Bien que notre review vous certifiait qu'il était possible de lire Multiversity sans n'avoir rien lu de DC Comics, l'oeuvre phare de Grant Morrison, tout juste publiée chez Urban Comics, brasse allègrement dans 80 années d'existence de l'éditeur à deux lettres. Qu'il s'agisse de son intrigue principale ou des chapitres en one-shots, chaque numéro déborde de références aux comics publiés par DC, et propose quelques concepts et idées dont il serait dommage de passer à côté.
C'est pourquoi nous vous proposons (votre humble rédacteur et l'excellent Corentin, qui oeuvre sur les chapitres 3 à 6) ce gros dossier pour faire le tour de Multiversity. De la même façon que l'oeuvre dont nous parlons, la construction sera un peu particulière. Le premier volet est là pour aborder les deux chapitres principaux de l'histoire, alors que les six autres reviennent sur chacun des one-shots se déroulant sur une Terre particulière, en s'attachant à ses concepts, ses personnages et les références qui y sont disséminées. Du moins, celles que nous avons pu voir, puisque ledit dossier ne vise pas à être exhaustif, certaines choses nous ayant probablement échappé.
Nous vous souhaitons donc une excellente lecture, en espérant que le travail vous aidera à y voir plus clair si vous étiez perdu dans Multiversity, ou à vous donner envie de découvrir l'oeuvre (et le Multivers DC de façon plus générale) si vous aviez peur de vous lancer. Comme nous vous le disions récemment en podcast : même si la continuité peut rebuter, c'est en lisant des comics qu'on se familiarise avec des univers. Plus qu'un guide, ce dossier est donc une invitation supplémentaire à la lecture et à la découverte !
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Bien que la maxi-série The Multiversity ait été publiée à l'époque des New 52, les plans de Grant Morrison pour cette histoire remontent bien en amont, puisque le récit devait être à la base publié au courant de l'année 2010. Avec quatre ans de retard, et les ajustements éditoriaux majeurs de DC à l'époque, le premier chapitre s'ouvre malgré tout avec un personnage bien connu des fans du scénariste, puisqu'il s'agit de Nix Uotan, rebaptisé ici le Superjuge, qui avait été aperçu pour la dernière fois dans l'ultime numéro de Final Crisis.
Grant Morrison reprend en effet le personnage là où il avait été laissé. Le Monitor qui avait été en charge de la planète Terre-51 (la Terre de Jack Kirby, où le Grand Cataclysme mènera au monde de Kamandi) avait en effet été considéré comme incapable d'avoir la charge d'une des Terres du Multivers, et s'était retrouvé exilé sur la Terre-0 (la Terre principale des héros DC, qui ne portait pas encore ce nom à l'époque de Final Crisis). Les évènements de cette Crise terminés, Nix Uotan décidait de retourner vivre comme un simple mortel sur cette planète - et c'est dans cette situation qu'on le retrouve. Les choses ont malgré tout changé puisque Morrison le représente désormais comme l'unique Monitor encore en place. Mais la scène d'ouverture de Multiversity est un renvoi direct aux dernières planches de Final Crisis, ou l'on retrouve la disposition des meubles (bureau, lit) dans l'appartement de Nix.
On remarque que Nix aura accumulé chez lui une certaine quantité de comics. L'une des idées principales du Multivers, et établie dans les écrits de Morisson, est que les aventures se passant dans une réalité se retrouvent sous forme de comics dans une autre. Ici, Nix pourrait en quelque sorte surveiller ce qu'il se passe dans le reste du Multivers en allant se procurer tous ces comics (mettons qu'il s'agit plus d'une supposition qu'une affirmation). Entre autres, on retrouve à ces côtés un singe en peluche, M. Stubbs, qui s'anime par la suite. Il pourrait s'agir de la forme simiesque (au vu de la pilosité des mains) que Nix rencontrait dans sa cellule dans les pages de Final Crisis, de la même façon que le rubiks cube posé sur le bureau se rapporte celui utilisé par Metron dans la même scène. Vous l'aurez compris : tout est lié.
De nombreuses références aux précédents écrits de Grant Morrison peuvent être retrouvés au cours du premier chapitre. On retrouve ainsi l'Ultima Thule, le vaisseau utilisé par le Monitor pour passer d'un monde à un autre, en traversant la plaie, la membrane qui sépare chaque version d'une réalité. Pour rappel, comme chaque univers vibre à une fréquence donnée, c'est en se positionnant sur cette fréquence - et en jouant de la musique au sein de l'Ultima Thule qu'il est possible de passer entre les Terre du Multivers.
Enfin, on retrouvera par la suite le Palais des Héros, qui est le satellite qu'utilisait le Monitor dans le récit Crisis on Infinite Earths, et resté en l'état bien qu'on puisse voir les dégâts qu'il a subi depuis. C'est là qu'on retrouve également sous forme "numérique" Harbinger, celle qui aidait le Monitor dans CoIE pour rechercher les différents héros du Multivers dans la lutte contre l'Anti-Monitor.
En plus d'une multitude de personnages issus de tous les univers de DC Comics, c'est un ensemble d'entités qui répond au nom de La Noblesse (The Gentry en langue originale) qui forme la véritable némésis de cette histoire. Cet ensemble prend des formes nombreuses et des noms imaginatifs. Tel qu'on nous l'expliquera par la suite dans The Multiversity #2, les entités de la Noblesse et leur maître la Main Vide (Empty Hand) viennent de Terre-33 (voir le chapitre Ultra Comics), soit notre monde réel. A partir de là, on peut y voir dans La Noblesse les manifestations de comportements propres aux lecteurs et éditeurs, et qui viennent nuire directement aux comics.
Ainsi, parmi les théories circulantes, on associe Dame Impitoyable sera la tendance au grim & gritty pour coller à des super-héros plus "réalistes" ; Demogorgunn (représenté par une masse de corps) sera la popularité grandissante des super-héros (mais pas par les comics, d'où ce "mauvais côté" qu'il représente) ; le Seigneur Détraqué sera la façon dont les histoires se reposent sur une même structure ; Machinenfer représente le côté complétiste des lecteurs parfois absurde ; alors qu'Intellectron est une représentation de la sur-analyse des comics. Tous ensemble oeuvrent pour l'avènement de la "machine à oubli" - qui est a priori le cinéma. Ainsi, le message de la Main Vide dans les dernière planches de Multiversity, qui explique qu'il était juste de passage pour évaluer les forces des super-héros, permet de voir la chose ainsi.
C'est dans le but de faire des adaptations de super-héros que l'ensemble des comportements néfastes pour les comics apparaissent. Et comme c'est par les comics que les héros arrivent à triompher, et par la musique du Multivers, une métaphore de l'imagination, on comprend donc que Multiversity est un appel aux créateurs pour se servir de toutes les histoires produites pour continuer à faire vivre le médium. Comme l'a fait Morrison avec cet ouvrage. N'est-ce donc pas limpide à présent ?
