A la suite des déclarations du président de Sony Pictures, qui s'est exprimé tout récemment sur l'utilisation des technologies d'intelligence artificielle d'ici les années à venir, Chris Miller a tenu à rassurer les fans de la franchise Spider-Verse. Producteur sur la trilogie, aux côtés de son vieux compère Phil Lord, et connu pour avoir participé aux grèves de l'an dernier, celui-ci reste un opposant farouche au remplacement des compétences humaines par les algorithmes. Sans surprise, Miller affirme que le prochain volet de la franchise, Spider-Man : Beyond the Spider-Verse, n'utilisera pas d'images générées par intelligence artificielle. Une bonne nouvelle, pour un projet qui interroge sur l'état des conditions de travail dans les métiers de l'image animée.
Créativité contre Coûts
Si les différents films
Spider-Verse restent largement salués pour leur créativité artistique, leur générosité et leurs grandes qualités esthétiques, on sait que le chantier pour en arriver là a été passablement... compliqué. De nombreux animateurs
ont évoqué une production tendue sur le second volet de la trilogie. Départs massifs, grosses périodes de
crunch, des plans entiers balancés à la poubelle, et surtout, un producteur décrit comme exigeant et désordonné,
Phil Lord, à la tête d'équipes menées d'une main de fer. Le scandale survenu après la sortie de
Spider-Man : Across the Spider-Verse a permis d'attirer l'attention sur la réalité du travail des professionnels de l'animation : souvent précarisés, sans heures fixes, sans représentation syndicale dans de très nombreux cas, ou dont le visa va dépendre de leur emploi pour celles et ceux qui décident de travailler à l'étranger.
Or, ce n'est plus un secret : le marché de l'animation moderne nécessite des équipes de plus en plus conséquentes... et avec une fréquentation des salles de cinéma qui ne parvient toujours pas à retrouver la bonne santé des années pré-COVID, les studios comptent profiter de l'apparition des IAs pour faire des économies. Et dans cette perspective, la déclaration de Sony Pictures ne tombe pas au hasard : d'ici quelques semaines, les accords de branche pour les métiers de du secteur vont être renégociés.
Difficile de ne pas comprendre cette prise de parole en faveur des IAs comme autre chose qu'une déclaration de guerre envers une profession déjà largement précarisée, et qui risque d'être durement frappée par les nouvelles méthodes de production. Récemment, le président de DreamWork avait de son côté expliqué que l'intelligence artificielle allait permettre de remplacer 90% des emplois nécessaires à la production d'un film d'animation... Là-encore, de quoi faire redouter le pire pour les fans qui n'adhèrent pas à cette façon de concevoir le cinéma.
Paradoxalement, si Chris Miller et Phil Lord restent des producteurs "maison" chez Sony Pictures - le gros de leur filmographie a été montée sur place, avec les Tempête de Boulettes Géantes, Jump Street, Spider-Verse - le duo semble prêt à prendre position contre les décisions de la compagnie. Puisque, en plus de rassurer les fans sur le prochain film de la trilogie, Miller rappelle au passage que l'intelligence artificielle sous sa forme actuelle reste bâtie sur un principe de vol de données :
"Nous n'utiliserons pas l'IA générative dans Beyond the Spider-Verse, ni maintenant ni plus tard. L’un des objectifs essentiel de ces films a été de bâtir de nouveaux styles visuels jamais vus dans un film d'animation 3D pour le compte d'un studio, et non de voler le travail d’autres artistes pour générer un rendu automatique et sans originalité."
La déclaration a le mérite d'être claire. Reste à voir si Lord et Miller seront encore les bienvenus chez Sony Pictures d'ici les prochaines années, ou si la décision du groupe ne risque pas d'amorcer une rupture franche avec cette catégorie d'artistes qui refuseront de courber l'échine.