Disclaimer : la critique qui suit est considérée "avec spoilers" même si nous estimons que les éléments importants discutés le sont parce qu'il ne serait pas possible de parler du fond - et des problèmes d'Echo - autrement. Aussi nous recommandons la lecture de cet article aux personnes qui sont à jour sur la série (cinq épisodes, tous disponibles depuis le 10 janvier sur Disney+) ou qui ne comptent pas forcément la regarder. A priori, le fait de parler des éléments en question ne gâchera pas votre plaisir de visionnage.
Vous le savez sûrement : dans l'exercice de notre fonction et pour pouvoir pratiquer l'exercice de la critique dans les meilleures conditions possibles, nous avons droit pour les films à ce qu'on appelle des projections presse, généralement soumises à des embargos critiques. C'est-à-dire qu'on ne pourra mettre en ligne notre article qu'au jour et à l'heure décidée par le studio, et qui est parfois révélatrice de la confiance ou des craintes dudit studio sur le projet concerné. Il en va de même avec les séries des plateformes de streaming.
L'accès aux épisodes "screeners" est facilité en amont de la sortie, avec des conditions au bon vouloir des studios. Si Netflix donne généralement l'accès à l'ensemble des épisodes d'une série, ce n'est pas le cas de Disney, qui souvent limite l'accès, dans le cas des productions Marvel Studios en tout cas, à un, deux, sinon la moitié des épisodes à venir. Ce qui contraint ensuite à faire une critique sur une série qui n'est pas regardée dans sa globalité, là où l'exercice devient plutôt une forme de recommandation - "faut-il aller plus loin ?". Nous précisons en conséquence à chaque fois sur quel nombre d'épisodes porte la série en question. La faille de ce type d'article est de se laisser avoir par l'intention d'un premier épisode, alors que la conclusion peut virer au n'importe quoi - et c'est notamment ce qui est arrivé avec Secret Invasion, qu'on aurait jugé bien plus sévèrement si nous avions eu accès à la totalité de la série en amont de la diffusion. Ce sont hélas les règles du jeu.
Concernant Echo, nous avions eu droit à trois épisodes sur cinq et une levée d'embargo le 10 janvier à 9h01 - soit à la minute près au moment de la disponibilité de la série pour tout le public. Puisque Disney+ a opté pour une diffusion radicalement différente des précédentes séries estampillées MCU, en mettant tous les épisodes en ligne le même jour, il nous a semblé plus pertinent de prendre le temps de regarder les deux épisodes manquants afin de livrer un verdict sur l'ensemble de la série. Verdict qui a mis un peu de temps à venir à l'écrit, car la série fait cogiter pas mal de choses. Des éléments qui concernent surtout la politique éditoriale de Marvel Studios et la façon dont ce qu'il reste d'Echo aujourd'hui n'est clairement pas la série qui était censée voir le jour initialement sur Disney+.
La série Echo est annoncée officiellement lors du Disney+ Day fin 2021, après que de premières bribes d'information soient apparues au printemps de la même année. A ce moment, le studio et les actionnaires croient encore au mythe de l'eldorado que constitueraient les plateformes de streaming et Marvel Studios annonce plusieurs spin-offs de ses séries déjà diffusées - dont Echo après la première apparition du personnage, en tant qu'antagoniste, dans la série Hawkeye. Le tournage aura lieu au printemps/été 2022, avec une diffusion estimée au départ pour l'été 2023. On ne vous refait pas tout le déroulé : Disney perd des sous, se rend compte que la course au streaming est vaine, que les productions sont de moins en moins appréciées du public, qu'il faut mieux répartir sur le temps les séries. Echo se voit ainsi reportée d'abord à l'automne 2023, puis à début 2024. Stupeur également, on apprend que la série n'aura pas une diffusion hebdomadaire mais adoptera un dispositif de binge watching à la Netflix. Alors que ces nouvelles nous parviennent, la série ne se montre qu'à travers quelques visuels épars, sans que Marvel Studios ne communique dessus.
