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Predator Tome 1 : un chasseur sachant chasser....

Predator Tome 1 : un chasseur sachant chasser....

ReviewPanini
On a aimé• Une porte d'entrée à cet univers, très perméable
• Le pitch qui met le Predator en position de proie
• Une héroïne plutôt attachante
• Les aplats de noir de Kev Walker
On a moins aimé• Un récit de commande, qui ne va pas plus loin que ce statut de commande
• Un aspect trop propre lié à la colorisation
Notre note

Après plus d'une trentaine de comics publiés chez Dark Horse, que ce soit pour des mini-séries ou des one-shots, la licence Predator est passée entre les mains de Marvel. Une conséquence logique du rachat de la regrettée 20th Century Fox et de l'ensemble de ses propriétés intellectuelles par le groupe Disney, même si du côté des comics, la Maison des Idées a dû quelque peu batailler (comprendre : allonger de la monnaie) pour ne pas se fritter avec les ayants-droits du scénario originel de Hunter/Predator, les frères Jim et John Thomas, qui souhaitaient récupérer leur création après la durée légale des 35 ans d'acquisition des droits par la Fox

Pour aller vite : la sortie des premiers comics Predator de Marvel a connu aux Etats-Unis quelques retards, mais la machine est désormais bel et bien lancée. En plus de la première mini-série lancée en 2022, un second volume a vu le jour en 2023, et un crossover Wolverine vs Predator se prépare pour l'automne. Du côté de l'édition française, sans surprise, c'est chez Panini Comics que la licence poursuit son exploitation (puisque ces derniers détiennent la licence Marvel au global, et tout ce qui est donc publié par la Maison des Idées). Auparavant, l'éditeur indépendant Vestron avait permis aux fans du Predator d'en avoir pour leur saoul avec plusieurs publications (notamment la trilogie Chasseurs de Chris Warner et surtout le diptyque Archie vs Predator, délicieux crossover absurde et sanglant mené par Alex de Campi). La première mini-série Predator sous licence Marvel arrive donc en France, de quoi se faire une meilleure idée pour les non-anglophones sur ce que l'éditeur souhaite faire de cette créature iconique de la culture pop'. 

Il y a le bon chasseur, et le mauvais chasseur

Aux commandes de ce récit (étalé sur cinq numéros), Ed Brisson essaie d'apporter quelque chose de neuf à tout ce qui a déjà pu être fait au fil des trente dernières années, en comics comme au cinéma. Pour quelqu'un qui ne se serait jamais mis aux comics Predator, pas besoin de prérequis : si un bref résumé au début de l'album nous raconte en quelques lignes les évènements de tous les films consacrés aux chasseurs extra-terrestres, ce nouveau volume se veut comme une porte d'entrée tout à fait perméable.


Du côté de l'originalité du pitch, Brisson se défait du scénario type de Predator : exit le groupe de personnes qui, au cours d'une mission, se rendent compte qu'elles sont traquées, avant que quelqu'un ne réussisse à repousser l'assaillant et à le tuer dans un accès revanchard, au profit d'un effort considérable. Ici, on s'intéresse plutôt à Theta, qui a vu ses parents mourir sous ses yeux, assassinés par un Predator lorsqu'elle était encore petite (en 2041). Quinze ans plus tard, la voilà devenue une chasseuse aguerrie, qui trucide du Predator et parcourt les planètes à la recherche de celui qui a zigouillé sa famille. Le contexte futuriste permet au personnage d'opérer à armes égales, d'un point de vue technologique, face à cet adversaire souvent mieux armé que ses proies humaines. Généralement, l'humain doit ruser, opter pour le piège, la tactique, en remontant à ses origines bestiales, pour parvenir à flinguer l'alien. Avec l'assise technique d'une série de science-fiction, Ed Brisson opte pour un contexte qui fait la part belle à l'action. Mais aussi à l'exploration spatiale puisque Theta parcourt plusieurs environnements pour espérer assouvir sa vengeance. 

Les motivations sont assez simples à comprendre, et l'auteur fournit un acolyte à sa protagoniste - sous la forme assez classique de l'IA qui contrôle son vaisseau - pour éviter d'évoluer dans une mini-série sans dialogues. De quoi exposer clairement aussi les objectifs et le passé de Theta et comprendre très rapidement que c'est une dure à cuire. Qu'elle-même représente une menace pour l'ensemble des Predators, pour changer. Plusieurs éléments sur cette espèce sont d'ailleurs développés, pour donner l'impression d'approfondir le lore, mais l'ensemble reste assez léger. C'est tout l'équilibre avec lequel Brisson doit composer : penser aux fans purs et durs qui seraient prêt à relever la moindre incohérence, tout en faisant quelque chose de perméable à qui voudrait profiter de la nouvelle visibilité de la licence chez Marvel pour se laisser tenter. 


