Nouvelle partie de chaises musicales chez IDW. En difficultés depuis quelques années, l'enseigne peine encore à se stabiliser au milieu de la tempête. Certaines des licences Hasbro ont quitté le catalogue de la maison d'édition (G.I. Joe, Transformers), de même que certaines séries cultes (Usagi Yojimbo), les problématiques économiques ont poussé les responsables de la compagnie à se séparer de 40% de la masse salariale (sous l'argument des emplois "redondants") et les têtes pensantes se passent le relais depuis dans une sorte de grand test à l'effort. La liste est longue et l'on pourrait même s'amuser à désigner un point d'origine potentiel : le patient zéro, celui qui aura anticipé la crise avant les autres, Chris Ryall. Ancien président de la maison IDW Publishing, celui-ci a quitté la compagnie au bout d'un règne de quinze ans pour aller fonder le label Sygyzy (Image Comics) en compagnie de son ami Ashley Wood.
Et depuis ? Des départs en cascade
Le départ de
Ryall en 2019 anticipe de quelques années la crise actuelle. Pour prendre les choses dans le désordre : en 2022,
Bobby Curnow, éditeur principal du pôle
Tortues Ninja, avait quitté la compagnie pour prendre les commandes de
Magma Comix. En 2021,
Mark Doyle, un éditeur respecté pour son travail chez
DC Comics, avait été embauché pour superviser une nouvelle ligne de créations originales,
puis licencié en 2024, tout récemment, à l'aune de la crise.
Scott Dunbier, le créateur du format
Artist's Edition, un pionnier dans la recherche de nouveaux formats sur le marché américain, a également décidé de plier bagage en 2024
pour monter sa propre enseigne,
Act 4 Publishing. Et enfin,
Jamie S. Rich, ancien des éditions
Dark Horse et
Vertigo embauché en 2022, a lui-aussi quitté la compagnie en 2024 pour participer à l'effort mené
par le producteur de cinéma Eric Gitter (
Extraction) dans l'idée de lancer une énième boîte postale dédiée à la création de comics sur le marché indépendant.
Entre 2023 et 2024, Rich avait accepté le poste d'éditeur-en-chef de la maison IDW Publishing avant de réaliser, vraisemblablement, l'état des dégâts en interne. Il finira par fuir vers de nouvelles aventures, plus accessibles ou plus enthousiasmantes, et laissera la compagnie sans capitaine pour superviser les affaires courantes. Selon BleedingCool, ce départ avait été plutôt mal vécu en interne, dans la mesure où beaucoup estimaient que Jamie S. Rich avait les capacités nécessaires pour redresser la compagnie. Dans la panique, le président de l'entreprise, Davidi Jonas, aurait même tenté de persuader Chris Ryall de reprendre son ancien poste pour stabiliser la situation, sans succès.
Restait donc à nommer un éditeur en capacité de colmater l'hémorragie. La décision a été annoncée tout récemment, et c'est finalement un autre ancien de la maison IDW qui a finalement accepté l'offre d'emploi, Bobby Curnow. Une annonce curieuse, dans la mesure où celui-ci avait été l'un des premiers à suivre l'exemple de Ryall en décidant de tout plaquer pour de nouvelles aventures. Lors de son départ, Curnow s'était même fendu d'une missive plutôt pessimiste, en expliquant notamment avoir frôlé le burn out lors de ses dernières années à la tête du pôle Tortues Ninja. Voici ce qu'il avait écrit à l'époque :
"Après plus de douze ans et au moins un milliers de comics publiés, dont plus de trois-cent numéros des TMNT, [...], Godzilla, Usagi Yojimbo, quelques centaines de pages écrites de ma main, quelques sélections aux Eisner Awards... J'ai pris la décision de quitter IDW Publishing ! Ca n'a pas été un choix facile, mais au sortir de ces deux dernières années, je me sens vraiment épuisé, coincé dans la routine d'un poste qui ne m'apporte plus de satisfaction. J'avais tout simplement besoin de changement. Je vais passer du temps à me ressourcer, à créer, puis à travailler sur des projets personnels qui me passionnent davantage."
Auteur à ses heures,
Curnow est aussi responsable de certains passages des séries
Tortues Ninja,
Godzilla Legends,
My Little Pony, et de quelques créations originales. On peut comprendre en quoi cette routine de douze ans a pu le lasser de ce travail répétitif, sans même évoquer le fait d'évoluer dans une compagnie en pleine crise. En lisant entre les lignes, on peut même se demander si
Curnow n'avait pas déjà postulé pour le rôle d'éditeur-en-chef à l'époque, lorsque
John Barber, alors à la tête de l'enseigne,
avait dû démissionner après avoir échoué à conserver les droits comics deux licences
Transformers et
G.I. Joe au format comics.
En définitive, Curnow hérite donc d'une compagnie endommagée, mais pourra tout de même compter sur l'aide de la présidence pour développer ses propres pôles de compétence : choisir un vétéran des Tortues Ninja et de Godzilla, les deux plus grosses franchises encore publiées chez IDW, passe effectivement pour un choix intelligent dans l'optique d'insister sur les séries à licence, dernier pôle d'attraction de la maison dans l'immédiat. En revanche, les créations originales risquent d'avoir un peu plus de mal à exister dans ce nouvel écosystème (en particulier face à la concurrence des éditions Dark Horse, Image Comics, DSTLRY, etc). Une nouvelle direction déjà amorcée par le départ de Doyle et Rich, deux spécialistes de l'accompagnement des auteurs sur les projets inédits.
A voir si Curnow parvient à trouver l'équation magique qui permettra à IDW de sortir la tête de l'eau, ou si cette nomination n'est pas un énième recul pour mieux sauter vers la prochaine étape de la crise.