Puis au mois de novembre 2023, à deux mois de la diffusion, un premier trailer vient nous apprendre qu'Echo ouvrira un nouveau label, Marvel Spotlight, censé être plus sombre/violent, plus terre-à-terre dans l'approche de personnages urbains. En sous-texte, on y lit une forme de retour aux séries Netflix dont Marvel Studios ne s'était jamais entiché auparavant, allant jusqu'à snober leur existence avant d'en récupérer les droits de diffusion et la propriété. Depuis la mise en ligne d'Echo, le département marketing de Disney+ nous fait croire que c'est bon, toutes les séries Defenders ont bien eu lieu dans la fameuse "Sacred Timeline" du MCU, avec pour preuve la reprise des rôles de Wilson Fisk et Daredevil par Vincent D'Onofrio et Charlie Cox dans différentes productions du MCU. C'est d'ailleurs surtout du côté de Daredevil que Marvel Studios veut nous faire lorgner, aussi peut-on entamer Echo avec pas mal de doutes, mais aussi d'espoirs. La série réussit-elle réellement à sortir de la formule des séries Marvel de Disney+ ? Et surtout, son héroïne a-t-elle les épaules pour porter une série, aussi courte soit-elle ?
Vous l'aurez compris, il n'y a pas de réponse simple aux questions posées dans ce préambule tropt long. Echo commence par un premier épisode dont la moitié est en réalité un récapitulatif du parcours du personnage, qui montre la façon dont Maya Lopez a grandi dès le plus jeune âge avec sa surdité, l'accident qui lui a coûté l'usage d'une jambe, la mort de son père, son endoctrinement auprès du Kingpin, avant que l'on ne passe aux évènements de Hawkeye et à sa conclusion. Rappel : ayant appris que Wilson Fisk avait en réalité commandité la mort de son paternel, elle lui tire dans le visage à bout portant puis s'en va à ses terres natales, en Oklahoma, afin de défaire l'empire de Fisk installé jusqu'ici. Une entreprise de vengeance qui va l'amener à se confronter à ce qu'il reste de sa famille et de ses amis, mais aussi à découvrir son héritage et comprendre pourquoi elle mérite le surnom d'Echo. Avec bien entendu en ligne de mire une opposition frontale au Kingpin qui, comme le montraient les bande-annonces et la promotion de façon générale, n'est pas mort et a lui aussi l'intention de retrouver Maya.
La première partie de l'épisode d'ouverture, sous forme de (très) long flashback, cherche à donner le la sur la "nouvelle" tonalité du label Marvel Spotlight. Il y a de quoi trouver cela encourageant, car l'ensemble se montre assez sombre par rapport aux productions Marvel Studios habituelles, Vincent D'Onofrio vient rappeler que lorsqu'on l'emploie correctement, il reste un choix de casting parfait pour incarner Wilson Fisk, et la présence d'un long plan-séquence de combat au corps-à-corps viendra chatouiller la mémoire des fans de Daredevil période Netflix - particulièrement à l'aide d'un caméo qui était teasé dans les bandes-annonces, et qui ne peut déclencher qu'un sentiment de plaisir. Situer l'action en Oklahoma est aussi l'occasion pour la série d'aller explorer la partie de l'Amérique qui a volé à ses natifs leurs terres, où leurs descendants tentent de vivre malgré tout en continuant de célébrer leur héritage culturel. Chose à noter également : il y a un effort tout au long de la série pour accompagner sur le plan visuel et sonore la façon dont Maya Lopez interagit avec les autres et perçoit son environnement, en lien avec sa surdité. Un aspect maîtrisé (même si quelques écueils visuels sont aussi au programme, comme la représentation d'un certain accessoire en seconde moitié de saison), et qui permet aussi de s'impliquer totalement du point de vue d'Echo.
Sur les autres plans positifs, une longue scène de baston dans le troisième épisode - dans un centre de loisir/patinage - montre là aussi que quelques personnes se sont creusées la tête pour avoir quelque chose non pas simplement de plus brutal ou mieux chorégraphié qu'à l'habitude, mais qui fait la part belle à l'exploitation de l'environnement. Echo utilise tout ce qu'elle trouve autour d'elle pour défaire à mains nues (ou presque) ses adversaires, et la caméra sait trouver de jolis angles de vue pour que les amateurs d'action puissent y trouver leur compte. Enfin, on retrouve en ouverture de chaque épisode des séquences qui remontent à très loin dans le passé, mettant en scène différentes héroïnes de la tribu Choctaw (à laquelle appartient Maya) au fil des siècles passés. Ici les équipes s'amusent à rendre hommage à différents films/registres cinématographiques (avec du western silencieux, ou une séquence très réussie sur le site historique de Cahokia qui rappelle Apocalypto) tout en plaçant des éléments narratifs qui auront leur importance pour le grand final de la série - on y revient après, puisque hélas la réunion de ces éléments n'entre pas en compte dans les points positifs.
