Un jour, une "Big News". A croire que Panini Comics est nostalgique de cette gamme de téléfilms de l'après-midi M6, dont on regrettera longtemps les avocates célibataires qui courent après le grand amour et les carriéristes égocentrés qui ont oublié le vrai sens des noëls en famille. Bref, de nouvelles routines chassent les anciennes, c'est un peu le sens de la vie. Et pour rythmer l'actualité, la maison d'édition a au moins le mérite de la régularité : en pleine saison des annonces, les albums se multiplient avec le début de l'année prochaine comme principal horizon. Comme d'habitude, les "Big News" visent à isoler les sorties considérées en interne comme suffisamment importantes pour mériter un coup de projecteur, et généralement organisées par personnages ou groupes de personnages. Fournée du jour : Captain America.
Truth : Red, White & Black
Deux titres ont été présentés pour le mois de février. D'un côté, le tome trois de la grande réédition en omnibus du travail d'
Ed Brubaker sur le héros bannière, en compagnie du
Winter Soldier, pour toujours plus d'espionnage à coups de super-ennemis des Etats-Unis. Et pour rendre un hommage accidentel au regretté
John Cassaday, dont la mort
nous a été annoncée ce matin avec la violence d'un coup de poing dans le bide,
Panini Comics tombe sur un curieux alignement des planètes : la couverture variante prévue pour cet omnibus avait été, justement, réalisée par cet illustre dessinateur. L'éditeur nous assure qu'il s'agit bien d'une coïncidence.
On aurait envie de les croire : de fait, Cassaday a effectivement signé une grande quantité de couvertures consacrées au personnage de Captain America (et même les intérieurs de la série de 2002 chez Marvel Knights, The New Deal, rééditée récemment dans la collection Must Have de l'éditeur). En l'occurrence, il s'agit de la célèbre variante de Captain America : Reborn #1, un titre effectivement produit par Ed Brubaker.
Et également, pour accompagner la sortie de Captain America : Brave New World, Panini Comics (ou Captain America : Truth) a misé sur un album un peu spécial. A savoir, la mini-série Truth : Red, White & Black de Robert Morales et Kyle Baker. Pour les nouveaux entrants, on précise tout de suite : non, il ne s'agit pas d'une anthologie ultraviolente comme les Black, White & Blood qui pullulent dans le Marvel du présent. Ce titre, entré dans la légende, se présente plutôt comme une contre-lecture des origines de Steve Rogers à travers la figure du premier Super Soldat de l'armée des Etats-Unis : le conscrit Isaiah Braldey, un homme noir qui servira de cobaye au fameux sérum à l'origine des pouvoirs de Cap'.
Développée par Robert Morales, un journaliste afro-américain engagé et militant sur le thème des inégalités ethniques, le projet s'inspire en partie des nombreux cas documentés d'expériences scientifiques ou chirurgicales engagés sur la population noire des Etats-Unis. En particulier, une étude surnommée "Tuskegee Syphilis", triste épisode de l'histoire humaine au cours de laquelle plusieurs centaines de patients (des afro-américains pauvres dans leur immense majorité) atteints de la syphilis ont été engagés par le Service Public de la Santé, un organe d'état, dans le but d'observer la progression de la maladie hors traitement. Les patients en question avaient reçu la promesse de recevoir des médicaments et un suivi thérapeutique. Mais, en réalité, ceux-ci avaient seulement pour fonction de mourir à petit feu sous l'œil attentif des médecins. L'objectif des pouvoirs publics était simplement d'étudier les effets à long terme de la syphilis, et n'ont jamais réellement cherché à soigner les malades, même lorsque les premiers traitements ont commencé à être mis au point. Et bien sûr, sans les informer de la réalité de cette étude.
Morales expliquera plus tard s'être inspiré de cette histoire (entre autres choses, l'écriture peut aussi évoquer les recherches sur le phosphore ou le traitement du cancer par radiation, dont les détails sordides évoquent à s'y méprendre l'étude de la "Tuskegee Syphilis") pour inventer le personnage d'Isaiah Bradley. Et si, avant d'injecter à Steve Rogers son fameux composé chimique, l'armée n'avait pas d'abord voulu s'assurer que le sérum était viable en utilisant des soldats noirs comme sujets d'expérience ? Un bataillon tout entier finira par être décimé, et seul le soldat Bradley s'en sortira sans trop de séquelles. L'armée prendra ensuite bien soin d'enterrer l'affaire du "Captain America noir", et même Steve Rogers ne sera jamais mis au courant.
L'album évoque d'autres dossiers, d'autres sujets de société ou d'autres affaires historiques honteuses, pour présenter un reflet déformant de l'utopie que représente généralement l'apparition du premier surhomme dans la généalogie Marvel. Un titre qui représente une certaine époque, une certaine liberté de ton, bien plus féroce et corrosif que les versions de Marvel Studios. A noter tout de même : le titre transporte aussi avec lui l'esthétique un peu particulière de Kyle Baker. Si le dessinateur est généralement connu comme l'artiste génial à qui l'on doit l'un des meilleurs volumes de Plastic Man, son coup de crayon ne fait pas forcément l'unanimité sur cette série, avec un encrage approximatif et des structures corporelles aux portes du dessin satirique.
Captain America : Truth est également attendu pour le mois de février 2025, et Panini Comics compte l'intégrer dans leur collection Prestige - à savoir, grand format avec dos toilé. Comptez donc en conséquence un prix qui devrait osciller entre les 22 à 26€ en fonction de la pagination.
