Sans grande surprise, les frangins Jim et John Thomas ont accepté de négocier avec Disney, pour s'épargner la peine de régler leur litige devant les tribunaux. En avril dernier, ces deux scénaristes, à l'origine du script "Hunter" qui deviendra plus tard le projet Predator de John McTiernan au sein des studios 20th Century Fox, auraient dû récupérer les droits de leur personnage au terme de la fameuse période de carence comprise dans les textes de loi américains. En conflit ouvert avec Disney, les frères Thomas ont toutefois fini par s'entendre avec la multinationale. Une façon comme une autre de dire que le studio leur a sans doute racheté leur création, ou proposé une somme d'argent conséquente en échange de leur collaboration.
"Jeez you gotta big pussy"
Petit rappel des faits et de la juridiction en présence : aux Etats-Unis, le Copyright Act of 1976 et ses différents amendements ultérieurs prévoit les différentes réglementations sur l'usage du droit d'auteur, avec quelques entorses possibles pour libérer les créateurs d'un contrat considéré comme obsolète. Cette provision dans la loi, baptisée "Termination Rights", permet ainsi à l'inventeur d'un concept ou d'une idée développée pour le compte d'un tiers ou vendu à un tiers (un studio de cinéma, une maison d'édition, un label musical) de récupérer les droits de sa création au terme d'une période de carence de trente-cinq ans. Pour ce faire, l'inventeur, le créateur ou l'artiste doit alors informer le propriétaire légal de son intention de récupérer ces droits, dans un minimum de deux ans avant la fin de cette période de carence.
Dans le cas des frères Thomas, le scénario de "Hunter"/Predator a été vendu à la 20th Century Fox en 1986, ce qui signifie que les auteurs avaient la possibilité de faire valoir leurs droits en 2021. Jim et John ont opéré dans les règles, en informant la Fox de leur intention de récupérer les droits du Predator dans la fenêtre temporelle prévue par la loi. Le studio n'avait, à l'époque, pas jugé utile de contester cette requête, ni d'informer Disney de cette situation au moment de la fusion avec l'énorme groupe.
Or, Disney comptait bien évidemment exploiter les droits de la franchise Predator (avec un film, mais aussi des comics) et a donc décidé d'attaquer les frères Thomas en justice pour tenter de gagner du temps. De leur côté, les scénaristes ont aussi décidé de se pourvoir devant les tribunaux, en considérant que la méthode de Disney était illégale, et qu'eux étaient dans leurs bons droits. Bonne nouvelle (?), les deux parties ont décidé de retirer leurs plaintes et de s'épargner une longue séquence de procès parallèles. Un communiqué de presse rendu public il y a quelques jours explique que Disney et les Thomas seraient parvenus à conclure un "accord amical". Une façon comme une autre de dire "on leur a graissé la patte, comme Scarlett Johanssson, comme Warner Bros. avec Siegel et Shuster, et comme on devra aussi faire avec l'héritier de Ditko, c'est pénible mais c'est pas comme si on avait le choix de toutes façons."
Les attaques inspirées par la décision des frères Thomas se sont effectivement multipliées du côté de la Maison des Idées pour des cas similaires (pour des artistes un peu moins capables de soutenir l'effort légal d'un procès avec une entité de cette taille, et qui ne coûteront pas forcément si cher à indemniser de toutes façons). En résumé, rien ne va vraisemblablement changer d'ici les années à venir : la provision dans le texte de loi permettra seulement à quelques auteurs de soutirer un peu d'argent à Disney comme aux autres studios concernés, mais les entreprises du secteur ont les moyens d'éponger cette éventuelle perte sèche. A moins d'une nouvelle révision sur la juridiction du droit d'auteur aux Etats-Unis, la question se réglera, encore et toujours, au poids du chéquier.