DC, comme
Marvel, ne peut pas se permettre, par grandeur d'âme, de se couper de toute forme de revenus liés à la vente, tout en devant éviter de se fâcher avec les libraires en donnant la priorité au numérique - la part des lecteurs "physiques" étant encore trop importante pour froisser les premiers acteurs de la distribution. Un problème qui risque tout de même de cavaler au train de l'entreprise, après avoir contourné
Diamond pour démarrer un réseau de distribution temporaire et inégalitaire dès la semaine prochaine, et opter
pour reprendre le rythme "normal" des sorties importantes (
The Flash,
Harley Quinn,
Justice League, etc) en numérique, tous les mardis.
Pour ces nouveaux
Digital First, on retrouvera, dans un premier temps, les micro-séries imprimées
dans les pages des numéros Giant, une part séparée de la production de l'éditeur destinée à la grande distribution. Dans la liste, se bousculent énormément de titres jusqu'à présent réservés aux lecteurs des enseignes
Walmart, entre autres :
Superman: The Man of Tomorrow de
Robert Venditti,
Paul Pelletier,
Drew Hennessy et
Adriano Lucas,
Batman: Gotham Nights de
Sal Giunta,
Brad Meltzer,
Jim Lee,
Scott Williams,
Alex Sinclair,
Larry Hama,
Mirko Colak et
John Kalisz,
Wonder Woman: Agent of Peace d'
Amanda Conner,
Jimmy Palmiotti,
Inaki Miranda et
Hi-Fi,
Aquaman: Deep Dives de
Steve Orlando,
Daniel Sampere,
Juan Albarran et
Adriano Lucas,
Flash: Fastest Man Alive de
Gail Simone,
Clayton Henry et
Marcelo Maiolo,
DC Super Hero Girls: Infinite Frenemies d'
Amanda Deibert et
Erich Owen, et
Swamp Thing: New Roots de
Mark Russell,
Marco Santucci et
John Kalisz. Un contenu relativement inédit pour la plupart des lecteurs de
comic shops traditionnels, avec quelques beaux noms dans la liste.
Lee promet que cette première vague devrait précéder d'autres annonces, parmi lesquelles on s'attend à retrouver
la nouvelle série Batman : Black & White, pour des raisons déjà évoquées au moment de l'annonce officieuse par
BleedingCool : histoires plus courtes, donc plus rapides à mettre en place, autour d'un format anthologique utilisant plusieurs équipes créatives, susceptibles de travailler chacune dans leur coin et d'envoyer leurs morceaux de numéro pour assembler vite et bien un premier
single facile à commercialiser. L'urgence de renflouer les pertes de ces dernières semaines faisant loi, les projets de ce genre passent pour une solution peu coûteuse pour alimenter la machine, en espérant que la qualité ne soit pas sacrifiée sur l'autel productiviste.
DC annonce aussi l'ouverture d'un programme de classiques (DC Essential Reads) pour les plateformes de lectures en dématérialisé, avec Watchmen #1, Batman : Hush #1 (Batman #608), The Sandman #1, Dark Nights : Metal #1, Doomsday Clock #1, Crisis on Infinite Earths #1 et Mister Miracle #1. Tous ces numéros seront proposés gratuitement, une autre manière d'inciter à la lecture numérique ou de convertir d'éventuels curieux.