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Iron Man 3 : le premier film d'auteur de Marvel Studios

Iron Man 3 : le premier film d'auteur de Marvel Studios

chronique

Précédemment dans notre Countdown To Infinity War :

• Iron Man : point de départ ou point de non retour ?
• The Incredible Hulk : un mal pour un bien ? 
• Iron Man 2 : première défaite du modèle ?
• Thor : le marteau et l'enclume ?
• Captain America - First Avenger : méta pour les bonnes raisons
Avengers : Vers l'Infini et au-delà


Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous avez forcément vu l'un de ses films. D'abord scénariste puis réalisateur, Shane Black est un bonhomme qui mériterait d'être aussi connu que les grands du septième art, mais qui reste encore et toujours dans l'ombre, malgré la réalisation du troisième Iron Man, qui est aussi le premier film de la phase 2 du Marvel Cinematic Universe mais surtout, le premier film d'auteur de Marvel Studios.
 
Nous sommes en 2013 et l'entreprise de Kevin Feige vient de passer un cap. Avengers est un carton planétaire et impose définitivement la formule Marvel Studios dans les salles obscures. Comment reprendre après un tel accomplissement ? Engager l'un des scénaristes les plus influents de l'histoire d'Hollywood, et lui donner les clés. Un pari plus risqué qu'il n'y paraît, puisque la "marque" Iron Man a été forgée par le style de Jon Favreau, et que Shane Black n'a alors qu'un seul film à son actif en tant que réalisateur. 
 
Mais Robert Downey Jr en doit une à Shane Black, qui l'avait ramené sur le devant de la scène en 2005, trois ans avant le tout premier Iron Man donc, avec  Kiss Kiss Bang Bang. L'histoire d'un type raté qui devient acteur du jour au lendemain, et doit apprendre à se faire une place dans le milieu hollywoodien sans se brûler les ailes. C'est ce même milieu qui par le passé, a fait dérailler Downey Jr, mais aussi Shane Black, deux types qui ne plaisantent pas lorsqu'il s'agit de faire la fête, si vous voyez ce que je veux dire. 
 

 
Sorti de sa traversée du désert, l'acteur ramène donc son ami de réalisateur sur le projet, et Kevin Feige tombe sous le charme, estimant que seul un créateur à la patte très marquée pourra donner de l'intérêt sur une aventure solo d'Iron Man l'année suivant Avengers. Le risque est donc présent, mais maîtrisé. Après tout, aussi identifiable soit-il, le style de Shane Black se marie très bien à la formule instaurée par Joss Whedon, son comique de situation et ses dialogues savoureux. Avec son incroyable expérience acquise au fil des décennies 1980 et 1990, durant lesquelles Shane Black a tout simplement (ré)inventé le film d'action, l'auteur et réalisateur va simplement prolonger l'ambiance d'Avengers avec son propre savoir-faire.
 
Ce savoir-faire, c'est celui du slapstick, un gag physique volontairement exagéré, et des one-liners, ces punchlines qui donnent toute sa saveur à tout le cinéma d'action des eighties et nineties. Un prolongement naturel des vannes et des blagues que s'autorisait Joss Whedon dans Avengers, mais une extension qui ne diluera jamais le style de Black : connu pour ses nombreux gimmicks, le scénariste ne fera pas de compromis dans ce troisième Iron Man, parfaite synthèse de sa longue filmographie à l'écrit.
 
La plupart des "Shane Blackisms" sont ainsi au rendez-vous. L'intrigue se passe durant les fêtes de fin d'année, et notamment autour du jour de Noël, date que le scénariste utilise comme le symbole d'une renaissance dans la plupart de ses films. L'histoire va être troublée par l'arrivée d'un gamin. Les vilains ont des hommes de mains à la dégaine pas possible. Et le kidnapping est utilisé à plusieurs reprises comme un carburant pour l'intrigue. Le style de l'auteur-réalisateur est donc entier, même si pour la petite anecdote, ce film n'est que co-écrit par Black, ici accompagné par Drew Pearce, scénariste qui a depuis brillé sur Mission Impossible : Rogue Nation et donnera au réalisateur l'idée d'un faux Mandarin.
 

