A mesure que le cinéma des super-héros s'ouvre à la perspective de représenter les identités LGBT+, même si les efforts sur le sujet restent mesurés, une sorte de nouvelle tradition s'est installée pour certains territoires. Notamment, les pays du Golfe Persique. La mise en avant de personnages gays, lesbiens ou transgenres a généralement pour effet d'amorcer une mécanique de censure systématique dans ces différents états - Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Koweït, Qatar, etc. Les politiques culturelles locales, dans ces pays où l'homosexualité reste criminalisée (et éventuellement passible de la peine de mort), ont pour habitude de censurer les productions explicites sur la démonstration de ces représentations.
Le Golfe Persique s'est donc privé de nombreux longs-métrages Marvel ces dernières années (Eternals, Doctor Strange : in the Multiverse of Madness, etc), ou Pixar (Buzz L'Eclair, En Avant). A l'aune de la sortie du film Spider-Man : Across the Spider-Verse, les Emirats Arabes Unis ont également décidé de proscrire l'entrée sur le territoire de cette seconde aventure de Miles Morales à travers le multivers arachnéen. Une décision étonnante, mais confirmée par la rédaction de Variety.
En cause ?
Selon les sources du site spécialisé, le motif de cette censure serait à trouver dans un élément de décor relativement secondaire à l'aune de l'intrigue ou du propos de cette seconde entrée de Phil Lord et Chris Miller dans la franchise Spider-Man. A savoir, dans l'introduction, consacrée au personnage de Gwen Stacy, un drapeau "Protect Trans Kids" ("Protéger les enfants transgenres") collé au mur de la chambre de l'héroïne. Ce détail visuel, présent à l'écran pour une durée de six secondes, aurait suffit à motiver les censeurs des Emirats Arabes Unis et à bloquer la sortie de Spider-Man : Across the Spider-Verse en accord avec la censure générale des identités non conformes au dogme d'état dans ce pays du Moyen Orient.
Le drapeau en question a, de son côté, été interprété différemment selon les spectatrices et spectateurs qui ont déjà pu découvrir le film de Lord et Miller au cinéma. Beaucoup ne l'auront même pas remarqué, bêtement et simplement, dans la mesure où ce détail visuel n'est pas particulièrement mis en avant par la caméra virtuelle des trois metteurs en scène du film. Sa présence participera toutefois, en doublon avec la palette chromatique choisie pour représenter la Terre-65 de Spider-Gwen (des gammes de bleu et de rose qui correspondent aux couleurs du drapeau transgenre), et à la scène de confrontation entre Gwen et son père, comparable à un coming out, à encourager l'idée d'un sous-texte implicite sur l'identité de genre l'héroïne. Le sujet n'est toutefois jamais abordé frontalement ou explicitement à l'écran.
Reste à voir si d'autres pays du Golfe Persique comptent suivre l'avis des organes de censure émiratis, sur le même motif. Pour rappel, le premier film
Spider-Man : Into the Spider-Verse avait été autorisé aux Emirats Arabes Unis au moment de sa diffusion à l'international, où il avait empoché 1,7 millions de dollars sur l'exploitation locale. Soit environ 0,4% du score global du long-métrage sur l'ensemble de sa vie en salles. L'effet de cette interdit n'aura donc pas de réel impact sur la performance de
Spider-Man : Across the Spider-Verse (
qui a d'ores et déjà fait mieux que son prédécesseur sur le plan économique), à l'exception d'un signal préoccupant - dorénavant, même le sous-texte, même la suggestion par l'implicite ne seront plus tolérés dans ces pays où l'amour entre personnes du même sexe entre très ouvertement dans le champ de l'illégalité.