Terre-7
La Terre-7 est la première planète visitée par Nix Uotan et son compère simiesque. Comme le précise le guide de Multiversity, il s'agit d'une re-création de la Terre-8 (qui sera abordée juste après). Ainsi, puisque cette dernière représente l'univers de Marvel Comics, la Terre-7 est l'équivalent de l'univers Ultimate de cet univers. Le fait qu'elle soit la première détruire au cours de Multiversity n'est pas anodin. C'est un fait rappelé pour évoquer le destin tragique d'une majorité de ses héros au courant de l'event Ultimatum au cours duquel de nombreux héros de cette ligne éditoriale furent tués (et Morrison anticipait peut-être déjà la disparition de l'univers au cours de Secret Wars lorsqu'il écrivait ce numéro).
Le seul héros encore présent sur cette Terre reste le Thunderer, une version afro-américaine de Thor, mais l'on peut aussi voir que certains des héros reviennent sous forme de zombie - une allusion évident à Marvel Zombies, puisque cet univers était né des pages d'un crossover se déroulant dans les pages d'une série Ultimate. Sur le croquis, on reconnaît en le Croisé un Captain America, en Golem La Chose, "Doc" Futur étant Reed Richards, Walküre Walkyrie, Microbot Ant-Man, et la petite bizarrerie qu'est Devilfist puisqu'il s'agit clairement d'un clin d'oeil à Hellboy - quoique le gant rappelle également celui de Thanos.
Terre-8
Comme on vous le disait précédemment, Terre-8 est la version réimaginée de l'univers Marvel au sein même du Multivers de DC Comics. C'est également la seconde Terre a être prise d'assaut par les forces de la Noblesse, et là que Nix Uotan sera corrompu. On pourra imaginer que Grant Morrison n'aura pas choisi innocemment de faire disparaître ou mettre en danger profond les deux Terre se rapportant aux publications de la Maison des Idées.
On retrouve sur cette dimension une version des Avengers, baptisée ici Représailleurs, dont les différents membres sont là aussi rapidement reconnaissables par rapport à l'univers Marvel. On constate en outre que Grant Morrison utilise toute la diversité possible pour réimaginer les personnages, n'étant pas emprisonné dans le contexte sociétal de création de ces personnages de l'époque. Ainsi, Thor est à nouveau afro-américain et répond au nom de Wundajin ; Ladybug est une Spider-Man au féminin ; Deadeye est un Hawkeye à la peau bleue ; Kite est une version féminine de Falcon ; Le Croisé Américain est à l'évidence la représentation (à l'ancienne) de Captain America ; Dragon Rouge est l'équivalent de Black Widow et Machinehead est Iron Man.
On retrouve à côté d'autres personnages tels que Béhémoth, un bébé Hulk tout bleu ; Major Max qui est l'équivalente de Captain Marvel ; Hyperius qui est un pastiche d'Hypérion, lui-même un clone de Superman du côté de Marvel. A noter d'ailleurs que ce dernier était déjà présent dans les pages de Final Crisis, lors de l'attaque finale contre Mandrakk. D'autres personnages apparaissent de façon plus succincte (et souvent à l'état de cadavre), comme ces personnages ci-dessus que l'on pourra assimiler à La Chose, la Torche Humaine, Scarlet Witch ou Cyclops. Du côté des vilains, Lord Havok est la version Terre-8 de Doctor Doom.
Terre-23
Les lecteurs de Final Crisis #7 et du numéro Action Comics #9 (période New 52) connaissent déjà la Terre-23, qui est celle qui a pour Superman Calvin Ellis, accessoirement président des Etats-Unis, et qui est inspiré de Barack Obama. Il s'agit d'une Terre sur laquelle la plupart des super-héros et héroïnes sont noirs, et où les personnages blancs sont donc une minorité.
Ainsi, Wonder Woman est Nubia, en référence au royaume africain indépendant qui a existé au cours de l'Antiquité, et dont cette indépendance a certainement motivé Grant Morrison à en faire la Themsyscira de cette Terre. Les super-héros noirs font tous partie de la Justice League, soit Green Lantern (dont le nom est ici inconnu), Vixen, Steel, Zatanna (également noire ici), Black Lightning ou Cyborg. A noter que si cette Terre apparaissait déjà dans Final Crisis, sa numérotation ne lui a été donné qu'au courant des New 52 avec la résurgence de Calvin Ellis dans les pages d'Action Comics.
Au fil des pages de The Multiversity #2, de nombreuses autres Terre sont visitées de façon très brève, afin de mettre l'emphase sur le recrutement de l'ensemble des héros du Multivers de DC Comics. Les indications des Terre en question permettent de s'y retrouver aisément avec les pages du Guide présent dans le recueil - et ne nécessitent pas forcément qu'on les développe plus ici, au vu de leur maigre importance en tant que tel dans la compréhension du récit.
Notons malgré tout que Terre-13 est une version "dark" de l'univers DC, ou ce sont des personnages sombres et qui pour beaucoup avaient intégré les publications Vertigo, avant que les New 52 ne les réintègre à la continuité principale. Etrigan devient l'équivalent de Superman en se faisant appeler Super-Démon. Pour l'anecdote, Grant Morrison avait évoqué par le passé une version super-héroïque de John Constantine dans les pages de son Doom Patrol #53 - et cette Terre vient donc très certainement de ces précédents écrits.
La Ligue de Sang venant de Terre-43 est inspirée de l'Elseworld "Batman Vampire" de Doug Moench et Kelley Jones, une trilogie composée des récits Red Rain, Bloodstorm et Crimson Mist. Autrefois considérée comme hors-continuité par sa nature d'Elseworld, la trilogie a été rééditée récemment en VO dans une collection baptisée Tales of the Multiverse, signe que l'éditeur a compris l'intégration proposée par Grant Morrison.
Le concept de Terre-17 est assez simple, puisqu'il s'agit d'une réalité dans laquelle la Guerre Froide s'est résolue par l'appui sur le bouton des commandes nucléaires, entraînant l'humanité sur une planète ravagée par les bombes. Ici, l'incarnation de la Justice League sont les Atomic Knights of Justice, dont la première apparition fut dans le dernier numéro de la maxi-série #52. Son concept est dérivé des publications de Strange Adventures #117 qui présentait déjà une Terre dévastée par le nucléaire. A l'époque de publication (1960), on imagine que c'est une IIIe guerre mondiale qui a lieu en 1986 - d'où le nom de code de Terre-86 qui est à l'époque utilisé.
La Terre-51 est l'une des terre reprenant une vision d'auteur de l'univers DC (comme la Terre "Red Son" 30, la Terre "Just Imagine" 6 ou la Terre "Kingdom Come" 22). Il s'agit ici de la version modernisée de la Terre A.D. (After Disaster) imaginée par Jack Kirby lorsque ce dernier proposait aux lecteurs du monde entier Kamandi #1. Sur cette Terre, le grand Cataclysme a eu lieu et le monde est désormais dominé par des animaux antropomorphiques. A noter qu'il est noté que les New Gods sont aussi sur cette planète, mais il s'agit d'une manifestation de ces personnages, qui vivent autrement à New Genesis qui, comme Apokolips, fait partie de lieux qui ne sont présents qu'une seule fois dans le Multivers.
