Attention, cette critique contient des spoilers.
Nous avons voulu laisser la parole à Cynok pour une seconde critique du film, lui qui l'a beaucoup moins aimé que nous tous et qui souhaitait vous en parler, afin qu'un débat puisse exister. N'hésitez donc pas à nous laisser vos avis en commentaires ! Évidemment, inutile de vous préciser qu'il s'agit de SON avis, pas celui de "la rédaction".
Je suis un homme de promesse, principalement en matière de cinéma. Je n’ai toujours pas vu La science des rêves et ne le verrai sans doute jamais et il m’aura fallu une semaine d’exploitation pour voir Captain America : Le Soldat de l’Hiver avec deux personnes chères à mon plaisir.
Une semaine et plus si l’on compte l’avant première, où l’on me chante que "Cap 2 est une petite bombe et qu’il va compter comme aucun autre pour la suite". Je ne me suis pas endormi, j’ai enfilé mes lunettes pour être sûr de voir clair mais rien n’y a fait, je n’ai pas vu le meilleur film Marvel pour le moment, j’ai vu le même ventre mou qui dépasse du short des studios quand ils se relâchent avant l’été.
Une recette c’est assez simple, du moment que l’on suit les instructions et que l’on les répète dans le bon ordre, en général, le résultat est assez satisfaisant. Prenez cette critique, selon mon plan habituel, en lieu et place des ces lignes piteuses je devrais vous faire un résumé succin du film en essayant de donner le moins possible de détails pour vous que vous reconstituiez le puzzle vous-même. Comme cela a déjà été fait dans une première critique et dans deux (!) podcasts, je déroge à ma règle. Prenez maintenant un film Marvel, n’importe lequel, la mécanique est si savamment réglée depuis Iron Man premier du nom que les ingénieurs hollywoodiens n’ont aucune envie de la modifier. C’est un peu comme jouer les même numéros de Loto toutes les semaines et gagner à chaque fois, quel idiot irait pour l’amour du geste changer un chiffre qui ferait déraper l’ensemble ? Pour résumer, cela se présente ainsi : topo de départ, obstacle franchissable, twist dramatique, obstacle infranchissable, aide extérieure encore inconnue, remontée spirituelle ou physique, victoire finale, fin, twist dramatique. C’est simple, c’est présent dans tout scénario depuis des générations et au final, ça fonctionne.
Iron Man 1, 2 et 3, Thor 1 et 2, Hulk, Captain America 1 et donc 2, tous suivent ce procédé aussi linéaire qu'efficace. Seul Avengers suit une trame légèrement différente mais cela vient surtout du fait que ce soit le seul film où le réalisateur amène vraiment son scénario et n’est pas interchangeable comme pour les autres, mais ça on en reparle après. Vous pourrez me dire, et vous aurez peut être raison, que les contre exemples de mon plan sont légions dans tous ces films, sauf qu’au final toutes les trames sont identiques peu importe le rail qu’elles ont empruntées.
À partir de ce moment on peut à mon sens scinder en deux les films Marvel. Iron Man, Captain America et Thor - The Dark World sont à classer au dessus (Je me répète, Avengers est encore à un autre niveau mais ce n’est pas le point que je veux aborder). Ces trois là sont passés deux fois à la caisse du cool et ont chacun une ligne supplémentaire à leur CV. Iron Man premier du nom, c’est un ado qui se touche pour la première fois, il a entendu parler auprès de ses potes qu’il pouvait faire ce genre de truc mais il n’a jamais essayé. Il tâtonne, il est candide mais il est sincère. Il se dit que ce qu’il fait, il le fera mieux plus tard mais il a suffisamment de recul cette première fois pour exprimer tout son enthousiasme.
Captain America, lui c’est l’artiste, celui qui va passer le plus clair de son temps à trouver l’angle correct pour la lumière et des heures sur un détail physique pour qu’il soit le plus transparent possible. C’est un peu le hipster si vous voulez, celui pour lequel tout le monde s’accorde à dire « lui, il a du cachet, une patte ». Une patte sépia instagram, certes, mais une patte quand même. Il est sérieux mais on le regarde tendrement parce que franchement, il est super bien foutu.
