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Portrait de Légende HS #2 : Arnold Drake et Gene Colan

Portrait de Légende HS #2 : Arnold Drake et Gene Colan

DossierMarvel

Si les Guardians of the Galaxy ont maintenant une renommée qu'ils n'avaient encore jamais connu en étant cantonné aux comics, c'est bien à partir de ce média que leur légende est née. Et plus particulièrement de l'esprit de deux hommes qui avaient eu l'idée d'une équipe de super-héros évoluant dans un monde de space-opera avant que Star Wars ne rende le genre populaire. Une équipe en avance sur son temps que le destin aura rescapé de l'oubli. Une histoire qui rappelle étonnamment celle d'Arnold Drake, le premier à avoir écrit les aventures de ces personnages d'un nouveau genre. Il lui aura quand même fallu l'aide d'un artiste qui aura marqué les générations futures : Gene Colan.

1. Un bouddhiste chez DC Comics
Chapitre 1

Un bouddhiste chez DC Comics

Arnold Drake semble avoir dès le départ le profil classique du créateur de comics du Golden Age. Il nait à New York en 1924 d'immigrés juifs, son père est épicier à Manhattan et son vrai nom était Druckman. Des débuts qui ressemblent étonnamment à ceux de Will Eisner, Joe Kubert ou Jack Kirby, pour ne citer qu'eux.

Dès son plus jeune âge, le jeune Arnold va se passionner pour les comics. L'art séquentiel l'obsède et il va faire bon gré mal gré lorsqu'il va contracter à douze ans la scarlatine, version énervée puisqu'elle va le clouer au lit pendant toute une année, profitant de tout ce temps libre qui s'offre à lui, il va demander à sa mère de le fournir du matériel de dessin. Il va alors croquer strip sur strip, répétant ce qu'il voit dans les revues qu'il achète avant de développer ses propres histoires. Il va alors se rendre compte que ses dessins s'effaceront peu à peu au profit de bulles de plus en plus longues, il prendra alors conscience que l'écriture l'attire bien plus que le dessin en lui-même.

Avec cette idée en tête, il va continuer ses études avec la certitude qu'il va écrira ses propres bandes-dessinées plus tard. Après le lycée, il choisit d'intégrer la fac de journalisme de l'Université de Missouri, considérée alors comme la meilleure du pays, avant de revenir finir ses études à New York. Il va alors mettre ses envies d'art séquentiel de côté, et mettre son talent pour l'écriture au service de tâches beaucoup moins folichonnes, comme écrire des communiqués pour AT&T et IBM ou écrire un livre sur la médecine sans médicaments (déjà à l'époque, il se rapproche des milieux zen-bouddhiste). Pas vraiment la vie d'artiste qu'il avait en tête, même s'il essaye de continuer sa passion en présentant des textes à différentes maisons d'édition, mais rien qui lui permette de faire carrière dans le milieu.

C'est encore le hasard qui va s'arranger pour que le destin d'Arnold Drake prenne un cours narratif plus intéressant. En effet, l'un de ses frères est voisin avec l'un des créateurs de comics les plus connus à une époque où les artistes sont souvent des anonymes. C'est qu'il s'agit ni plus ni moins que de Bob Kane, co-créateur de Batman. Ils se rencontrèrent ainsi au cours d'une soirée en 1956 et commencèrent à parler boutique. Ils vont même commencer à travailler ensemble sur un scénario avant que Kane demande à son nouveau comparse d'aider DC Comics qui doit trouver rapidement une histoire pour compléter le numéro de Batman #98. C'est alors qu'il va écrire sept des huit pages de cette histoire, moyen pratique pour DC de payer à la page, ce qui coûte beaucoup moins cher que de le rémunérer pour une histoire entière. Les droits des artistes de cette époque, c'était pas vraiment ça...

Cette histoire qui voit le Chevalier Noir rencontrer Jules Verne va lui permettre de mettre un pied dans l'enceinte de l'éditeur de comics le plus influent de l'époque. Il va alors leur écrire des comics par dizaine, ne se limitant à aucun genre, l'aventure, l'humour (avec l'adaptation des aventures de Jerry Lewis), la science-fiction ou même le surnaturel. Mais il lui faudra attendre 1963 avant que l'éditeur Murray Boltinoff ne lui propose un projet d'envergure. Encore une fois, le hasard va bien aider Arnold Drake, et l'on se dit qu'il a finalement raison de croire au karma, puisque c'est une crise majeure qui va propulser Drake au premier plan. En effet, nous sommes le vendredi et mardi doit sortir le prochain numéro de My Greatest Adventure, sauf que tout le monde les a lâché. Arnold Drake va saisir l'opportunité au bond et imaginer en deux heures (!) le concept de Doom Patrol (l'histoire ne dit pas s'il a eu Stan Lee au téléphone pendant ces deux heures, lui qui imaginait presque au même moment un concept similaire avec les X-Men).

