Être dans la presse, ou la rédaction d'actualités sur le web, ça signifie aussi se lever chaque jour dans l'espoir d'une bonne nouvelle à rapporter au public. Une bonne BD, un film prometteur, la démission de Nick Lowe ("hey, balle perdue là" non, il sait ce qu'il a fait), en somme, n'importe quoi susceptible d'égayer le remous de l'actualité souvent chargé en données plus ou moins heureuses. Et puis, il y a les annonces que l'on rêve de rapporter. Par exemple, savoir que Snoop Dogg va faire un comics. Mieux : que Snoop Dogg va servir d'équivalent fumeux au cadavre des Contes de la Crypte pour présenter des histoires qui font peur. Le bonhomme annonce le projet sur les réseaux sociaux dans son état habituel, avant de dodeliner de la tête d'un air malicieux pendant une petite dizaine de secondes.
Snoop's Inside ya BD
Le scénariste
Rodney Barnes a effectivement prévu de collaborer avec le rappeur, acteur, producteur, réalisateur porno' ("
Snoop Scorsese"), voix de GPS, auteur d'un bouquin de cuisine avec
Martha Stewart (où il nous explique avec sagesse que le rouleau d'algue nori qui sert à la confection des makis se roule comme un bon trois feuilles : avec délicatesse), présentateur télé' et commentateur sportif pour l'album
Tales From the Crip. Un astucieux détournement du titre
Tales From the Crypt, série d'horreur culte éditée chez
EC Comics connue pour avoir accouché de plusieurs adaptations, et pour avoir inspiré
le film Creepshow de George Romero et Stephen King. A ceci près qu'un "crip" désigne ici un membre de gang des quartiers noirs américains. Vous voyez, c'est fin.
En résumé,
Snoop Dogg servira de
crypt keeper, une convention des anthologies d'horreur largement répandue dans le présent, pour un roman graphique dans lequel les histoires se passeront dans le hood (que les linguistes des milieux autorisés s'accordent à traduire par "bendo" ou "tieks" sous nos latitudes) où naquit jadis le mouvement hip hop aux Etats-Unis. En somme, un projet qui cadre assez bien avec la philosophie de
Rodney Barnes - l'auteur de
Killadelphia a récemment monté sa propre maison d'édition,
Zombie Love Studios, pour remettre en avant certaines figures de la culture afro-américaine, en passant notamment par le format de l'épouvante, sur la scène des comics indépendants et contemporains. L'auteur avait par exemple déjà annoncé une trilogie
de romans graphiques Blacula, reboot en BD d'un célèbre détournement de
Dracula dans les codes de la Blacksploitation. L'artiste
Shawn Alexander se chargera de ce projet précis.
Pour Tales From the Crip, aucun dessinateur n'a été annoncé pour le moment. On sait seulement que l'album sera disponible cet automne, et suivra la parution du premier volume de Blacula en septembre prochain. Le communiqué de presse confirma au passage que Zombie Love Studios devrait se concentrer sur la production d'OGNs (autrement dit, en esquivant les singles issues, les séries numérotés ou les feuilletons mensuels) pour son futur catalogue. Entre la petite "franchise" Blacula et ce partenariat avec Snoop Dogg, l'entreprise compte visiblement frapper fort dès sa première année d'existence.
Ce qui nous rappelle au passage qu'en dépit de sa passion sincère pour la bande-dessinée, Rodney Barnes appartient à cette catégorie de scénaristes reconvertis, plus habitués à écrire pour l'industrie de la télévision (passé par Les Boondocks, Everybody Hates Chris, Runaways, American Gods et Wu-Tang : An American Saga). En somme, l'auteur décide de rentabiliser le carnet d'adresse.