Les grands de ce monde en rêvaient, et pour quelques uns, son annulation fut plus douloureuse que la regrettée Snyder Cut. Il y a presque trois ans, Warner Bros. entrait en contact avec le metteur en scène Gareth Evans, virtuose du combat filmé, pour une adaptation du personnage de Deathstroke au cinéma, alors porté par le musclé et grisonnant Joe Manganiello. Une année plus tard, le projet était enterré dans le même charnier à ciel ouvert que les suites de Justice League, Man of Steel, le Batman de Ben Affleck, mais aussi le Joker de Jared Leto. Et si c'était ça, l'équilibre karmique ?
Revenu dans la lumière depuis peu avec la sortie de sa série Gangs of London, Evans a pu donner quelques pistes sur ce à quoi aurait pu ressembler son adaptation de Deathstroke. Interrogé par Yahoo!, le metteur en scène explique que le projet se serait tourné vers une sorte d'origine, inspirée par le cinéma de néo-noir coréen, en s'éloignant des codes de films de super-héros conventionnels plus explosifs et gavés d'easter eggs.
"J'étais plutôt enthousiaste et impatient sur le film Deathstroke, quand on me l'a présenté au départ. Je les avais rencontré, on en avait parlé, et il était effectivement prévu que je m'en occupe à un moment donné. [Manganiello et moi] avons beaucoup regretté que ça n'ait pas pu se faire.
L'idée, c'était de partir sur une histoire dépouillée, qui servirait d'origine au personnage. Quelque chose qui aurait pu durer dans les 100, 110 minutes, maximum, et ne pas dépasser le format des deux heures. A ce moment là, j'étais très influencé par le genre du film noir en provenance de la Corée du Sud, c'était ça le pitch. Je me disais que ces films étaient géniaux : la texture, les tonalités dans les couleurs, la dureté et l'agressivité de certains d'entre eux étaient très intéressants à apporter à un personnage comme Deathstroke.
[Je ne suis pas] un énorme fan de comics ou de super-héros, mais quelque chose m'intéressait chez lui. J'avais fait quelques recherches de lecture, pas suffisamment pour faire plaisir aux vrais gros fanboys, mais j'avais fait au mieux pour en découvrir le plus possible pendant tout le temps où j'ai été sur le projet."
Loin d'être un habitué des projets de franchises, Evans a essentiellement navigué sur ses propres idées originales depuis les débuts de sa carrière de metteur en scène. Avoir réussi à le capter pour un film Deathstroke pour ne rien en faire en définitive restera l'un des gros gâchis de la gestion des films DC Comics par Warner Bros., à empiler au-dessus de beaucoup d'autres. Hors des sphères du blockbuster conventionnel avec un personnage à la marge, et qui appelle avec lui tout un pan du cinéma de genre, Evans et Slade Wilson auraient pu amener quelque chose de différent à la table des divertissements à gros effets spéciaux, quitte à coûter moins cher et à rentabiliser plus vite.
Une réflexion qui aura plus tard conduit Warner Bros. à tenter l'aventure Joker, un film sans optique d'univers partagé, par un metteur en scène se foutant copieusement de faire plaisir aux fans, et dont le but était surtout de rendre hommage à ses propres préférences en matière de cinéma. D'ici à ce que le studio passe un coup de fil à Evans pour lui reproposer l'aventure fort de cet enseignement, il n'y a qu'une mince espérance (Please Hollywood, comme disait le padré).