Cette histoire originale d'une équipe de super-héros qui n'aiment pas être des super-héros va faire forte impression à l'époque et permettre à Drake de définitivement s'installer comme scénariste avec cette série qui durera presque cinquante numéros. Surtout qu'il ne va pas s'arrêter là et il va se servir de ses études sur le bouddhisme et le zen pour imaginer un héros qui peut prendre possession des enveloppes corporelles de chacun pour influer sur leur destin : Deadman. Cette réinterprétation façon comics américains de l'expérience transcendantale permettra au scénariste de se faire définitivement un nom et de collaborer avec le dessinateur Carmine Infantino, déjà une légende à l'époque.

Cependant, Arnold Drake claqua la porte alors qu'il était en pleine ascension, après une violente dispute entre lui et l'éditeur Irwing Donenfeld, le premier étant devenu le porte-parole des créateurs qui jugeaient que DC Comics abusaient sur les parts minimes qu'ils leur reversaient sur les réimpressions et sur des salaires qui commençaient à faire tâche par rapport à la concurrence (et voilà comment Stan Lee attrapa plein d'artistes dans sa besace et comment Marvel continue de le faire aujourd'hui). L'histoire n'était cependant pas du tout finie pour lui.

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2. Les débuts d'une légende
Chapitre 2

Les débuts d'une légende

Deux ans après la naissance d'Arnold, quelques rues plus loin, toujours dans une famille d'immigrés juifs, va naître Gene Colan. Ses parents tiennent une boutique d'antiquité dans le très huppé Upper East Side, mais vivent dans le Bronx, surtout ils ont la bonne idée de lui offrir crayon et papier. Très vite, le petit Eugene (son vrai prénom) va croquer tout ce qui rentre dans son champ de vision, notamment son grand-père qui deviendra son modèle de prédilection. Il va vite devenir évident qu'il a un don pour le dessin et il va l'affuter sur les bancs de la Art Studends League of New York.

À l'été 1944, il va alors publier son tout premier comics, une courte histoire qui paraît dans Wings Comics, une des nombreuses revues sur les batailles aériennes qui fleurissent en ce temps de guerre. D'ailleurs, il veut embarquer pour le front, alors même qu'il n'a que dix-huit ans et malgré le refus de son père. Après plusieurs essais infructueux pour se faire incorporer, il va être engagé dans l'Armée de l'Air où il apprend à être artilleur (en gros, le gars qui balance les bombes hors de l'avion). Il fait ses classes, mais la fin de la guerre lui épargnera de monter au front et il va se retrouver en poste à Manille où il attendra un an avant de pouvoir rentrer au pays.

C'est à ce moment-là que les choses vont devenir intéressantes pour lui puisqu'il va profiter de son désœuvrement nouveau pour se servir de son expérience dans l'armée et en faire un comics. Il va alors apporter celui-ci dans les locaux de Timely Comics (l'ancien Marvel) avec son culot pour seul bagage et l'espoir de trouver quelqu'un d'assez intéressé par son travail. Ce qui va être le cas, et va lui permettre de rencontrer un certain Stan Lee qui est déjà à l'époque éditeur en chef dans ce qui n'est pour le moment qu'une maison d'édition parmi la centaine qui a fleuri au sein de Manhattan. Il va se retrouver engagé et héritera d'un bon nombre de petits boulots, encrage, pages supplémentaires, retouches, en gros il est le dessinateur couteau-suisse, une expérience qui va grandement le faire progresser. Cependant, Timely connait de grosses difficultés en 1948, et dernier arrivé, premier parti, Gene Colan se retrouve sans emploi une nouvelle fois.

Qu'à cela ne tienne, il va devenir freelance ! il n'aura alors de cesse de travailler pour différentes compagnies, National Comics (qui deviendra bientôt DC Comics) ou même Atlas (qui fera la transition entre Timely et Marvel). Son créneau va clairement devenir le comics de guerre, à une époque où la victoire a provoqué de lourdes envies du lectorat pour ces histoires à la gloire des soldats qui ont lutté durant la Seconde Guerre Mondiale. Ainsi, qu'importe la maison d'édition, Gene Colan va mettre en scène ces combats acharnés, sur terre, dans les airs ou sur l'eau, durant plusieurs années il va se contenter de ce genre. Mais comme pour tout, le public voyant la guerre s'éloigner va avoir envie de changement et le genre du comics de guerre va tomber en désuétude.