Le cas Terre-36 est demandera plus de connaissances pour être reconnu au premier coup d'oeil. Il s'agit en effet d'une référence à Big Bang Comics, une série publiée chez l'éditeur indépendant Caliber Comics, puis dans un second temps par Image Comics, et qui rendait hommage aux super-héros du Golden et Silver Age. La série a été créée par Gary Carlson et Chris Ecker et ses personnages étaient déjà des inspirations de ce que DC Comics avait sous la main. On accordera une attention particulière au Pister Rouge, le Flash de cette Terre, qui permet au cours du climax de recruter tous les Bolides du Multivers pour affronter le Nix Uotan corrompu. Et qui, au contraire de nombreux Flash au cours des différentes Crisis, ne sera pas sacrifié, mais intégrera l'Opération Justice Incarnée, force de protection du Multivers.
Du côté de Terre-26, il faut aussi se référer à l'histoire des comics pour comprendre son origine. Au cours du Golden Age, et parce que les publications s'adressent alors majoritairement aux enfants, c'est dans les pages de New Comics #9 (1936) que sont imaginées des histoires avec des animaux antropomorphiques (les "funny animals"). Il faudra en revanche attendre les années '80 et les publications successives des titres New Teen Titans et Captain Carrot & his amazing Zoo-Crew pour qu'un nom concret soit donné à cette réalité : Earth-C (pour cartoon). La terre sera en premier lieu considéré comme une réalité alternative plutôt qu'une terre parallèle, pour expliquer le fait qu'elle puisse survivre à Crisis on Infinite Earths. L'appellation de Terre-26 sera par la suite utilisée dans Captain Carrot and the Final Ark, mini-série en trois numéros publiée en tie-in à Countdown. La terre-26 est donc l'équivalent de ces deux terres dans son Multivers, et il existe une théorie qui explique que chacune des Terre est en fait la même planète, mais qui a été déformée au fil des années par la physique bizarre (des dessins animés) qui y règne.
On terminera cette entrevue avec la Terre-48, qui reprend elle aussi l'idée de plusieurs Terre apparues avant elle. Le concept est à peu près le même, puisqu'il s'agit d'une réalité ou tout le monde a des super-pouvoirs, chaque personne, chaque être vivant (jusqu'au moindre animal). Grant Morrison la décrit comme le concept du super-héros poussé à son paroxysme, jusqu'à en être ridicule. On retrouve des premières traces de cette idée dans Crisis on Infinite Earths #4, ou la planète est alors appelée Terre-6. Par la suite, l'idée de Terre-48 réapparaît dans Countdown to Aventure #1, sorti en 2007 peu de temps après la recréation du Multivers post-Infinite Crisis. On peut y voir également dans cette réalité une référence au récit Top10 d'Alan Moore, publié sous l'imprint America's Best Comics.
Chapitre suivant >Conquérants de l'anti-monde, plongée dans l'âge d'orChaque Terre présentée dans Multiversity permet à Grant Morrison de s'amuser, soit dans le choix des personnages qui représentent ses héros, des époques d'où ils viennent, des éditeurs les ayant publiés, ou en faisant des variations multiples. Avec ce chapitre consacré à la Société des super-héros, c'est un voyage d'époque qui est proposé.
Deux Terres différentes sont au coeur de ce chapitre, Terre-20 et Terre-40, qui se répondent mutuellement, l'un comme étant la version négative de l'autre. L'idée étant qu'il s'agit de deux versions du multivers qui arrivent à s'interconnecter tous les 100 000 ans : d'un côté, une Justice Society formée par les héros de Terre-20, et de l'autre, Terre-40 où aucun super-héros n'est parvenu à défaire le maléfique Vandal Savage, qui voit d'un assez bon oeil la possibilité de conquérir une nouvelle planète avec encore plus de gens à massacrer.
Toutes deux partagent une même idée, celle que la société est restée à l'époque de publications des pulp heroes - et plus généralement des romans et comics pulp qui fleurissaient à l'époque - et dont le nom vient de la basse qualité du papier sur lesquels ces ouvrages étaient imprimés. Des personnages d'aventuriers, d'explorateurs de jungles, de scientifiques à la Jules Verne ou de jeunes bagarreurs de rues - Morrison réécrit en partie l'histoire des comics pour éloigner de l'équation les figures tutélaires telles que Batman, Superman et Wonder Woman, pour ne garder que ceux qui correspondent le mieux aux premiers héros pulps qui les ont justement inspiré.
Symboles d'une époque précédant le Golden Age (pensez années '30) où les héros étaient bourrus et n'hésitaient pas à tuer, on retrouve également sur cette Terre les technologies d'époque et les codes sociétaux d'alors. Les backgrounds des personnages s'inspirent des récits imaginant les premiers progrès scientifiques, où le mystique n'est pas loin et où tout est possible. Une ère de héros bannières et clinquants inspirés par une iconographie qu'ont repris certaines séries, comme le Rocketeer ou les fameuses Bombshells. La Terre-20 était déjà apparue dans le segment Superman Beyond de Final Crisis, dans lequel Grant Morrison semait déjà les germes de son Multiversity.
Conquérants de l'Anti-Monde ouvre le bal des numéros one shots de la série, et va très vite établir un principe tout bête : liés les uns aux autres par ce moment où les héros découvrent l'existence du multivers en lisant des comics imprimés dans leur réalité, les épisodes de The Multiversity développent tous un rapport de la fiction à la fiction. En gros, que se passerait-il si tous les super-héros prenaient eux aussi conscience de leur condition de héros au sein d'un multivers ? Certains s'ôtent la vie, d'autres deviennent fous. Vandal Savage, lui, choisit de conquérir.
Dans le chapitre Conquérans de l'anti-monde, le scénariste présente deux équipes opposées. La Société des super-héros est un renvoi clair à la première version de la Justice Society of America, chacun des membres présentant parfois des mélanges entre deux concepts déjà existants. Cette première mouture de la Justice League remonte au premier temps de l'éditeur, inventée par le brillant architecte du multivers, Gardner Fox, dans All-Star Comics #3 en 1940.
Ainsi, Doc Fate est un amalgame entre Doctor Fate, personnage de Terre-2 - soit la Terre des premières séries de National Comics - qui remonte lui aussi à 1940, et le héros pulp Doc Savage dont DC Comics avait les droits jusqu'à 2012. Le Green Lantern reprend l'identité d'Abin Sur, l'extra-terrestre qui donnera son anneau à Hal Jordan, le Green Lantern du Silver Age, mais porte un costume qui rappelle celui d'Alan Scott, le Green Lantern du Golden Age. Il s'agit bien entendu d'un amalgame volontaire : Abin Sur a été inventé bien plus tard, Morrison ne s'en sert ici que pour l'idée "rétro" de l'alien violet conforme à la vision de l'époque des extra-terrestres.
