On a aimé• Black Panther, Spider-Man et Ant-Man sont la Phase 3
• De vrais moments de jouissance
• Je vous ai parlé de Black Panther et Spider-Man ?
On a moins aimé• Des FX vraiment limites
• Une intrigue malheureusement plus intelligente qu'il n'y paraît
• Les enjeux ? Qu'est-ce que c'est que ça ?
Notre note
Attendu comme le messie après une année 2015 traversée comme un fantôme par Marvel Studios, responsable d'un Age Of Ultron plutôt décevant et d'un Ant-Man remanié, correct mais ôté de sa substance, Captain America : Civil War débarque demain sur les écrans, précédé par son statut de “dernier film de l'ère Perlmutter”.
Première pierre d'une Phase 3 qui promet une révolution artistique pour Kevin Feige et ses équipes, qu'il s'agisse de conditions de production et/ou des (nouveaux) héros transposés à l'écran, Civil War porte cette ambition de ramener sa firme au meilleur niveau juste après le colossal Batman V Supermande Warner Bros, d'adapter un classique des années 2000 en comics, de débuter les arcs narratifs des héros ultra-populaires de demain, mais aussi de clore bientôt 10 ans de teasing sur la lutte intestine entre Steve Rogers et Tony Stark, meilleurs ennemis et double-tête de proue des incontournables Avengers ; sans oublier d'être un bon film, comme son aîné consacré au Winter Soldier. Mission impossible, vous dites ?
- CRITIQUE GARANTIE SANS SPOILERS -
Si certaines légendes ont la vie dure, celle qui veut que Marvel Studios ne soit que des tartines de fun et jamais, au grand jamais un questionnement du rôle et des responsabilités des super-héros dans nos sociétés (Iron Man 2 n'était certes pas le meilleur film de cette immense saga, mais essayons quand même de ne pas oublier ses bonnes scènes avec Sam Rockwell, sans même parler des nombreuses autres productions qui soulèvent cette question, la meilleure d'entre elles étant toujours disponible sur Netflix et propriété de Marvel), Civil War était l'occasion la plus franche pour les Frères Russo d'explorer les conséquences des actes des Vengeurs.
New-York, Washington, la Sokovie, autant de raisons qui poussent Steve Rogers à s'opposer frontalement à l'interventionnisme d'un état qu'il ne cesse de remettre en cause depuis son retour dans le présent (“This isn't Freedom, this is Fear”), et qui a le culot de prétendre pouvoir contrôler les agissements de ses plus dignes représentants. En cela, Civil War emprunte (tout juste) ce qu'il faut de géopolitique et de réflexion sur la condition inhérente des héros à son homonyme en Comics, imaginé par plusieurs têtes mais signé par la main de Mark Millar. Pour le reste, il faudra s'en tenir à une recette de la fratrie Russo que l'on peine à ne pas trouver éculée et impossible à emmener avec Infinity War, celle du thriller politique super-héroïque. Et là où Captain America : The Winter Soldier avait le mérite d'emprunter les codes (visuels, avec de beaux hommages à Gareth Evans et Michael Mann entre autres) du genre pour mieux se les approprier, quitte à assumer une intrigue finalement simpliste qui ne manquait pas de taper sur les logiques de surveillance, la défiance envers ses dirigeants et la manipulation de l'histoire, ce troisième opus de la trilogie Captain America plie sous le poids d'être en réalité le vrai second opus d'Avengers que l'on attendait l'année dernière.
Obligés d'offrir une storyline miroir à un Tony Stark qui célèbre ici son Iron Man 4 de substitution, le film a surtout la fausse bonne idée de faire de Bucky son centre de gravité, lui qui, s'il est impliqué avec la meilleure surprise du film AKA Black Panther, peine toujours autant à nous convaincre de son utilité véritable au sein de Marvel Cinematic Universe. Trois films pour une histoire qui ne décolle jamais vraiment, ça fait beaucoup, ça fait trop et impossible de ne pas regretter cette intrigue globale pas si simple mais présentée de manière simpliste, qui tente pourtant de bien faire les choses en raccrochant les wagons avec celle du rival de Steve Rogers, qui règle par-là même un conflit parental teasé de manière plutôt fine dans le second Captain America. Du côté de l'écriture, on se consolera par le fait que le film brille une nouvelle fois par ses dialogues (parfois miroirs et en écho aux classiques récents du MCU) et ses références (parfois adressées à la concurrence, avec un bel appel du pied à Alan Moore et The Killing Joke), lui qui s'ouvre d'ailleurs clairement au rythme de blagues d'un Joss Whedon face au casting mitraillette qui lui est proposé. Les Russo nous rappellent alors (en plus d'un caméo génial) qu'ils ont avant-tout brillé sur Community, l'une des séries les plus drôles de cette décennie. Préparez vos mouchoirs, pas forcément pour les bonnes raisons.
Si l'immense assemblée de héros rassemblée dans le film répond à l'appel tant personne ne déchante (il faut dire que Marvel a le chic pour réussir son casting et s'entourer d'acteurs au capital sympathie sans fin, tous présentés de façon homogène), on peut même souligner l'un des points forts du film, avec cette capacité à faire vivre autant de héros à l'écran, point qui avait clairement fait défaut à un Joss Whedon qui ne savait plus où donner de la tête et dont le montage ressemblait à un risible ensemble de téléportations jusqu'au sein même des scènes d'action.