Thor - The Dark World, quant à lui, est l'ado attardé. Il est au milieu du repas de famille, il ne parle pas beaucoup et se fond dans la masse et l’éducation de ses paires ; mais au fond de lui c’est un déconneur qui ne se prend absolument pas au sérieux. Il fait tout comme les anciens de sa fratrie mais il prend un malin plaisir à se moquer de lui même. Il rajoute des sidekicks aux sidekicks, il fait des blagues fines et prend un accent british branché à des grands blonds musclés. Il ne paye pas de mine mais c’est lui qui a le plus de potentiel alors que son grand frère du même nom était rentré avant lui dans les rangs ordonnés de l’armée filmée.
Puis il y a les autres, les bons élèves, ceux qui se prennent au sérieux de A à Z mais qui cachent cette chienlit par quelques blagues appris au détour de TéléPoche. J’appelle au tableau Iron Man 2, ineptie bouche trou, Iron Man 3, bouche trou qui se paye le luxe d’être meilleur à l’extérieur qu’à l’intérieur (voir générique de fin et All Hail The King), Thor, le Shakespeare de Pontoise persuadé d’avoir fait lever les trois premiers rangs du théâtre de quartier, Hulk, sans commentaire ; et maintenant Captain America 2.
Ils ont compris cinq minutes, puis rideau. Cinq minutes d’"aprèstro" (après l’intro, où Georges StPierre se fait dérouiller, comme si c’était possible) où l’on peut se dire « Ouf ils ont compris que Captain America est cool seulement dans sa désuétude face au modernisme et qu’il n’est au final qu’un double étranger face au monde dans lequel il vit, à la fois supérieur physiquement mais en retard culturellement. »
Cinq minutes géniales, pleines de messages et de bonnes blagues suffisamment fines pour provoquer un décalage dans les rires de la salle ; puis, de nouveau, cette assurance et ce sérieux pendant 1h30. C’est carré, ça ne déborde pas des lignes, monté proprement avec des plans tournés de façon à toujours avoir la focale de la caméra au premier plan alors que le second, flouté symbolise le complot qui se trame dans le dos du héros droit dans ses bottes… Blabla BLAH. Et l’originalité bordel, tu l'as rangée dans un autre costume, même tes cheveux sont plus désordonnés que ton film, et pourtant ils sont replacés par la même incompétente qui a fait la perruque couleur sang séché de Black Widow. Captain, je te le dis tout de go, quand t’es comme ça, t’es chiant.
Alors d’accord, ça castagne dur, très, très dur même. Les
chorégraphies des scènes d’action sont d’un niveau rarement atteint pour
Hollywood. C’est brutal, les coups sont portés et ça se sent, et là encore,
les réalisateurs Anthony et Joe Russo sont bons, quoique franchement interchangeables par
l’entièreté du vivier de réal' qui font la queue devant les studios de tout Los
Angeles. La caméra bouge dans la direction inverse du coup de poing donnant
l’impression que ce dernier part plus vite et frappe plus fort que ce qu’il est
en vrai, il tourne autour des points d’impacts et pas du héros… Entre vous et
moi, combien de films vous voyez avec ce genre de scènes depuis que Jason a Bourné
un tas de nez dans des toilettes ou une gare ? Plein. Mieux que dans
Captain America 2, je ne dis pas, mais pareil, là, plein. [NDSullivan, en pleine relecture : Je ne suis pas d'accord du tout, les Russo se payent le luxe de caméras et de mises au point fixes, laissant un sentiment d'absorption de l'action, en témoigne la scène de corps à corps de Steve Rogers face au Winter Soldier et son couteau, brillante à mes yeux, là où je ne SUPPORTE pas la réal' de Greengrass sur la trilogie Bourne, bien trop brouillonne...]
[NDCynok, en pleine re-relecture : Les courses sont nettes, en témoigne la repompe Metal Gear Solid 2 de l'assaut sur le cargo au tout début, mais j'ai des doutes sur tous les corps à corps.]