Cela va coïncider avec une plus grande reconnaissance du talent de Colan et DC Comics ne va pas tarder à lui proposer de vrais contrats et il va commencer par l'adaptation en comics du western télévisuel Hopalong Cassidy, qu'il dessinera de 1954 à 1957. Cette stabilité nouvelle va lui permettre de se faire un nom et soudain des projets plus intéressants vont finir par arriver sur sa table à dessin. Après être passé par les comics romantiques qui font fureur en ce début des années 60, il va recevoir une offre alléchante d'un Stan Lee qui se rappelle de lui. Il va donc aller chez le boss de Marvel qui est en train de changer le visage des comics sans que personne ne s'en rende compte à l'époque. Prétextant qu'il doive lui apporter un travail de freelance en retard, "The Man", connu pour sa roublardise, va lui proposer de devenir artiste à temps plein pour Marvel, avec son nom crédité et une augmentation substantielle de ses revenus.

Il va donc devenir le dessinateur attitré de Daredevil, va lui donner son costume rouge et lui donner plus une notoriété nouvelle. Il continuera de même avec Doctor Strange puis Captain Marvel. À chaque fois, son style dynamique et très souple va faire des merveilles et il devient rapidement, aux côtés de Jack Kirby et Steve Ditko, l'un des artistes prédominants chez Marvel. C'est alors qu'il va se lancer en 1969 dans une nouvelle aventure.

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3. Vers l'Infini et au-delà
Chapitre 3

Vers l'Infini et au-delà

Quand Arnold Drake débarque chez Marvel, il fait quelques numéros avant de se voir confier les X-Men. Pas aussi importants à l'époque que maintenant, cette série reste tout de même l'un des titres les plus ambitieux de la Maison des Idées. Il va surtout profiter de ces quelques numéros pour introduire des personnages comme Havok ou Polaris, qui vont devenir des habitués de l'univers des mutants. Il n'arrivera cependant pas à relancer l'intérêt du lectorat pour cette équipe et la série va être annulée.

Un échec cuisant dont Marvel n'a pas vraiment l'habitude en cette période où tout semble vouloir leur réussir. C'est assez amusant de voir ce qu'ils sont devenus à présent, à croire que Stan Lee était en avance sur son temps. Drake va alors devoir trouver un nouveau titre, et il va se voir confier quelques numéros de Captain Marvel. C'est à cette occasion qu'il va rencontrer Gene Colan, qui est déjà en train de devenir une star de l'industrie. Après avoir fait ces quelques épisodes ensemble, s'entendant à merveille, ils vont avoir l'envie de continuer à travailler tous les deux. Surtout, ils se sont éclatés à faire une série qui se déroule dans l'espace et souhaiteraient bien continuer là-dedans.

C'est à ce moment qu'ils vont imaginer une nouvelle série, prenant comme postulat de départ une réécriture des Douze Salopards, film culte (mais qui est alors sorti il y a tout juste deux ans) de Robert Aldrich où une bande de criminels est mise en place pour une mission suicidaire qui doit les conduire à tuer le plus d'officier nazis lors d'une réunion censée être secrète. Ils reprennent l'idée d'une équipe de bras-cassés qui vient de tous les horizons en temps de guerre mais déplacent le contexte dans l'Espace au 31ème siècle.

Si le principe de départ bouge un peu, la direction de Marvel ne souhaitant pas forcément voir des anti-héros dans une de ses publications, elle leur donne le feu vert et leur accorde le numéro de Marvel Super-Heroes #18 (une revue anthologique où de nombreux concepts étaient mis à l'essai) pour faire leurs preuves. La suite on la connait, si l'équipe a beaucoup changé depuis ses débuts en 1969, elle traversera les époques et va devenir le premier film de Marvel Studios dont l'annonce n'était pas forcément évidente. Malheureusement, aucun des deux créateurs (qui sont tous deux entrés au Will Eisner Hall of Fame entretemps) ne verra leur création atterrir sur les grands écrans, ils auront tout de même obtenu leur ticket pour l'Éternité grâce à cette idée qu'ils ont eu un soir alors que leur seule envie était de s'amuser à écrire une histoire de super-héros dans l'Espace.

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Chapitre 1

Un bouddhiste chez DC Comics

Arnold Drake semble avoir dès le départ le profil classique du créateur de comics du Golden Age. Il nait à New York en 1924 d'immigrés juifs, son père est épicier à Manhattan et son vrai nom était Druckman. Des débuts qui ressemblent étonnamment à ceux de Will Eisner, Joe Kubert ou Jack Kirby, pour ne citer qu'eux.