 
A l'origine, Shane Black ne voulait pas utiliser ce personnage, qu'il considère, à juste titre, comme une caricature raciste. Mais l'idée de Pearce fera son bonhomme de chemin dans l'esprit du réalisateur, qui choisira de mettre en scène le génial Ben Kingsley dans le rôle de ce Mandarin fabriqué pour jouer sur les peurs des occidentaux. Un twist qui a plombé l'aile du film à sa sortie en salles, mais qui, à bien des égards, s'avère encore plus brillant aujourd'hui qu'en 2013. Déjà, parce qu'il est fidèle aux obsessions de Shane Black : très inspirée par les pulps, l'un des ancêtres du comic books d'ailleurs, l'écriture du bonhomme lève souvent le voile sur des machinations ou des conspirations improbables.
 
Elles aident les méchants à augmenter les audiences du football à la télévision (Le Dernier Samaritain), à gagner du budget pour leur agence gouvernementale (Au Revoir à Jamais) ou à obtenir le droit de polluer toujours plus (The Nice Guys), par exemple. Elles sont toujours une histoire dans l'histoire, qui en dit beaucoup sur notre monde en général, et la société américaine en particulier. Et Iron Man 3 ne fait pas exception : son faux terroriste imaginé par des think tanks aborde des sujets brûlants comme la manipulation des images, les secrets gouvernementaux ou encore la surveillance de masse. Plus dingue encore : Pearce et Black s'interrogent sur les clichés raciaux et l'appropriation culturelle en faisant volontairement de ce Mandarin un amalgame des cultures asiatiques et de celles venues du Moyen-Orient. Le vilain d'Iron Man 3 s'en prend ainsi aux fortune cookies ou au Chinese Theater, haut lieu de la culture Hollywoodienne, qui va être le lieu d'un attentat.
 
En ce sens, Shane Black flingue le cinéma hollywoodien et ses clichés, et inaugure la tradition des vilains aux revendications très actuelles, qui revient visiblement très fort chez Marvel Studios, en témoignent Adrian Toomes et Erik Killmonger, plus récemment. Hélas, même avec une énergie et une ambition folles, Pearce et Black ne peuvent espérer changer la face d'Hollywood en un seul film. Le premier scénario d'Iron Man 3 faisait ainsi de Maya Hansen le grand cerveau malade de l'histoire.
 
 
Mais l'idée d'un vilain féminin fut balayée d'un geste de la main par les décisionnaires de Marvel, qui obligèrent Shane Black et Kevin Feige à faire du méchant un homme afin de vendre plus de jouets. Une énorme frustration pour le réalisateur, son co-scénariste, mais aussi l'actrice Jessica Chastain, qui abandonna le rôle suite à cette modification de dernière minute - pour l'anecdote, Rebecca Hall, sa remplaçante, révélera plus tard que le poids de Maya sur l'intrigue fut une nouvelle fois réduit avant le tournage.
 
De cette envie de personnages féminins plus variés ne subsiste qu'une Pepper Pots plus impliquée dans l'action, et qui porte même l'armure le temps d'une scène. Une bien maigre consolation pour le public, Feige, qui s'était dit lassé des demoiselles en détresse, et Black, qui s'était déjà amusé à inverser les stéréotypes dans Au Revoir à Jamais, où Samuel L.Jackson, alias Nick Fury, était la demoiselle à sauver. Comme quoi Marvel Studios a fait du chemin depuis, notamment en se séparant d'Ike Perlmuter, le propriétaire de Marvel, pour se rapprocher d'Alan Horn et de Walt Disney Studios.
 
Comme les fortune cookies, l'absence d'un vrai rôle féminin laisse donc un goût amer en bouche. Mais on aurait tort d'enterrer Iron Man 3 pour autant. Même réduit au minimum, son avant-gardisme fait de lui l'un des films les plus fascinants du Marvel Cinematic Universe. Il prouve aussi que la vraie force du modèle imaginée par Marvel Studios se situe dans l'hybridation. 
 

 
Un an après Avengers, Shane Black réussit à conjuger son style - qu'on reconnait dans toute sa géniale entièreté - à la recette établie par Marvel au fil des années. Un an après Avengers, Shane Black abandonne aussi les compagnons d'armes d'Iron Man pour revenir à Tony Stark, qu'il transforme en un détective angoissé mais terriblement attachant. Un an après Avengers, il se permet également de réaliser la première scène post-générique n'ayant aucun lien avec l'avenir du Marvel Cinematic Universe. Un an après Avengers, Black réalise aussi l'un des plus gros cartons du MCU à ce jour, et la seule aventure en solo de cet univers à avoir atteint le milliard, parce que Civil War, ça ne compte pas. A bien des égards, Iron Man 3 est donc un véritable tour de force, trop personnel pour être qualifié d'un autre titre que celui de film d'auteur.

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