Avec un programme déjà bien chargé pour le printemps et un autre projet en embuscade pour la rentrée scolaire, Panini Manga double la mise sur les titres Marvel produits au Japon. L'enseigne est encore une fois partie chercher un nouvel objet de curiosité, formé sur sur la base de cette perpétuelle choc des imaginaires que représente le genre même des mangas de super-héros, avec l'album Spider-Man : Octo-Girl de l'artiste Hideyuki Furuhashi. Et alors attention : vu de France, ou depuis l'Occident en général, on a souvent eu tendance à dégainer le champ lexical habituel pour évoquer les folies ou la permissivité générale de la scène manga, quitte à grossir le trait.
Au hasard, dans le film Batman Ninja vs Yakuza League : le coup de la mitrailleuse titanesque qui propulse des humains yakuzas dans le ciel de Gotham City comme une pluie d'assassins volants. Oui, certes, il serait facile de trouver l'idée étonnante, absurde, décalée. Mais au demeurant, les Etats-Unis nous ont proposé Sharknado dans le même registre. Et c'est un peu la même chose. Dans les deux cas, les équipes créatives ont misé sur l'absurde ou l'exagération nonsensique pour provoquer le rire, une grande habitude des productions de série B. Or, ce n'est pas tout à fait la même chose lorsque l'on parle des mangas Marvel. Le décalage culturel intervient surtout dans la consigne de base : proposer à des artistes qui n'ont pas nécessairement acquis les codes d'une fiction produite pour les Etats-Unis... en dehors des Etats-Unis.
Souvent, lorsque DC ou Marvel commandent des créations à leurs partenaires du Japon, dans l'idée d'implanter la marque sur place et de profiter des compétences locales pour étendre le spectre des possibles, beaucoup de créateurs vont avoir tendance à s'approprier les super-héros pour les inscrire dans des moules plus figés, voire même, surtout, plus habituels de leur point de vue. On en parlait plus haut : le manga Spider-Man : Shadow Warrior, attendu pour le mois de septembre chez Panini, livre un assez bel exemple de ce genre d'exercice.
En l'occurrence, l'intrigue s'intéresse au Kingpin, le parrain du crime de New York... qui va se déplacer à travers le temps et prendre le contrôle du Japon pour devenir le gouverneur du pays à la fin de la période Edo, en plein pendant la guerre civile. Pourquoi ? Pourquoi précisément le Japon, pourquoi précisément Edo, pourquoi ce paysage particulier autour d'un tel personnage ? Sans doute parce que l'auteur Shogo Aoki maîtrise mieux cet imaginaire, cet environnement. Et sans doute aussi parce que les éditeurs de manga connaissent bien leur public. Si les lecteurs locaux apprécient certainement les marques américaines que représentent les super-héros du groupe Marvel, il leur est probablement plus facile de se les approprier une fois déplacés sur leur propre territoire, dans un contexte qui leur semble tout de suite plus familier. C'était pareil à l'époque du manga Iron Man/Spider-Man du regretté Kazuki Takahashi (Yu-Gi-Oh!).
En l'occurrence, Spider-Man : Octo-Girl suit la même logique. Pour cette fois, il s'agira de suivre le personnage du docteur Otto Octavius, ou Octopus, depuis l'archipel nippon. Et si vous vous demandez comment ce célèbre super-vilain a pu se perdre aussi loin de chez lui, c'est tout simple : au moment d'un combat contre Spider-Man, Otto est balancé dans le vide, sans corniche à laquelle se rattraper. A ce moment là, le personnage comprend qu'il ne survivra pas à cette chute mortelle, et dans un geste désespéré, il tente de transférer sa conscience dans l'un de ses propres clones. Cette idée reprend globalement le principe développé par Dan Slott à l'époque de la période Superior Spider-Man. Grosso modo, depuis cet événement un peu particulier, on considère qu'Octopus est capable de transférer son esprit dans le corps étranger de son choix.
Sauf que, tout ne se passe pas comme prévu. Au lieu de terminer sa course dans l'un des clones qui sommeillent dans son laboratoire, Otto se retrouve finalement propulsé... dans le corps d'une ado' japonaise de 14 ans. En l'occurrence, celle-ci était justement tombée dans le coma, et se retrouve malgré elle obligée de partager son enveloppe physique avec un super-méchant quadragénaire, sans avoir rien demandé. La série va donc proposer... cette petite aventure originale. Otto Octavius qui va au collège, Otto Octavius qui botte les fesses des harceleurs scolaires, Otto Octavius qui papote avec ses copines en dehors des cours. Vous en rêviez... et bah, euh... voilà, c'est fait. Vous avez des rêves bizarres un peu, par contre. Hein ? Non, ne vous approchez pas. Restez loin. C'est bien, loin.
Dans la mesure où la série reprend globalement le canon de Superior Spider-Man, Octopus est encore dans sa période sympa et se comportera globalement comme un super-héros (enfin, une super-héroïne, du coup) pendant l'essentiel de la série. D'autres têtes connues de cette époque sont aussi dans la partie, avec également quelques créations inventées pour l'occasion. Tout ceci embarqué dans un projet en trois tomes. Et attention, si la proposition vous étonne, il ne s'agit pas d'un projet façon tranche-de-vie : le manga reste essentiellement concentré sur l'action, dans un déroulé somme toute classique, qui comprend paradoxalement assez peu de réels moments d'absurde. En dehors de sa proposition de base.
Si ça vous intéresse (loin, on a dit, vraiment, restez : loin), le premier tome de Spider-Man : Octo-Girl est attendu pour le mois de septembre 2025.