Dès son plus jeune âge, le jeune Arnold va se passionner pour les comics. L'art séquentiel l'obsède et il va faire bon gré mal gré lorsqu'il va contracter à douze ans la scarlatine, version énervée puisqu'elle va le clouer au lit pendant toute une année, profitant de tout ce temps libre qui s'offre à lui, il va demander à sa mère de le fournir du matériel de dessin. Il va alors croquer strip sur strip, répétant ce qu'il voit dans les revues qu'il achète avant de développer ses propres histoires. Il va alors se rendre compte que ses dessins s'effaceront peu à peu au profit de bulles de plus en plus longues, il prendra alors conscience que l'écriture l'attire bien plus que le dessin en lui-même.

Avec cette idée en tête, il va continuer ses études avec la certitude qu'il va écrira ses propres bandes-dessinées plus tard. Après le lycée, il choisit d'intégrer la fac de journalisme de l'Université de Missouri, considérée alors comme la meilleure du pays, avant de revenir finir ses études à New York. Il va alors mettre ses envies d'art séquentiel de côté, et mettre son talent pour l'écriture au service de tâches beaucoup moins folichonnes, comme écrire des communiqués pour AT&T et IBM ou écrire un livre sur la médecine sans médicaments (déjà à l'époque, il se rapproche des milieux zen-bouddhiste). Pas vraiment la vie d'artiste qu'il avait en tête, même s'il essaye de continuer sa passion en présentant des textes à différentes maisons d'édition, mais rien qui lui permette de faire carrière dans le milieu.

C'est encore le hasard qui va s'arranger pour que le destin d'Arnold Drake prenne un cours narratif plus intéressant. En effet, l'un de ses frères est voisin avec l'un des créateurs de comics les plus connus à une époque où les artistes sont souvent des anonymes. C'est qu'il s'agit ni plus ni moins que de Bob Kane, co-créateur de Batman. Ils se rencontrèrent ainsi au cours d'une soirée en 1956 et commencèrent à parler boutique. Ils vont même commencer à travailler ensemble sur un scénario avant que Kane demande à son nouveau comparse d'aider DC Comics qui doit trouver rapidement une histoire pour compléter le numéro de Batman #98. C'est alors qu'il va écrire sept des huit pages de cette histoire, moyen pratique pour DC de payer à la page, ce qui coûte beaucoup moins cher que de le rémunérer pour une histoire entière. Les droits des artistes de cette époque, c'était pas vraiment ça...

Cette histoire qui voit le Chevalier Noir rencontrer Jules Verne va lui permettre de mettre un pied dans l'enceinte de l'éditeur de comics le plus influent de l'époque. Il va alors leur écrire des comics par dizaine, ne se limitant à aucun genre, l'aventure, l'humour (avec l'adaptation des aventures de Jerry Lewis), la science-fiction ou même le surnaturel. Mais il lui faudra attendre 1963 avant que l'éditeur Murray Boltinoff ne lui propose un projet d'envergure. Encore une fois, le hasard va bien aider Arnold Drake, et l'on se dit qu'il a finalement raison de croire au karma, puisque c'est une crise majeure qui va propulser Drake au premier plan. En effet, nous sommes le vendredi et mardi doit sortir le prochain numéro de My Greatest Adventure, sauf que tout le monde les a lâché. Arnold Drake va saisir l'opportunité au bond et imaginer en deux heures (!) le concept de Doom Patrol (l'histoire ne dit pas s'il a eu Stan Lee au téléphone pendant ces deux heures, lui qui imaginait presque au même moment un concept similaire avec les X-Men).

Cette histoire originale d'une équipe de super-héros qui n'aiment pas être des super-héros va faire forte impression à l'époque et permettre à Drake de définitivement s'installer comme scénariste avec cette série qui durera presque cinquante numéros. Surtout qu'il ne va pas s'arrêter là et il va se servir de ses études sur le bouddhisme et le zen pour imaginer un héros qui peut prendre possession des enveloppes corporelles de chacun pour influer sur leur destin : Deadman. Cette réinterprétation façon comics américains de l'expérience transcendantale permettra au scénariste de se faire définitivement un nom et de collaborer avec le dessinateur Carmine Infantino, déjà une légende à l'époque.

Cependant, Arnold Drake claqua la porte alors qu'il était en pleine ascension, après une violente dispute entre lui et l'éditeur Irwing Donenfeld, le premier étant devenu le porte-parole des créateurs qui jugeaient que DC Comics abusaient sur les parts minimes qu'ils leur reversaient sur les réimpressions et sur des salaires qui commençaient à faire tâche par rapport à la concurrence (et voilà comment Stan Lee attrapa plein d'artistes dans sa besace et comment Marvel continue de le faire aujourd'hui). L'histoire n'était cependant pas du tout finie pour lui.

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Alfro
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