Il faudra aussi souligner la performance d'Alaqua Cox, qui se montre plus intéressante qu'elle ne l'était dans Hawkeye (malgré son introduction qui avait un certain style), et dont on a envie de suivre la quête, du moins sur la première moitié de la série. Retrouvailles familiales et interrogations sur le passé sont au rendez-vous avec quelques scènes de pétage de crâne, ainsi qu'une course-poursuite (mal éclairée) sur un train, permettent de passer un moment pas désagréable, mais qui accuse déjà de quelques faiblesses. Cox impressionne surtout dans ses chorégraphies et ses cascades - qu'elle réalise elle-même en étant réellement, comme son personnage, handicapée (en n'ayant qu'une jambe valide). Ce n'est pas forcément un argument à lui seul qui rehausse le niveau de la série, mais il est important de le souligner.
Les problèmes d'Echo se font sentir dès le premier épisode, malgré tous les bons aspects relevés auparavant. D'une part, malgré le temps long pris pour le flashback, il est assez évident que pour quiconque n'a rien regardé de Hawkeye ou de certaines productions Marvel Studios auparavant, ou de la série Daredevil de Netflix, le premier épisode ne devrait pas convaincre autant que pour les autres. Le label Marvel Spotlight faillit une première fois dans sa promesse de proposer quelque chose qui serait véritablement détaché d'une continuité. En outre, il y a évidemment des soucis de tonalité et de caractérisation vis-à-vis de la façon dont Echo et le Kingpin étaient dépeints dans Hawkeye. En second lieu, on retrouvera les longueurs habituelles propres aux séries Marvel de Disney+, puisque Echo n'est toujours pas une réelle série télévisée mais adopte bien cette forme hybride d'un film trop long découpé en plusieurs (ici, cinq) parties.
Un modèle narratif qui fait qu'une fois passée l'introduction que constitue le premier épisode, où beaucoup de moyens ont été donnés, on multiplie des passages plus ou moins ennuyeux, et surtout : on a un peu du mal à comprendre réellement ce qu'est le plan de Maya tout du long. Les enjeux ne sont pas très clairs sur l'importance de l'emprise de Fisk en Oklahoma, ni sur ce que Maya fera une fois qu'elle aurait atteint son but. Les disputes familiales - notamment avec l'oncle Henry (Chaske Spencer) qui a l'air de changer d'avis d'un épisode à un autre, ou avec la grand-mère Chula (Tantoo Cardinal, vue dans Killers of the Flower Moon tout récemment) - ne sont pas très intéressantes sur le plan émotionnel, et il faut reconnaître qu'il n'est pas aisé de retranscrire quelque chose d'intense dans des dialogues en langage de signes.
Le vrai problème d'Echo survient à la fin du troisième épisode, et le démarrage du quatrième. C'est là que se fait la confrontation tant attendue entre Wilson Fisk et Echo, et d'un coup, toute la première partie de la série semble disparaître, pour que les enjeux se recentrent sur un duel à échelle beaucoup plus personnelle, et que l'on a en réalité déjà vu dans le MCU avec le duo Thanos/Gamorra. La relation père/fille dépeinte n'a rien de neuf, on en oublie l'objectif plus large de Maya, et les scènes d'action qu'on avait appréciées au départ se retrouvent par la suite beaucoup plus ternes et moins inventives. On sait depuis la diffusion que la série a subi pas mal de réécriture (on rappelle que pas moins de sept scénaristes sont crédités sur le seul 2e épisode), au point qu'un sixième épisode aurait été entièrement coupé, et cela se ressent. L'impression vécue est qu'on est face à deux histoires différentes, ou en tout cas clairement qu'il y a eu deux intentions assez opposées sur ce projet en termes de récits et de tonalités.
