A bien des égards, l'année 2021 s'est montrée exceptionnelle sur le marché de la bande dessinée par chez nous - et notamment avec l'explosion des ventes de manga, qui était déjà en progression en amont de la pandémie. Bien que le secteur comics a lui aussi progressé, son niveau global au niveau du marché français le cantonne à un secteur de niche, d'autant plus que plusieurs facteurs (collection petits prix) cachent le fait qu'une bonne partie de la production stagne, sinon ne réussit simplement pas à se trouver un lectorat. Aux Etats-Unis, chaque année, les analystes d'Icv2 et Comichron peuvent nous dresser un tableau (ou plutôt, des graphiques) de la situation, de quoi voir comment se portent les comics à domicile. Force est de constater que 2021 a été une très bonne année de l'autre côté de l'Atlantique, et ce pour les comicbooks aussi.
Petite piqûre de rappel : malgré la pandémie qui frappait le monde au printemps 2020, le confinement généralisé, les fermetures des comicshops et la mise à l'arrêt de tous les acteurs du secteur des comics, le marché américain avait pu tenir bon. Ce, grâce à deux tendances déjà présentes auparavant mais qui se sont concrétisées : d'une part, la vente de plus importante de bande dessinées en dehors des boutiques spécialisées et sur le secteurs des librairies plus généralistes (où on ne trouve que des graphic novels, et pas de comics au format single issues). Cet attrait à la fois pour le format album et pour les boutiques généralistes se retrouve une fois de plus illustré pour 2021, avec des barres très impressionnantes qui attestent de chiffres records.
C'est très simple, alors que le marché se cantonnait généralement à un chiffre d'affaires autour du milliard de dollars, 2021 a vu le CA global grimper de 62% pour atteindre les 2,075 milliards de dollars. Soit le chiffre le plus important jamais enregistré pour cette industrie, et ce même en ajustant avec l'inflation (Comichron explique que l'année 1993 qui est la plus importante dans l'époque moderne, ne grimpe "que" jusqu'à 1,6 milliard de dollars avec ajustement). Sur ce chiffre, la répartition est désormais bien connue : les albums (graphic novels) sont en forte progression de 76% (notamment parce qu'on y retrouve dans ce format les mangas, qui ont eu aussi explosé de popularité aux Etats-Unis), mais les comicbooks ne sont pas en reste, avec une progression de 53% comparée à 2020 - qui reste importante : comparé à 2019, elle est de 23%, signe qu'il n'y pas que l'effet "réouverture des shops" à prendre en compte.
Le même constat peut être formulé concernant la répartition du chiffre d'affaires par secteur de vente. Les bookstores généralistes (et foires aux livres) sont largement en tête avec une augmentation de leur chiffre d'affaires de 80%, tandis que les comicshops connaissent eux une progression de 60% comparé à 2020, et de 34% si on compare à 2019, dernière année du contexte pré-pandémique. La conclusion est là encourageante, face à un secteur dont on connaît aussi les limites et les difficultés : les comics ont donc continué de se vendre, porté par une majorité de comics de super-héros - et justement : bon nombre de commentateurs ont voulu faire croire que les comics ne se vendaient plus sur la base d'argumentaires fallacieux et de fausses informations. Voilà donc un bilan chiffré qui permet de prouver simplement ce que ces commentateurs avaient (comme toujours, en réalité) faux. Il sera à noter en effet, en revanche, que seul le secteur numérique ne semble pas avoir profité d'expansion et se maintient au même niveau que l'année précédente.
Les graphiques de suivi par année permettent de voir la progression importante faite sur l'année 2021, et surtout d'illustrer que, même s'il était "facile" de faire mieux que 2020 avec la fermeture des librairies, les chiffres restent en progression par rapport au contexte pré-pandémique et 2019. Bien entendu, cette année de grâce ne devrait pas se voir poursuivie en 2022. La crise des matières premières a touché toute l'industrie également de ce côté de l'industrie, la croissance n'est hélas pas vouée à se maintenir indéfiniment, et du côté français, de nombreuses librairies témoignent d'ores et déjà d'un chiffre d'affaires en recul par rapport à l'an passé. On sera donc forcément curieux de voir les prochains graphiques, sachant qu'il reste encore six mois aux acteurs et actrices du milieu pour réussir à intéresser le plus de monde à la bande dessinée. Croisons les doigts.