Le cas d'Al Pratt (le puissant Atom) est un peu plus particulier. Il s'agit de rependre la version Golden Age d'Atom (membre fondateur de la JSA) mais le symbole sur son masque rappelle celui porté sur le front par Doctor Manhattan de Watchmen - ou pour rester dans l'oeuvre de Morisson, celui de Captain Atom, que l'on retrouve dans Pax Americana quelques numéros plus loin. Plusieurs personnages auront porté le nom Atom ou Captain Atom au fil de l'histoire, et l'idée est donc ici de jouer sur plusieurs pistes possibles. Al Pratt mentionne avoir été entraîné par Iron Munro, qui est un héros pulp ayant intégré la continuité DC après Crisis on Infinite Earths pour prendre la place du Superman de Terre-2 dans les histoires se déroulant au cours de la seconde guerre mondiale.
Immortal Man est un personnage qui ne date pas du Golden Age, mais a été créé en 1965 dans Strange Adventures #177. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un homme qui ne peut pas mourir - éternel rival de Vandal Savage, lui aussi insensible aux ravages du temps. Il est réinventé avec tous les codes du héros pulp, aventureux, à la fois visuellement que dans sa façon d'agir (il mentionne par exemple qu'il tue), mais aussi séducteur, à mi-chemin entre Bogart ou Douglas Fairbanks.
Enfin, Lady Blackhawk tient son nom du groupe d'aviateurs du même nom, un groupe de pilotes de chasse opérant au cours de la Seconde Guerre Mondiale et apparu dans les pages de Quality Comics en 1941. Avant que DC ne les rachète en 1957, et on verra plus tard que Morrison s'amuse aussi à intégrer dans le canon tout un tas d'acquisitions d'éditeurs au fil de l'histoire. Ici le groupe est composée de femmes aviatrices et Lady Blackhawk est leur meneuse. A noter qu'elle était également apparue dans le segment Superman Beyond de Final Crisis.
En opposition directe, on retrouve la Société des Super-vilains, dont le leader est l'immortel Vandal Savage, un très vieux personnage apparu en 1943. Il est ici l'opposant direct de l'Immortal Man, alors que Docteur Faust est la contrepartie de Doc Fate. Là aussi, les personnages sont réimaginés en répondant aux codes des héros pulp. Il en va de même pour Blockbuster (créé en 1965), le Comte Sinestro qui reprend le nom de l'ennemi de Hal Jordan (fallait-il le préciser) et de Lady Shiva (créée, elle, en 1975). Ces personnages auront tous droit à la chance de trépasser dans ce numéro.
Il est révélé au cours du numéro que Doc Fate est noir, ce qui n'a rien d'innocent vu le contexte de Terre-20. Grant Morrison évoquait en effet en interview que si le personnage devait cacher son visage, ce n'est pas tant pour protéger son identité qu'un autre élément pourrait lui causer des soucis au vu de certaines tensions propres à sa société. Une société des années 20-30 et qui est donc la société américaine au racisme institutionnalisé.
En se concentrant sur l'affrontement entre les deux groupes de super-héros et vilain, ce numéro n'est pas celui auquel le plus grand nombre de références visuelles se fait. On retrouve néanmoins dans le texte plusieurs allusions à des personnages pulp mais aussi à d'autres appartenant à DC Comics. Ainsi, le nom d'Ibn Al Ghul renvoie au célèbre Ra's Al Ghul alors qu'un mystérieux Herr Hex est mentionné - il doit certainement s'agir de la version Terre-20 de Jonah Hex.
A la fin du numéro, alors que le sang d'un immortel est finalement versé, sort de la terre une immense idole de pierre qui reprend le costume de Nix Uotan et également son nom avec une orthographe aux consonnances amérindiennes, Niczhuotan. Comme à la fin du premier numéro de Multiversity, il s'agit de la version corrompue du Superjuge, qui se propage au travers des terres du Multivers - et notamment parce que la contamination s'est faite en début de numéro, losqu'Al Pratt lit le fameux Ultra Comics.
< Chapitre précédentThe Multiversity : une trame principale hyper référencéeChapitre suivant >#TerreMoi, dimension InstagramAlexis Luthor & Arrowette
Alexis Luthor est la fille de Lex, comme son nom l'indique, et peu de choses sont évoquées quant à sa mère potentielle. Vraisemblablement amoureuse de Damian - mais mal traitée par ce-dernier - le personnage aura un soubresaut d'authentique malice sur la fin du numéro, puisque le gène Luthor est un gène puissant.
L'autre personnage féminin à avoir droit à un bout d'intrigue est Cissie King-Hawke, dont le nom évoque Connor Hawke, le fils du Green Arrow original, et Bonnie King (ou une descendante), la première Miss Arrowette. Le personnage a droit à plusieurs apparitions dont une en couverture, avec la mention "je ne suis plus la fifille à papa, désormais", qui évoque les changements de styles de certaines vedettes, comme Miley Cyrus ou Lindsay Lohan. L'aspect "héritière pourrie gâtée" pourrait aussi être le stigmate d'autres référents du réel, à vous de voir quels noms vous choisissez de mettre dessus.
Le reste du casting se partage en plus de références qu'en réelles implications scénaristiques ou symboliques. Le numéro est très généreux en terme de personnages et de référents assez rares, pour qui aurait envie de lire avec un onglet encyclopédique sur le côté. Aussi il sera sans doute plus intéressant d'y aller un par un un.
Le défilé de caméos va se poursuivre avec un personnage issu des années 1990, Bloodwynd. Arrivé au vernissage tenu par Kon-El, le Superboy inventé en 1993 dans sa version "clone de Superman" créé par Lex Luthor dans les pages d'Adventures of Superman. Les cases sont peuplées de caméos plus ou moins utiles : Lexie discute avec la Joker's Daughter de Mark Waid dans Kingdom Come, qui sera ensuite intégrée au canon des New 52 dans une version différente (ou moins esthétique) pendant Forever Evil, Max Mercury, un utilisateur de la Speed Force et mentor de Impulse, ainsi que Loose Canon et Gunfire, deux autres inventions des années 1990. Le premier est une invention de Jeph Loeb pour l'événement Bloodlines et le second apparaît dans Deathstroke Annual #2 et est créé par Len Wein - comme Kon-El, ces deux personnages sont nés en 1993.
Plus loin, la Justice League s'amuse à revivre les combats d'autrefois avec le personnage de Red Amazo, qui symbolise ici la confusion ou le fait que plus personne n'arrive réellement à se rappeler de la réalité des batailles d'antan. Le vilain fictif est une sorte de mélange entre Red Tornado et Amazo, et alors que l'on retrouve Kyle Rayner qui projette sur ce personnage la mort de sa petite-amie (au moment d'une célèbre affaire de réfrigérateur), Oliver Queen confond Major Disaster avec Major Force, le véritable responsable.