Sans aller dans la comédie, la seconde moitié de série est quand même plus léger et parfois bizarre (toute cette scène de repas entre Wilson et Maya, avec ce gadget pour montrer en langue des signes ce qui est dit, qui bénéficie d'un effet visuel vraiment laid). La démonstration la plus évidente de cet aspect vient avec l'ultime épisode, qui nous explique en réalité pourquoi Echo doit porter ce nom. Un passage en lien avec les flashbacks d'ouverture mentionnés précédemment, qui fait exploser complètement la dimension terre-à-terre de la série, donne lieu à un affrontement final bâclé et grand-guignolesque ou au final tout le monde peut avoir un peu de super-pouvoirs parce qu'on a décidé qu'en fait Echo se ferait l'écho (pun intended) de ses ancêtres et pour récupérer leurs pouvoirs, et pourraient les distribuer à ses proches.
Qu'on se comprenne : il n'y a rien de foncièrement mauvais à vouloir se démarquer radicalement de ce que peut faire Echo en comics. L'adaptation reste toujours une forme de trahison avec des choix nécessaires que l'on peut évaluer à la hauteur du résultat. Ici, Marvel Studios cherche à s'appuyer sur l'héritage de son héroïne en tant qu'amérindienne et a voulu se démarquer de ses capacités de mimétisme venues des comics (puisqu'au fond, Taskmaster est déjà installée dans le MCU). L'intention est perceptible, c'est la réalisation qui pêche. Dans la façon dont ce pouvoir est représenté, dont ses mécaniques fonctionnent (on ne les comprend simplement pas), et surtout dans la cassure de tonalité que ça entraîne vis-à-vis de l'approche terre à terre de la série sur sa première moitié.
Ceci dit, la toute première scène d'Echo (qui montre l'arrivée des premiers Choctaw sur Terre) était sûrement un indice sur cette autre faillite du label Marvel Spotlight. La série se conclut donc sur ce sentiment d'avoir regardé quelque chose de bicéphale, déchiré par son processus de production en interne et des errements d'un studio qui a revu ses plans en cours de route. Difficile également d'avoir envie d'en voir plus sur Echo par rapport à sa dernière scène, ou de se rassurer sur le potentiel de Daredevil : Born Again. Récemment en interview, Vincent D'Onofrio expliquait que la décision récente de Marvel Studios d'inclure finalement les séries Defenders de Netflix dans leur supposée "timeline sacrée" (il faudra qu'on revienne un jour sur ce coup de comm' effroyablement cynique) s'était faite à partir du moment où Daredevil : Born Again a été repensée de fond en comble, soit au cours de la longue grève de 2023. Il semble plus que probable que quelque chose de similaire soit arrivé avec Echo, qui dans un premier temps devait s'inscrire dans une tonalité "normale" et raccord avec le passé de Marvel Studios sur petit écran, et qu'il a ensuite été décidé que finalement, puisque la série Daredevil de Netflix allait être canon, autant reprendre Echo et l'amener vers cette tonalité, en s'offrant en plus un nouveau "label" histoire de présenter ça de façon propre publiquement. Preuve de ces changements : la fameuse scène coupée de la série était en réalité présente dans le tout premier trailer de la série.
Pas de miracle pour la première production estampillée "Marvel Spotlight". Echo propose par petites séquences (une baston par-ci, un flashback par là) des éléments que l'on aurait envie de voir de façon plus poussée, et sur toute une saison, mais la série est visiblement une énième créature de Frankenstein, dont ce que l'on voit n'est que le résultat de différentes approches par un studio qui n'a jamais réellement su ce qu'il voulait faire de ce personnage. Trop "violente" pour un public familial, incapable de tenir ses promesses pour ceux qui voudraient du "Daredevil-like", et bien trop bancale sur ses enjeux narratifs ou le développement de son héroïne, Echo échoue à captiver, avec un ressenti final très moyen malgré le début prometteur et la performance (physique, notamment) de son actrice principale. Contentez-vous de quelques extraits choisis pour voir ça et là ce qui est un peu réussi, car l'ensemble ne vaut hélas toujours pas le coup.