Pour replacer le contexte de lecture de cet album, sachez ici que mis à part quelques crossovers (Archie vs Predator, Batman vs Predator) et les films, votre rédacteur n'a pas une grande connaissance de ce qui a été fait auparavant dans les comics de la marque. Pour ce qui est de l'accessibilité, le pari d'Ed Brisson est donc réussi. L'histoire de Theta se laisse suivre sans déplaisir et a même droit à quelques retournements de situation intéressants. Pour compenser, d'autres passages sont sur des chemins balisés et facilement identifiables - comme le fait d'avoir un groupe d'humains qui n'a que faire des avertissements de Theta, en amont d'une situation qui évidemment doit dégénérer par la suite. Il y a une forme de facilité qui rend la mini-série agréable à lire, mais qui montre aussi une forme de faiblesse d'ensemble : il s'agit bel et bien d'un comics de licence, pour lequel on a demandé à des employés de rendre un simple travail, et pour lequel il n'a jamais été envisagé d'essayer de faire mieux. 

Non pas que le Predator, en tant que monstre de fiction, propose de hauts sommets de réflexion et de métaphores. Au cinéma, les films récents n'ont pas particulièrement marqués (à l'exception probable du dernier volet en date - Prey s'est révélé assez sympathique, et il est dommage que ce volet là soit le seul à ne pas avoir eu droit à une sortie en salles. D'ailleurs, le parallèle entre les personnages de Theta et Naru se fait assez facilement, au point qu'il apparaît évident que cette mini-série Predator aurait très bien pu être le nouvel opus de la franchise sur les écrans. 


Reste que sur la partie artistique, le lectorat devra là aussi se contenter du strict minimum. Kev Walker n'est pas un mauvais dessinateur, loin de là, et rend des planches lisibles, avec un découpage assez soigné, un savoir-faire évident sur l'utilisation des aplats de noir, et quelques idées de poses bien pensées. La scène d'ouverture, notamment, a quelque chose d'immédiatement aguicheur, avec Theta qui se pare des atours et du costume de ses proies (qui sont pourtant des chasseurs, voyez comme c'est amusant). Deux choses à reprocher toutefois : une colorisation trop numérique et une absence de décors qui oblige à l'utilisation de fonds en aplats ou dégradés un poil ennuyeux ; et un aspect d'ensemble trop propre, notamment sur les passages sanglants. 

Tout dépend bien sûr de ce que l'on attend d'un comics Predator en 2023. A supposer que le scénario ne soit jamais transcendant, le lectorat espérerait peut-être que Marvel parte chercher quelques grands noms de la sphère comics (comme on a pu le voir avec du James Stokoe sur Aliens, par exemple). Walker s'adapte à ce qui lui a été commandé, mais adopte un style somme toute générique, qui empêche de réellement s'attarder ou s'attacher à son travail.


Faut-il alors lire ou pas ce Predator ? Le récit a pour lui son héroïne bien caractérisée, un récit sans temps morts qui fait que, techniquement, on tourne les pages sans s'ennuyer, et une partie artistique qui rentre dans les standards de ce que l'on peut attendre d'une maison d'édition telle que Marvel dans le présent. Cette histoire vous restera-t-elle en mémoire au-delà d'un sympathique moment de lecture ? Certainement pas, à moins d'être un fan absolu de la licence - mais à ce moment là, peut-être aurez des attentes plus élevées, justement. Notez qu'il est ici impossible dans cet exercice de rédaction de faire un point de comparaison avec les mini-séries de Dark Horse, par manque d'expérience : le ressenti se base donc bien sur cette lecture comme nouvelle porte d'entrée vers cet univers. Difficile à admettre, mais c'est comme ça : la licence continue de vivre, comme une licence, autrement dit, un produit à consommer et digérer, mais qui ne risque pas de s'apprécier sur la longue durée.

"Si tu n'aimes pas, n'en dégoûte pas les autres". Predator Tome 1, sous licence Marvel, est un bon exemple de la façon dont les icônes de la pop-culture nées dans les années 1980 continuent de vivre aujourd'hui. C'est à dire, plutôt comme des licences qu'il faut exploiter pour donner quelque chose à grignoter aux fans, que comme des oeuvres au sens le plus artistique du terme, avec un lore à dégager, une thématique à explorer, ou pour donner à un artiste le potentiel de se dépasser. Pas désagréable pour un nouvel arrivant, la lecture devrait satisfaire aussi les fans de longue date, du moment que les attentes ne sont pas trop élevées. En revanche, si le porte-monnaie coince (et c'est sûrement le cas en ces périodes d'inflation), on vous recommandera à l'évidence de vous tourner vers d'autres comics. Puisqu'à notre sens, même une déception sur un indé' dont on ne savait rien à l'avance a plus de valeur que d'être conforté, sans jamais être chahuté, par une licence que l'on connaît. 

- Vous pouvez commander Predator Tome 1 à ce lien


Arno Kikoo
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