L'Alpha Centurion, un personnage créé par Karl Kesel dans Zero Hour (1994) est aussi présent (voilà), tandis qu'Artemis est devenue la nouvelle Wonder Woman, à l'image de son passage dans les visions d'Hippolyta pendant le run de William Messner-Loebs. Wally est à nouveau le Flash officiel, Aqualad (Garth) est devenu Aquaman, la nièce de Steel a hérité du titre (on retrouvait ce personnage dans les Seven Soldiers du même Morrison) et un autre personnage tiré de Bloodlines, Argus, se balade dans les rangs de l'équipe. Il s'agit encore d'un énième hommage à Mark Waid, qui invente ce troisième couteau dans Flash Annual #6 en 1993.
Le bon geek Offspring est ensuite vu en train de jouer à un jeu vidéo Young Justice, fictif, ou peut-être était-ce le cas à l'époque de la sortie du comics. Arrive ensuite une autre fille de héros avec Menta fille de Mento, ou bien plus simplement Holly Dayton, fille de Steve Dayton et de Rita Farr, deux membres de la Doom Patrol. En se reconnectant à la Justice League, le récit introduit Pieter Cross, le Docteur Mid-Nite des années 1990, créé par James Robinson et David Goyer.
Morrison continue de verser dans l'hommage à Mark Waid avec le restaurant Krypton de Kingdom Come, réinventé en une version plus hype ou plus sélect, qui aime la clientèle des super-héros fortunés. On retrouve aussi le personnage de Gypsy, une héroïne de Detroit, Jakeem Thunder, inventé par Grant Morrison et Howard Porter pendant son run sur la JLA, et un finish move de la fête finale où se promènent Impulse, Krypto, Slobo (un clone sympa de Lobo), le Creeper, Hourman de DC One Million (la version robotique) et enfin : c'est terminé. Vous avez des pages wiki à visiter et pas mal de lectures à faire (la plupart sont dispensables, rassurez vous).
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La Famille Marvel
C'est en prenant le métro, dans un wagon que nous retrouverons dans les pages du numéro, que Billy Batson rencontre Shazam, le sorcier de l'éternité. Celui-ci le choisit comme champion et lui confie la sagesse de Salomon, la force d'Hercules, l'endurance d'Atlas, le pouvoir de Zeus, le courage d'Achilles, et la vitesse de Mercure. Le sorcier réside, d'après Grant Morrison, sur le Rocher de l'Eternité, un caillou cosmique qui n'existerait qu'en un seul exemplaire d'après la carte de Multiversity, avant que le Dr Sivana ne s'en construise un plus gros.
On peut voir dans les pages de ce numéro que Morrison oppose les sept valeurs fondamentales de Shazam aux sept péchés capitaux, quoi que ceux-ci ne soient pas représentés par des noms propres. En 1942, Fawcett Comics prend de l'avance sur la mode des héros-familiaux, ces déclinaisons de sidekicks desquels naîtront des héros comme Supergirl ou Krypto le Superchien, par effet de miroir : c'est ainsi qu'Otto Binder lancera une véritable mode avec Mary Marvel, la frangine de Billy, une jeune fille adorable qui aime les gens et faire le bien, le taquin Freddy, un ami des deux héros qui sera Captain Marvel Jr., et tonton Marvel (oui, Uncle Marvel), un vieux qui avait tenté d'escroquer les Marvels en se faisant passer pour l'oncle de Mary. Comme il était sympa, ils l'ont gardé dans l'équipe (véridique).
On retrouve également d'autres personnages de second plan : les Lieutenants Marvel, trois autres personnages qui s'appelaient tous Billy Batson eux aussi. La similitude de leurs noms avec l'authentique Captain Marvel leur aura permis d'utiliser les pouvoirs magiques de ce dernier (véridique aussi), et ils seront ainsi devenus les Lieutenants de la famille. Pour les différencier, on les appelait à l'époque Fat Billy, Tall Billy et Hill Billy. Et avant que vous ne commenciez à douter de la politique stricte contre l'usage de drogues dans les bureaux de Fawcett, Captain Marvel avait aussi un super-animal de compagnie, Hoppy the Marvel Bunny. Un autre animal parlant peuplait les pages de la série à l'époque, présent, ici : Tawky Tawny, un tigre anthropomorphe doué de la parole.
Dr Sivana
Le Dr Sivana apparaît très tôt dans les publications Captain Marvel, dès Whiz Comics #2 en 1939. Ce personnage est le décalque parfait du concept du savant fou, en perpétuelle blouse blanche et abrité derrière d'imposantes lunettes en forme de loupe - on lui prête l'inspiration du personnage de Lex Luthor, qui interviendra un an plus tard dans les pages de Superman. Quoi qu'il s'agisse peut-être d'une autre preuve des narcotiques éventuels qui devaient traîner chez Fawcett à l'époque, son nom est la contraction de la divinité hindoue Shiva et du concept de l'au-delà bouddhiste, le nirvana.
Au début de sa vie, Sivana était présenté comme un scientifique brillant désireux d'agir pour le bien de l'humanité - il aura cependant été brisé par une vie passée à obéir aux ordre de ses supérieurs, par une hiérarchie castratrice et les règles conservatrices qui l'auront empêché de faire avancer ses premières bonnes expériences. Il se retranche alors sur Vénus, peuplée par une race alien dans les publications de Fawcett, et aura même quatre enfants de deux femmes différentes entre cet exil et la Lune, plus tard. Seuls trois sont cependant présents ici : Magnificus, Thadeus Jr. et Georgia. Ceux-ci serviront souvent de rivaux à la Marvel Family, quoi que leur univers ait du attendre ce numéro de Multiversity pour les mettre sur un pied d'égalité.
Vous remarquerez du côté des Sivanas toute une batterie de versions alternatives.
Avant-dernier chapitre dans l'ordre de publication de Multiversity, Ultra Comics a ceci de particulier qu'il se situe sur Terre-33, décrite comme notre monde. Notre réalité, dans laquelle la magie et les super-héros n'existent pas - ailleurs que dans les comics, justement. C'est là aussi que Grant Morrison se dépasse complètement dans l'utilisation du quatrième mur pour représenter la menace qu'est La Noblesse et comment le lecteur y est intrinsèquement lié, pris au piège par la narration du scénariste.
Dans l'historique de DC Comics, l'idée de représenter notre propre monde dans les pages de bande dessinée survient assez rapidement une fois qu'il est admis que les aventures des héros de l'éditeur peuvent se dérouler sur des Terre parallèles. Pour rappel, c'est dans The Flash #123 qu'on retrouve l'une des idées majeurs de The Multiversity, celle que les aventures de super-héros sur une Terre peuvent se retrouver dans les pages de comics sur une autre. Ainsi, Barry Allen se rappelait avoir lu les aventures de Jay Garrick dans les pages de comicbooks avant de pouvoir le retrouver.
