Souvenez vous en 2013, il y a presque dix ans. Une période plutôt pas mal, d'ailleurs. Man of Steel venait de tomber, Saga récupérait ses premiers Eisner Awards lors de la cérémonie annuelle, James Gunn serre la paluche du raton laveur Oréo qui servira de modèle au Rocket Raccoon de Guardians of the Galaxy. Le public est impatient de retrouver Andrew Gardield en Spider-Man, les investisseurs de crypto-monnaies passent encore pour de gentils couillons avec un peu trop de temps libre, tout le monde trouve Kevin Spacey très convaincant en salopard démoniaque dans la première saison de House of Cards, et Michael Keaton s'apprête à faire un come back méta' dans un rôle qui évoque ses premières années en Batman avec un peu de gris sur la tonsure.
... Mais du coup, on est encore en 2013 là ?
La même année,
Channing Tatum évoque dans la presse, lors de la tournée promo' du
White House Down de
Roland Emmerich,
son intérêt pour incarner le personnage de Gambit au cinéma. La
20th Century Fox constate à ce moment là l'explosion graduelle des productions
Marvel Studios, et le départ annoncé de
Hugh Jackman de la saga d'ici les années à venir. La déclaration de
Tatum ne tombe pas dans l'oreille de sourds, et le studio
contacte vite la vedette pour mettre en route un projet de film basé sur le bandit de Louisiane, dès l'année suivante.
L'acteur s'implique, et sera même pendant un temps le seul portevoix concret de ce long-métrage en perpétuel gestation.
Gambit s'enlise rapidement : la montre tourne, les années passent, et le projet passe de mains en mains,
de Rupert Wyatt à Doug Liman, un éventuel
Gore Verbinski, et puis plus rien, tandis que le script aura été réécrit intégralement au moins une fois. Lorsque le groupe
Disney décide de racheter la
20th Century Fox, cinq ans après la première annonce officielle du film
Gambit, celui-ci est enterré pour de bon à l'instar d'autres adaptations un temps envisagées.
Récemment, Channing Tatum évoquait avec amertume cette aventure en forme de gigantesque chaos de production. Un regret personnel, qui l'aura motivé à ne plus jamais s'approcher de la scène des adaptations de super-héros.
"Lorsque Gambit a été annulé, j'ai été traumatisé. J'ai coupé mon cerveau de tout ce qui était Marvel. Je n'ai même pas été voir les films. J'adorais ce personnage, c'était juste trop triste. C'est comme si j'avais perdu un ami, parce que j'étais vraiment tellement prêt à l'interpréter."
Tatum évoque au passage une piste qui n'avait pas été rapportée par la presse à l'époque : si le film Gambit a longtemps évolué sans metteur en scène officiel à sa tête, la vedette espérait convaincre la Fox de laisser Reid Carolin, metteur en scène de Magic Mike et coscénariste sur la seconde version du projet, réaliser l'adaptation consacrée au mutant. Le comédien aurait même pu tenir la caméra, si les pontes du studio l'avaient laissé faire.
"Le studio ne voulait pas nous laisser la mise en scène. Ils préféraient que ce soit n'importe qui mais pas nous, essentiellement parce qu'on n'avait jamais réalisé un truc de ce genre."
Largement investi dans le rôle, la vedette explique que Gambit sortait du lot, par rapport à d'autres personnages comme Batman ou des justiciers plus conventionnels, pour sa capacité à échapper aux stéréotypes du héros ou du vilain. A présent que Marvel Studios possède les droits de la franchise X-Men, Gambit reviendra, mais pas dans ce qu'avait espéré Tatum. Et d'une manière générale, il est assez possible que les projets de ce genre, commandés par une vedette avec un rapport personnel au personnage ou à l'histoire, à l'instar des films Deadpool de Ryan Reynolds, ne se fassent plus jamais chez Marvel compte tenu de la politique pyramidale de Disney. A voir, peut-être un jour, si le scénario est adapté en BD.