La sortie de crise du tout Hollywood n'est visiblement pas pour tout de suite - et cette tournure de phrase est un euphémisme. Alors que le syndicats des scénaristes aux Etats-Unis (la WGA pour Writer's Guild of America) est en grève depuis le début du printemps 2023, une réunion avec les représentants des studios (AMPTP pour Alliance of Motion Picture and Television Producers) se tenait en un lieu tenu secret le vendredi 4 août passé.
Des envies de discussions et négociations apparaissaient publiquement dans les déclarations des membres de l'AMPTP, mais le communiqué publié par la WGA ce weekend vient enterrer toute perspective de cessation de leur grève, qui au contraire se trouve reconduite indéfiniment, faute d'avoir pu trouver ne serait-ce qu'un début de terrain d'entente.
De ce que l'on comprend sur l'échec de la réunion du 4 août 2023 par le communiqué de presse de la WGA (à retrouver en lien source), il ne s'agit même pas d'un désaccord sur les éléments à discuter et négocier, mais d'un désaccord en amont sur ce qui est à discuter et négocier. De façon plus explicite : l'AMPTP s'est dite prête à discuter sur des paies minimales pour les scénaristes de séries TV (destinée à la télévision, par opposition au streaming) et à augmenter leur offre, ainsi qu'à discuter de l'ensemble des problèmes liés à l'utilisation de l'IA.
Mais la liste des revendications - légitimes, il faut le rappeler - de la WGA ne s'arrête pas à ces deux facteurs, et l'AMPTP n'a pas déclaré aux scénaristes sa volonté de négocier sur deux points cruciaux : d'une part, l'obligation de maintenir une équipe de scénaristes (writer's room) avec des effectifs minimaux (de 6 à 12 personnes, dont 4 avec des crédits de production), d'autre part l'évolution des arriérés de paiement sur les chiffres d'audience des séries sur les plateformes de streaming. Ce dernier point est toujours aussi crucial pour l'AMPTP qui ne souhaite visiblement en aucun cas avoir à communiquer sur les audiences réelles de leurs productions à destination de leur plateformes.
Un problème fondamental pour la WGA, qui n'entend pas laisser de côté la moindre de leurs revendications en dehors des discussions : c'est soit l'ensemble des points est abordé, soit il n'y a pas de discussions. Le syndicat des scénaristes explique que la représentante de l'AMPTP a répété à plusieurs reprises un "les gens veulent juste retourner au travail", un élément de langage envoyé dans plusieurs communiqués de presse ou déclarations publiques pour instiller un sentiment de lassitude qui pourrait faire fléchir le soutien de l'opinion - ou du reste du milieu hollywoodien - pour la grève. Le syndicat des scénaristes fait preuve de détermination et avertir par ailleurs les studios que plus la grève dure, plus il y aura aussi des demandes de compensations de leur part (on se rappelle d'ailleurs avoir entendu des personnalités des studios compter sur la ruine des scénaristes pour que le mouvement se tasse).
On aura aussi vu plusieurs des entités hollywoodiennes (AMC, par exemple) expliquer avoir de quoi "tenir" jusqu'à 2024 en termes de productions à diffuser - une confiance apparente qui pourrait bien se heurter à une dure réalité quand il n'y aura toujours pas de films ou de séries en développement/tournage/post-production et que tout ce qui restait en stock aura été diffusé. L'enjeu étant crucial pour l'ensemble de la profession et des industries culturelles (en anticipation de possibles répercussions sur d'autres milieux), ne reste qu'à espérer que les studios entendent raison et laissent aux personnes responsables de leur films et séries à succès des conditions de travail et de rémunérations décentes.