Avant de s’attaquer aux acteurs, faisons un petit détour par la musique. Pour faire court, disons que passer d’Alan Silvestri à Henry Jackman c’est un peu comme passer d’Alan Silvestri à Hugh Jackman, on ne peut qu’être déçu. Mais à l’instar des frères Russo, Jackman est remplaçable par des milliers. Insipide, encore, carrée, aussi, la bande son passe à travers vos deux conduits et ne reste pas une seule seconde. Exemple parfait, le premier thème de Captain America qui se fredonne encore et le nouveau qui ne se siffle même pas. Ce n’est pas ici que le film va se sauver.
Peut-être que ses acteurs vont le sortir de l’ennui ? J’ai entendu de loin que Chris Evans était le plus sous-estimé des acteurs héroïques. Pourquoi alors ? Parce que le blond musclé a prouvé tout son talent sous un casque, de formule 1 toutefois. Parce que sa majesté première Robert Downey II pourrait jouer torché que le monde serait hypnotisé par son bouc et dessaoulerait pour lui. Parce que Bruce Banner c’est Edward Norton puis Mark Ruffalo, tu peux pas test. Parce que Samuel L. Jackson ne fait pas de pub pour Kia, que Scarlett Johansson a des seins et que tout le monde joue mieux que Jeremy Renner. Par conséquent Chris Evans devrait être l’enfant pauvre de Marvel ? Oui et non, oui parce qu’il est Captain America et que malheureusement on ne lui donne pas deux lignes de sous-texte pour le rôle. Non parce que malgré tout ce patriotisme lisse, Evans amène quelques épines vraiment bien venues.
Par contre, vient le reste. J’aime pas taper sur la vieillesse mais papy Redford n’est pas crédible une seule petite seconde. Dans la famille méchant qui raconte ses plans au gentil je demande l’ancienne gloire. Pas un seul instant le spectateur ne sera étonné de la triple épaulée du haut directeur du S.H.I.E.L.D., trop premier degré pour être avalé. Samuel L. Jackson joue comme à son habitude, en s’en foutant royalement. Anthony Mackie a obtenu le rôle du noir hollywoodien dans un film d’action, celui qui revenait auparavant à Chris Tucker. Quant à Scarlett Johansson, le subterfuge pulpeux est biaisé du fait que tous ses plans sont resserrés au niveau de sa tête, garnie d’un poulpe rouge et plat. Je ne parle pas de Sebastian Stan, je ne suis même pas sûr qu’il ait joué au moins deux scènes complètes, et si c’est le cas ils les a ratées, et pourtant il porte un masque. Parfait dans le « Beuh beuh je ne sais pas qui je suis mais je veux le découvrir pour ouvrir mon cœur », le Winter Soldier est l’exemple parfait du pourquoi ce film s’est loupé ; terre à terre et mécanique.
Dernière chose, qui a dit « Captain America : Le Soldat de l’hiver est une pièce essentielle pour la suite de la phase Marvel » Où ? Pourquoi ?
Si c’est parce que le S.H.I.E.L.D n’est plus, je ne vois pas pourquoi ? Disons que cela arrange plus les affaires d’ABC et de son four à plusieurs millions, que Marvel qui n’en a pas grandement besoin au final. Parce que Captain America devient le patron ? Si la suite se nommait Civil War, pourquoi pas, mais ce n’est pas le cas. Pour la scène post-générique ? Non c’est juste un gros doigt à Bryan Singer qui risque de répondre avec une paluche plus grande dans les semaines à venir. Je demande explication pour cette théorie du pilier qu’est Captain America, j’ai dû louper le pourquoi du comment, désolé.
En lieu et place d’avoir un mauvais film, Captain America est un film Marvel Studios, bon mais beaucoup trop prévisible et déjà vu. Ce n’est pas faute de ne pas savoir faire autre chose mais il faudra m’expliquer (une nouvelle fois pardon) pourquoi Marvel a voulu les frères Russo en leur intimant l’ordre de ne pas faire du Russo. Froid, prétentieux alors qu’Iron Man n’apparaît pas, Captain America le retour fait le quota, ni plus ni moins. Maintenant Marvel ça suffit, tu nous sors Guardians Of the Galaxy et tu nous fous la paix avec tes devoirs de vacances.