Concernant l'idée de la Terre-33, qui correspond au concept de Terre Prime (Earth Prime), c'est également dans les pages de The Flash qu'il faut remonter, au 179e numéro, publié en 1968 - soit quelques années après l'introduction des Terre parallèles. Dans ce numéro, le Bolide Écarlate se retrouve sur cette planète correspondant à notre monde, et devient incapable de vibrer sur la fréquence qui lui permettrait de rejoindre sa réalité, puisque les super-héros ici n'existent pas et n'ont donc pas de pouvoir. Dans un fantastique méta-développement, Barry s'en va retrouver l'éditeur de DC de l'époque, Julius Schwartz, dans les pages même de la bande-dessinée, ce dernier l'aidant à construire un tapis roulant cosmique qui lui permettra de retourner chez lui.
L'idée de Terre Prime a par la suite évolué, puisqu'il aura été décidé qu'il y existe malgré tout l'un ou l'autre super-héros. En 1978, Gerry Conway et George Tuska imaginent Ultraa, enfant d'une nation extra-terrestre en péril qui, envoyé dans l'espace (ça ne vous rappelle rien ?) se retrouve en Australie. Avec ses super-pouvoirs - qui sont grosso modo ceux d'un Superman, le jeune homme répondant au nom civil de Jack Grey décide de traverser l'océan pour devenir le premier super-héros des Etats-Unis. Après un accueil agressif qui le fait passer pour un super-vilain aux yeux de la JLA, de passage sur Terre Prime, Jack se décide à rentrer sur Earth 1 (la Terre principale pré-Crisis), sa planète n'étant selon lui pas prête à recevoir des super-héros. Ultraa est à nouveau présent dans cet Ultra Comics (dont vous aurez compris l'origine du nom). Il reprend certains traits de sa réapparition en 1993, notamment le nom de sa planète d'origine (Almerac) et de sa bien aimée (Maxima) qu'il souhaite retrouver. Mais il prend sous la plume de Morrison le nom de Rex Ultraa.
En 1985, dans les pages de DC Comics Presents #87, Eliot S. Maggin et Curt Swan imagineront Superboy-Prime, autre unique super-héros existant sur cette Terre Prime. Il s'agit du seul survivant de la Krypton de cette réalité, et ses super-pouvoirs se manifesteront lorsque Superman se présentera à lui. Les évènements de Crisis on Infinite Earths, qui annulent l'existence de sa planète, seront particulièrement importants puisque Superboy-Prime deviendra un antagoniste extrême au courant d'Infinite Crisis (puis de Sinestro Corps War, sous la houle de Geoff Johns) - mais ce personnage mérite qu'on lui consacre un papier seul, et son existence sur Earth 33, bien qu'elle soit mentionnée dans le Multiversity Guidebook, n'a pas d'importance pour Ultra Comics.
Ultra Comics est donc le seul super-héros existant sur Earth 33, et provient d'un assemblage d'idées de la part des lecteurs - vous, nous. La séquence qui le voit se matérialiser est un clin d'oeil à la représentation du super-héros au fil des âges : le Golden Age où on levoit sauver le couple Martha/Thomas Wayne d'un sort funeste ; le Silver Age et ses représentations extra-terrestres bizarroïdes ; un clin d'oeil appuyé à Crisis on Infinite Earths et les prémisses du Dark Age (le ciel rouge, le cadavre d'une super-héroïne qui renvoie à la mort de Supergirl) ; ainsi qu'un plan qui renvoie aux super-héros extrêmes de la période des années '90. Ainsi, Ultra Comics doit représenter un assemblage de la façon dont l'ensemble des lecteurs, quels qu'aient été l'époque de leurs lectures, se représente le super-héros.
Par ses capacités en tant que personnage de comicbook, Ultra brise le quatrième mur en permanence. Il a conscience d'être lu, s'adresse directement à son lecteur, et est capable de passer d'un endroit à l'autre du numéro d'Ultra Comics - ce qu'il fait un moment, en se retrouvant dans la scène d'ouverture. Mais prisonnier du format de single issue, Ultra est aussi destiné à voir ses erreurs se répéter à chaque (re)-lecture, et c'est pour cette raison que son histoire finit toujours de la même façon.
On peut voir aussi Ultra Comics utiliser les codes du monde des comics (comme les textes de critiques qui apparaissent) pour s'en prendre aux membres de La Noblesse, et notamment Intellectron, que l'on peut voir comme une critique de l'hyper-intellectualisation des comics - que Morrison auto-critique dans le texte, puisqu'il en est l'un de ses dignes représentants.
On retrouve quelques personnages mineurs qui sont également des références à de précédentes créations. Chaperon Rouge (Red Riding Hood) reprend l'allure d'une Hit-Girl mais son nom évoque plutôt Red Hood, l'alias de Jason Todd hyper violent. Lorsqu'il rencontre la Garde du quartier et se rend à leurs locaux, on peut voir Ultra rencontrer trois autres "ultra-personnages" : en premier lieu Gary Concord Jr.. personnage créé en 1939 dans les pages d'All-American Comics #9 (en 1939), fils de Gary Concord Sr., créé dans le numéro précédent de la même série, les deux héros ayant porté le nom d'Ultra-Man au courant du Golden Age.
A côté, on peut retrouver Ultra le Multi-Alien, apparu en 1965 dans Mystery in Space #103, qui est à l'origine un astronaute répondant au nom d'Ace Arn, et qui devient un assemblage de races extra-terrestres quand quatre représentants de ces espèces lui tirent dessus en même temps un rayon de soumission, qui le transforme en cet être composite (et lui permet d'obtenir les caractéristiques physiques de chacune desdites espèces). Le personnage avait fait d'ailleurs son retour au cours des New 52 avec une nouvelle origine - et il ne s'agit vraisemblablement pas de cette version dans les pages d'Ultra Comics.
< Chapitre précédentLa Fin de la Splendeur, Superman en plein IIIème ReichBien que la maxi-série The Multiversity ait été publiée à l'époque des New 52, les plans de Grant Morrison pour cette histoire remontent bien en amont, puisque le récit devait être à la base publié au courant de l'année 2010. Avec quatre ans de retard, et les ajustements éditoriaux majeurs de DC à l'époque, le premier chapitre s'ouvre malgré tout avec un personnage bien connu des fans du scénariste, puisqu'il s'agit de Nix Uotan, rebaptisé ici le Superjuge, qui avait été aperçu pour la dernière fois dans l'ultime numéro de Final Crisis.
Grant Morrison reprend en effet le personnage là où il avait été laissé. Le Monitor qui avait été en charge de la planète Terre-51 (la Terre de Jack Kirby, où le Grand Cataclysme mènera au monde de Kamandi) avait en effet été considéré comme incapable d'avoir la charge d'une des Terres du Multivers, et s'était retrouvé exilé sur la Terre-0 (la Terre principale des héros DC, qui ne portait pas encore ce nom à l'époque de Final Crisis). Les évènements de cette Crise terminés, Nix Uotan décidait de retourner vivre comme un simple mortel sur cette planète - et c'est dans cette situation qu'on le retrouve. Les choses ont malgré tout changé puisque Morrison le représente désormais comme l'unique Monitor encore en place. Mais la scène d'ouverture de Multiversity est un renvoi direct aux dernières planches de Final Crisis, ou l'on retrouve la disposition des meubles (bureau, lit) dans l'appartement de Nix.
