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Blasfamous : plongée dans un monde de popstars et d'idolâtrie avec Mirka Andolfo !

Blasfamous : plongée dans un monde de popstars et d'idolâtrie avec Mirka Andolfo !

InterviewGlénat

Autrice complète italienne, Mirka Andolfo ne cesse d'accroître sa popularité au fil de ses diverses parutions, qu'elles se fassent du côté des États-Unis (chez Image Comics, un peu chez DC Comics, et chez DSTLRY plus récemment) ou en France (principalement, si ce n'est exclusivement ou presque chez Glénat pour les créations originales). Les comics qu'elle réalise sont toujours à la croisée des genres, pouvant aller de la comédie erotico-romantique (Sweet Paprika) au polar mystique (Contro Natura) en passant par l'horreur gothique (Mercy). Pour son dernier né Blasfamous, la comédie noire se mêle au fantastique et à une touche d'horreur pour un récit qui parle du pouvoir des stars sur les masses, de bien, de mal (ou de la conception qu'en fait la religion), et de musique.

Mirka Andolfo était l'invitée du dernier FIBD des éditions Glénat pour la sortie de Blasfamous. Nous avons pu la retrouver au moment où moment du festival, pour une courte interview qui lui a permis de discuter de sa toute dernière création. On évoque les influences, les thématiques, ainsi que le futur proche de la dessinatrice. Une discussion que vous pouvez également écouter (en anglais) via le podcast First Print.

Nous remercions chaleureusement Clément Boitrelle qui s'est occupé de la traduction et retranscription de l'interview.


Titre

TExte

Arno : C’est un vrai plaisir que de vous retrouver au micro de notre podcast. Comment allez-vous Mirka ?

Mirka : Très bien et vous ? Je suis ravie d’être de retour à Angoulême.

Nous sommes ensemble aujourd’hui pour discuter de Blasfamous qui vient tout juste d’être publié en France. Comment vous-êtes vous organisée parmi vos différents projets : vous avez travaillé sur Sweet Paprika, vous avez également scénarisé d’autres titres… Comment vous organisez-vous ?

C’est très difficile ! Je travaille quasiment tous les jours de la semaine mais ça en vaut vraiment la peine. C’est surtout difficile quand je suis en déplacement, je ne m’arrête jamais. Ici par exemple à l’hôtel, j’ai mon Ipad donc je ne m’arrête pas. Mais c’est aussi important de faire des pauses pour être plus efficace.

D’accord. Blasfamous est un titre qui a d’abord été publié chez DSTLRY aux Etats-Unis, est-ce qu’ils vous ont contactée pour travailler ensemble ? Expliquez-nous comment le projet s’est concrètement mis en marche.

C’est tout à fait ça. Ils m’ont contactée car ils formaient une équipe de plusieurs artistes qui travaillent aux Etats-Unis. Il y a de très grands noms comme Brian Azzarello, James Tynion IV et bien d’autres. En tant qu’artiste fondatrice (les artistes fondateurs chez DSTLRY sont également actionnaires de l'entreprise, ndlr), c’est un réel honneur de faire partie de cette équipe. C’est un projet pour lequel j’avais de grandes ambitions.

En quoi ce projet est-il différent de ce que vous pouvez faire en Italie, au Studio Arancia ?

Je travaille toujours avec le Studio Arancia. Vous voulez-dire en termes de réputation ?

Oui c’est ça.

Ecoutez, c’est la même chose mais en même temps différent ! En tant qu’artiste fondatrice, je suis plus impliquée dans le projet, et je dirais même dans tous les projets avec DSTLRY. Cela fait partie de notre collaboration. Disons plutôt que c’est un projet plus personnel, et on est tous très enthousiaste à l’idée de travailler ensemble sur ce projet.

Quelle a été l’idée de base pour Blasfamous ?

Mes œuvres sont soit humoristiques ou horrifiques. Avec Blasfamous, je voulais créer quelque chose qui mélange l’horreur et la comédie. J’ai surtout été inspirée par la musique que j’écoutais à l’époque. J’ai par exemple été beaucoup inspirée par le groupe Ghost, je ne sais pas si vous le connaissez ?

Oui oui.

Ils sont super et ils jouent beaucoup sur…

… les costumes et la mise en scène ?


Oui exactement ! Il y a beaucoup de références à l’Eglise. Je me suis demandé à quoi pourrait ressembler un monde avec ce genre d’imagerie. J’ai donc imaginé ce monde fou où toutes les célébrités sont littéralement vénérées comme des dieux ! Ils tirent des prières de leurs fans un pouvoir bien réel. Clelia, la protagoniste, est la pop star la plus célèbre de cette nouvelle « Eglise » qui utilise ces nouveaux « saints » pour obtenir le plus de pouvoir possible.

Quelles ont été vos influences pour le design de Clelia ?

