Belle prestation pour la BD anglo-saxonne, en définitive. Si les sélections du FIBD n'ont pas forcément eu l'habitude de saluer le travail des artistes de comics, cette édition 2024 comprend quelques victoires : un Grand Prix pour Posy Simmonds, d'abord... et un Fauve d'Or pour Daniel Clowes. Si l'illustre dessinateur a manqué (de peu) la statuette la plus prisée, l'album Monica sort grand vainqueur de la sélection angoumoisine, remise par un grand jury hétéroclite, et visiblement, fan de genre alternatif. Egalement, James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno sortent de la cérémonie salués d'un prix de la meilleure série pour The Nice House on the Lake.
Dernière création de Daniel Clowes, l'album Monica passe pour un prix bien mérité de la part d'un artiste fondateur. Grand représentant de l'école Fantagraphics, le dessinateur a pu s'amuser à expérimenter dans ce récit complet, qui chronique l'histoire d'une jeune femme par le prisme des différents genres fondateurs de la bande-dessinée des Etats-Unis. Une oeuvre multicouche qui traverse les styles, les influences et les méthodes de narration, forcément adéquat pour une cérémonie chargée de récompenser les différentes strates de l'art séquentiel. Clowes prend la suite de Martin Panchaud pour La Couleur des Choses (Fauve d'Or 2023) et Marcello Quintanilha pour Ecoute, Jolie Marcia (Fauve d'Or 2022). Une belle séquence d'albums, et un signal positif pour la reprise de l'oeuvre de Clowes par les éditions Delcourt sur le marché français depuis l'année dernière.
"Monica est une série d'histoires interconnectées qui, une fois mises ensemble, forment un récit biographique. Une fois de plus, Daniel Clowes convoque des souvenirs personnels et familiaux à travers une oeuvre de fiction. Il s'agit du livre le plus personnel de l'auteur, qui convoque ici de nombreux genres de la bande dessinée nord-américaine, chaque section étant traitée selon un mode graphique et narratif différent."
Egalement, une victoire pour DC Comics et les éditions Urban Comics sur le marché français. The Nice House on the Lake, création originale de James Tynion IV et Martinez Bueno, se présente comme une parabole sur les oeuvres de "boîte à mystère" à la Damon Lindelof. Un groupe de potes se retrouve dans une villa au bord d'un lac à l'approche d'un événement qui passe pour une fin du monde potentielle... et sur place, les uns et les autres vont comprendre que l'ami qui les a tous invités n'était peut-être pas celui qu'ils pensaient connaître depuis tout ce temps. Un gros travail du nouveau maître de l'horreur dans le champ de la science-fiction conceptuelle, paranoïaque croisée avec les meilleures idées de l'écriture de télévision américaine ambitieuse de ces quinze dernières années.
Sortie auréolé d'un prix aux Eisner Awards 2022 au titre de "Meilleure Nouvelle Série", The Nice House on the Lake a dû traverser l'Atlantique pour venir récupérer un sésame supplémentaire dans les travées du plus grand festival européen de la bande-dessinée. Bravo, Daniel, James et Alvaro.