On remarque que Nix aura accumulé chez lui une certaine quantité de comics. L'une des idées principales du Multivers, et établie dans les écrits de Morisson, est que les aventures se passant dans une réalité se retrouvent sous forme de comics dans une autre. Ici, Nix pourrait en quelque sorte surveiller ce qu'il se passe dans le reste du Multivers en allant se procurer tous ces comics (mettons qu'il s'agit plus d'une supposition qu'une affirmation). Entre autres, on retrouve à ces côtés un singe en peluche, M. Stubbs, qui s'anime par la suite. Il pourrait s'agir de la forme simiesque (au vu de la pilosité des mains) que Nix rencontrait dans sa cellule dans les pages de Final Crisis, de la même façon que le rubiks cube posé sur le bureau se rapporte celui utilisé par Metron dans la même scène. Vous l'aurez compris : tout est lié.
De nombreuses références aux précédents écrits de Grant Morrison peuvent être retrouvés au cours du premier chapitre. On retrouve ainsi l'Ultima Thule, le vaisseau utilisé par le Monitor pour passer d'un monde à un autre, en traversant la plaie, la membrane qui sépare chaque version d'une réalité. Pour rappel, comme chaque univers vibre à une fréquence donnée, c'est en se positionnant sur cette fréquence - et en jouant de la musique au sein de l'Ultima Thule qu'il est possible de passer entre les Terre du Multivers.
Enfin, on retrouvera par la suite le Palais des Héros, qui est le satellite qu'utilisait le Monitor dans le récit Crisis on Infinite Earths, et resté en l'état bien qu'on puisse voir les dégâts qu'il a subi depuis. C'est là qu'on retrouve également sous forme "numérique" Harbinger, celle qui aidait le Monitor dans CoIE pour rechercher les différents héros du Multivers dans la lutte contre l'Anti-Monitor.
En plus d'une multitude de personnages issus de tous les univers de DC Comics, c'est un ensemble d'entités qui répond au nom de La Noblesse (The Gentry en langue originale) qui forme la véritable némésis de cette histoire. Cet ensemble prend des formes nombreuses et des noms imaginatifs. Tel qu'on nous l'expliquera par la suite dans The Multiversity #2, les entités de la Noblesse et leur maître la Main Vide (Empty Hand) viennent de Terre-33 (voir le chapitre Ultra Comics), soit notre monde réel. A partir de là, on peut y voir dans La Noblesse les manifestations de comportements propres aux lecteurs et éditeurs, et qui viennent nuire directement aux comics.
Ainsi, parmi les théories circulantes, on associe Dame Impitoyable sera la tendance au grim & gritty pour coller à des super-héros plus "réalistes" ; Demogorgunn (représenté par une masse de corps) sera la popularité grandissante des super-héros (mais pas par les comics, d'où ce "mauvais côté" qu'il représente) ; le Seigneur Détraqué sera la façon dont les histoires se reposent sur une même structure ; Machinenfer représente le côté complétiste des lecteurs parfois absurde ; alors qu'Intellectron est une représentation de la sur-analyse des comics. Tous ensemble oeuvrent pour l'avènement de la "machine à oubli" - qui est a priori le cinéma. Ainsi, le message de la Main Vide dans les dernière planches de Multiversity, qui explique qu'il était juste de passage pour évaluer les forces des super-héros, permet de voir la chose ainsi.
C'est dans le but de faire des adaptations de super-héros que l'ensemble des comportements néfastes pour les comics apparaissent. Et comme c'est par les comics que les héros arrivent à triompher, et par la musique du Multivers, une métaphore de l'imagination, on comprend donc que Multiversity est un appel aux créateurs pour se servir de toutes les histoires produites pour continuer à faire vivre le médium. Comme l'a fait Morrison avec cet ouvrage. N'est-ce donc pas limpide à présent ?
Terre-7
La Terre-7 est la première planète visitée par Nix Uotan et son compère simiesque. Comme le précise le guide de Multiversity, il s'agit d'une re-création de la Terre-8 (qui sera abordée juste après). Ainsi, puisque cette dernière représente l'univers de Marvel Comics, la Terre-7 est l'équivalent de l'univers Ultimate de cet univers. Le fait qu'elle soit la première détruire au cours de Multiversity n'est pas anodin. C'est un fait rappelé pour évoquer le destin tragique d'une majorité de ses héros au courant de l'event Ultimatum au cours duquel de nombreux héros de cette ligne éditoriale furent tués (et Morrison anticipait peut-être déjà la disparition de l'univers au cours de Secret Wars lorsqu'il écrivait ce numéro).
Le seul héros encore présent sur cette Terre reste le Thunderer, une version afro-américaine de Thor, mais l'on peut aussi voir que certains des héros reviennent sous forme de zombie - une allusion évident à Marvel Zombies, puisque cet univers était né des pages d'un crossover se déroulant dans les pages d'une série Ultimate. Sur le croquis, on reconnaît en le Croisé un Captain America, en Golem La Chose, "Doc" Futur étant Reed Richards, Walküre Walkyrie, Microbot Ant-Man, et la petite bizarrerie qu'est Devilfist puisqu'il s'agit clairement d'un clin d'oeil à Hellboy - quoique le gant rappelle également celui de Thanos.
Terre-8
Comme on vous le disait précédemment, Terre-8 est la version réimaginée de l'univers Marvel au sein même du Multivers de DC Comics. C'est également la seconde Terre a être prise d'assaut par les forces de la Noblesse, et là que Nix Uotan sera corrompu. On pourra imaginer que Grant Morrison n'aura pas choisi innocemment de faire disparaître ou mettre en danger profond les deux Terre se rapportant aux publications de la Maison des Idées.
On retrouve sur cette dimension une version des Avengers, baptisée ici Représailleurs, dont les différents membres sont là aussi rapidement reconnaissables par rapport à l'univers Marvel. On constate en outre que Grant Morrison utilise toute la diversité possible pour réimaginer les personnages, n'étant pas emprisonné dans le contexte sociétal de création de ces personnages de l'époque. Ainsi, Thor est à nouveau afro-américain et répond au nom de Wundajin ; Ladybug est une Spider-Man au féminin ; Deadeye est un Hawkeye à la peau bleue ; Kite est une version féminine de Falcon ; Le Croisé Américain est à l'évidence la représentation (à l'ancienne) de Captain America ; Dragon Rouge est l'équivalent de Black Widow et Machinehead est Iron Man.
On retrouve à côté d'autres personnages tels que Béhémoth, un bébé Hulk tout bleu ; Major Max qui est l'équivalente de Captain Marvel ; Hyperius qui est un pastiche d'Hypérion, lui-même un clone de Superman du côté de Marvel. A noter d'ailleurs que ce dernier était déjà présent dans les pages de Final Crisis, lors de l'attaque finale contre Mandrakk. D'autres personnages apparaissent de façon plus succincte (et souvent à l'état de cadavre), comme ces personnages ci-dessus que l'on pourra assimiler à La Chose, la Torche Humaine, Scarlet Witch ou Cyclops. Du côté des vilains, Lord Havok est la version Terre-8 de Doctor Doom.