Ici, l'immense cahier des charges inhérent au projet et sa volonté de faire le tour de l'Europe en moins de temps qu'un voyage organisé de touristes japonais peut parfois faire rire, mais il s'agit surtout de questions de montage trop serré, sans oublier que les Russo sont de véritables nerds, conscients de tout ce qui énerve leur nation de fans en matière de prises de libertés au coeur des combats. Mieux, les deux réalisateurs semblent déborder d'amour pour chacun de leurs personnages, Spider-Man en tête. Véritable star du film avec son petit quart d'heure de présence, Tom Holland nous rappelle à quel point la Phase 3 peut être précieuse, développée (entre autres) par un Jon Watts disposé à nous offrir une adaptation plus moderne encore d'Ultimate Spider-Man. À noter aussi le rôle d'Ant-Man, qui achèvera de convaincre les sceptiques du bien-fondé Ant-Man & The Wasp produit cette fois-ci dans des conditions normales, tant Paul Rudd plane sur le film aux côtés de Peter Parker et T'Challa. Trois héros labellisés Phase 3 donc, qui appuient cette idée qu'il est temps pour Marvel de passer à autre chose et/ou au moins de laisser respirer ses premiers Vengeurs jusqu'à Infinity War, qui se fera un plaisir de mélanger toutes les générations de héros Studios, allant peut-être même jusqu'à commettre l'irréparable et jouer avec le destin de ses héros, gigantesque point noir de ce Civil War.
Autre symbole de cette fin de génération : Civil War est certainement le Marvel Studios triple A (si l'on devait les catégoriser par échelle d'ambition) le plus feignant en termes d'images. Exit la direction artistique plutôt léchée et les hommages aux d'auteurs comme le faisaient si bien les Russo avec Winter Soldier et place au tout-CGI, à la production effrénée et aux modèles 3D à outrance, aux fonds verts qui font rire jaune et aux plans larges parfois à la limite du cinégénique. C'est d'autant plus dommage que, parfaitement fini, Civil War ne laisserait pas cette désagréable impression de savoir que le studio peut faire beaucoup mieux. Et c'est là où je vous renvoie au fait qu'il s'agit ici au dernier film régit par Ike Perlmutter, producteur très secret et réputé comme le plus conservateur et pingre, qui laisse désormais toute latitude à Bob Iger (CEO de Disney) et Kevin Feige pour la suite, que l'on nous promet bien mieux dotée en moyens financiers, en qualité de production - et donc en finitions, en casting 5 étoiles et j'en passe. À y regarder le trailer de Doctor Strange de plus près, on se dit qu'on a franchement envie d'y croire, et qu'on sera les premiers à taper sur ces magnifiques promesses si celles-ci ne sont pas tenues.
Hyper réjouissant pour les fans de Comics que nous sommes tant le film nous offre du cool à la pelle, qu'il s'agisse d'action, de dialogues percutants et de nouveaux personnages qui viennent donner un grand coup dans la fourmilière de la diversité, Civil War est aussi décevant par son incapacité à donner sa pleine mesure malgré une propension à très bien gérer son énorme cahier des charges. Plus proche d'un Avengers 2 que l'on fantasmait que d'un véritable troisième opus de Captain America, le second film des frères Russo pour Marvel Studios pèche pourtant par sa volonté de se faire passer pour un nouveau thriller politique centré sur le Winter Soldier, l'un des rares personnages Marvel Studios pour qui l'empathie peine à se développer de film et en film.
On retiendra quand même Black Panther, Spider-Man et Ant-Man comme le trio de tête de cet énorme spectacle à voir impérativement au cinéma, tout en rêvant à une Phase 3 débarrassée de ces problèmes de production et définitivement ancrée dans la volonté de développer ces héros bien-aimés.
_____
L'avis de Republ33k :
Tournant la page de ce qu'on appellera bientôt l'ancien Marvel Studios, dirigé par un Ike Perlmunter pas toujours conciliant, Captain America : Civil War ouvre la troisième phase des productions Kevin Feige, une nouvelle fois avec un Iron Man à l'affiche. Et si le titre laissait entendre une intrigue plus sérieuse et politique, elle n'est qu'un support pour les Russo et les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely pour conclure la trilogie consacrée aux aventures de Steve Rogers et Bucky Burnes.
En cela, le film déçoit, en étant conçu comme un gigantesque entonnoir, qui s'ouvre sur un univers plus vaste et riche que jamais, et se conclue sur une intrigue des plus personnelles et hélas, communes. Pour sauver leur film de sa promesse qui ne sera finalement qu'à moitié tenue, les Russo peuvent toutefois compter sur l'inventivité de leur réalisation, le charisme de leurs acteurs et surtout un trio de personnages hors du commun : un Spider-Man débordant de cool, un Black Panther princier dans tous les sens du terme, et, surprise, un Ant-Man qui fonctionne mieux que jamais dans son rôle de comic-relief.
Puisqu'on parle de l'humour, notons qu'il est, à mon sens, le véritable liant du film, lui qui maintient un niveau de réjouissances constant, là où l'intrigue politique et le combat d'idées sont (trop) rapidement abandonnés. Profitant de l'aura de son aîné, le très bon Winter Soldier, et de toute la richesse du MCU - qui s'impose enfin comme un bac à sable ultime - Captain America : Civil War parvient ainsi à retomber sur ses pattes. On en oublierait presque la légèreté de l'intrigue - qui aura au moins le mérite d'être limpide - mais pas les erreurs inadmissibles pour une production de ce calibre, dont des effets spéciaux régulièrement ratés. Un opus qui déçoit par son classicisme "à la Marvel Studios" mais étonne par ses ajouts, qui promettent un renouvellement des plus appréciables.