Terre-23
Les lecteurs de Final Crisis #7 et du numéro Action Comics #9 (période New 52) connaissent déjà la Terre-23, qui est celle qui a pour Superman Calvin Ellis, accessoirement président des Etats-Unis, et qui est inspiré de Barack Obama. Il s'agit d'une Terre sur laquelle la plupart des super-héros et héroïnes sont noirs, et où les personnages blancs sont donc une minorité.
Ainsi, Wonder Woman est Nubia, en référence au royaume africain indépendant qui a existé au cours de l'Antiquité, et dont cette indépendance a certainement motivé Grant Morrison à en faire la Themsyscira de cette Terre. Les super-héros noirs font tous partie de la Justice League, soit Green Lantern (dont le nom est ici inconnu), Vixen, Steel, Zatanna (également noire ici), Black Lightning ou Cyborg. A noter que si cette Terre apparaissait déjà dans Final Crisis, sa numérotation ne lui a été donné qu'au courant des New 52 avec la résurgence de Calvin Ellis dans les pages d'Action Comics.
Au fil des pages de The Multiversity #2, de nombreuses autres Terre sont visitées de façon très brève, afin de mettre l'emphase sur le recrutement de l'ensemble des héros du Multivers de DC Comics. Les indications des Terre en question permettent de s'y retrouver aisément avec les pages du Guide présent dans le recueil - et ne nécessitent pas forcément qu'on les développe plus ici, au vu de leur maigre importance en tant que tel dans la compréhension du récit.
Notons malgré tout que Terre-13 est une version "dark" de l'univers DC, ou ce sont des personnages sombres et qui pour beaucoup avaient intégré les publications Vertigo, avant que les New 52 ne les réintègre à la continuité principale. Etrigan devient l'équivalent de Superman en se faisant appeler Super-Démon. Pour l'anecdote, Grant Morrison avait évoqué par le passé une version super-héroïque de John Constantine dans les pages de son Doom Patrol #53 - et cette Terre vient donc très certainement de ces précédents écrits.
La Ligue de Sang venant de Terre-43 est inspirée de l'Elseworld "Batman Vampire" de Doug Moench et Kelley Jones, une trilogie composée des récits Red Rain, Bloodstorm et Crimson Mist. Autrefois considérée comme hors-continuité par sa nature d'Elseworld, la trilogie a été rééditée récemment en VO dans une collection baptisée Tales of the Multiverse, signe que l'éditeur a compris l'intégration proposée par Grant Morrison.
Le concept de Terre-17 est assez simple, puisqu'il s'agit d'une réalité dans laquelle la Guerre Froide s'est résolue par l'appui sur le bouton des commandes nucléaires, entraînant l'humanité sur une planète ravagée par les bombes. Ici, l'incarnation de la Justice League sont les Atomic Knights of Justice, dont la première apparition fut dans le dernier numéro de la maxi-série #52. Son concept est dérivé des publications de Strange Adventures #117 qui présentait déjà une Terre dévastée par le nucléaire. A l'époque de publication (1960), on imagine que c'est une IIIe guerre mondiale qui a lieu en 1986 - d'où le nom de code de Terre-86 qui est à l'époque utilisé.
La Terre-51 est l'une des terre reprenant une vision d'auteur de l'univers DC (comme la Terre "Red Son" 30, la Terre "Just Imagine" 6 ou la Terre "Kingdom Come" 22). Il s'agit ici de la version modernisée de la Terre A.D. (After Disaster) imaginée par Jack Kirby lorsque ce dernier proposait aux lecteurs du monde entier Kamandi #1. Sur cette Terre, le grand Cataclysme a eu lieu et le monde est désormais dominé par des animaux antropomorphiques. A noter qu'il est noté que les New Gods sont aussi sur cette planète, mais il s'agit d'une manifestation de ces personnages, qui vivent autrement à New Genesis qui, comme Apokolips, fait partie de lieux qui ne sont présents qu'une seule fois dans le Multivers.
Le cas Terre-36 est demandera plus de connaissances pour être reconnu au premier coup d'oeil. Il s'agit en effet d'une référence à Big Bang Comics, une série publiée chez l'éditeur indépendant Caliber Comics, puis dans un second temps par Image Comics, et qui rendait hommage aux super-héros du Golden et Silver Age. La série a été créée par Gary Carlson et Chris Ecker et ses personnages étaient déjà des inspirations de ce que DC Comics avait sous la main. On accordera une attention particulière au Pister Rouge, le Flash de cette Terre, qui permet au cours du climax de recruter tous les Bolides du Multivers pour affronter le Nix Uotan corrompu. Et qui, au contraire de nombreux Flash au cours des différentes Crisis, ne sera pas sacrifié, mais intégrera l'Opération Justice Incarnée, force de protection du Multivers.
Du côté de Terre-26, il faut aussi se référer à l'histoire des comics pour comprendre son origine. Au cours du Golden Age, et parce que les publications s'adressent alors majoritairement aux enfants, c'est dans les pages de New Comics #9 (1936) que sont imaginées des histoires avec des animaux antropomorphiques (les "funny animals"). Il faudra en revanche attendre les années '80 et les publications successives des titres New Teen Titans et Captain Carrot & his amazing Zoo-Crew pour qu'un nom concret soit donné à cette réalité : Earth-C (pour cartoon). La terre sera en premier lieu considéré comme une réalité alternative plutôt qu'une terre parallèle, pour expliquer le fait qu'elle puisse survivre à Crisis on Infinite Earths. L'appellation de Terre-26 sera par la suite utilisée dans Captain Carrot and the Final Ark, mini-série en trois numéros publiée en tie-in à Countdown. La terre-26 est donc l'équivalent de ces deux terres dans son Multivers, et il existe une théorie qui explique que chacune des Terre est en fait la même planète, mais qui a été déformée au fil des années par la physique bizarre (des dessins animés) qui y règne.
On terminera cette entrevue avec la Terre-48, qui reprend elle aussi l'idée de plusieurs Terre apparues avant elle. Le concept est à peu près le même, puisqu'il s'agit d'une réalité ou tout le monde a des super-pouvoirs, chaque personne, chaque être vivant (jusqu'au moindre animal). Grant Morrison la décrit comme le concept du super-héros poussé à son paroxysme, jusqu'à en être ridicule. On retrouve des premières traces de cette idée dans Crisis on Infinite Earths #4, ou la planète est alors appelée Terre-6. Par la suite, l'idée de Terre-48 réapparaît dans Countdown to Aventure #1, sorti en 2007 peu de temps après la recréation du Multivers post-Infinite Crisis. On peut y voir également dans cette réalité une référence au récit Top10 d'Alan Moore, publié sous l'imprint America's Best Comics.
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