J’ai été beaucoup inspirée par Lady Gaga, surtout certains costumes que Clelia porte ont été inspirés par ceux de Lady Gaga, auxquels j’ai apporté quelques changements. Mais en effet, Clelia a fortement été inspirée par Lady Gaga, c’est une de mes artistes préférées, comme Ghost.

Il y a quelque chose d’amusant avec Blasfamous car vous élevez des chanteuses pop au rang littéralement d’icônes contemporaines, au même titre que les influenceurs que l’on vénère de nos jours alors que ce ne sont que des êtres humains, aviez-vous ça en tête ?

Absolument. Je veux dire, des personnalités aujourd’hui sont considérées comme de véritables dieux modernes mais au final, ils sont humains tout comme nous ! Mais comme on les perçoit ainsi, les gens s’imaginent qu’ils sont parfaits, immaculés et donc je voulais explorer cet aspect. Par exemple dans Blasfamous, ces soi-disant saints sont tout sauf des saints ! Je ne pense vraiment pas qu’il s’agisse de bonnes personnes. C’est de ça que je voulais parler.

C’est très intéressant de voir que vous jouez également avec la religion et surtout du contrôle que cette dernière peut avoir sur les gens. Comme vous l’avez dit par exemple il n’y a pas de personnages bons ; et si ceux qui représentaient le bien étaient tout sauf vertueux. Est-ce qu’il s’agit là de votre position sur la religion et du contrôle de masse qu’elle a pu exercer sur l’humanité ?

Pour être honnête, ça ne parle pas vraiment de ça mais plus de la vénération que l’on peut avoir pour des célébrités. Je voulais montrer que personne n’est supérieur à quelqu’un d’autre. Je voulais surtout montrer comment les fans peuvent percevoir ces célébrités, que ce soient des chanteurs ou des influenceurs, comme de véritables dieux. Et comment tout ce qui les entoure semble immaculé, exempt de tout défauts. Evidemment c’est loin d’être le cas. Voilà de quoi je voulais parler.

Je vous posais cette question car dans vos anciens travaux vous avez beaucoup utilisé l’imagerie des démons, des anges, de l’Eglise entre autres, et je me demandais si c’était quelque chose qui vous importait…

C’est vrai qu’il y a toujours des références religieuses mais depuis que je suis toute petite c’est quelque chose qui m’a toujours fascinée et j’aime jouer avec ces figures… Je les traite comme des figures mythologiques et j’aime travailler cette imagerie. J’aime surtout jouer avec les contrastes. Et comme rien n’est vraiment ce qu’il semble être, j’aime par exemple imaginer des démons qui peuvent parfois faire preuve de plus de gentillesse que les anges. C’est vraiment quelque chose avec lequel j’aime jouer.

En termes d’inspiration visuelle, avez-vous des influences ? Certains personnages avec leurs tenues resplendissantes m’ont fait penser à des personnages que l’on pourrait trouver dans Bayonetta ou des jeux du genre…

Exactement ! J’adore Devil May Cry ! Comme je voulais quelque chose de plus léger je m’en suis beaucoup inspirée. Il y a un ange notamment à la fin qui m’a beaucoup inspirée. Je joue à beaucoup de jeux vidéo et ils sont pour une grande part de mon inspiration visuelle. Mercy par exemple est inspiré du jeu Bloodborne, je pense que c’est assez flagrant.


Est-ce qu’il a été difficile de trouver l’équilibre entre humour et horreur dans votre histoire ?

Oui mais j’aime utiliser cet équilibre pour souligner certains passages. L’humour est très cartoonesque dans certaines scènes et cela contraste avec d’autres moments très graves où j’utilise des couleurs très sombres. Selon moi ce contraste aide la narration… Je vois ça comme un plot-twist : vous lisez ces scènes cartoonesques et bam ! D’un coup quelque chose de très sombre se produit, et cela tranche avec ce que vous venez de lire.

Comme vous l’avez dit, il y a effectivement des passages très sombres et très violents qui rappellent vos anciens travaux : Mercy était plutôt sanglant mais même Contro Natura était très violent. J’ai été très surpris de voir ce genre de scènes, surtout ce qui arrive un moment à Clelia. J’imagine que vous vouliez aller plus loin dans la violence graphique. Y a-t-il un élément cathartique à dessiner des scènes aussi violentes ?

Oui. J’aime dessiner ce genre de scènes. Pour moi tout est question de contraste. Qu’attend le lecteur dans ce genre d’histoire ? Mon but principal est de le surprendre et c’est ce que j’essaie de faire. C’est pour ça que j’essaie de mettre des scènes qui contrastent avec le reste du livre.

Vous n’avez donc pas de contraintes ? Je sais par exemple qu’aux Etats-Unis il n’y a pas trop de problème avec la violence mais en ce qui concerne des éléments plus sexy ils ont tendance à être plus prudes. Je voulais savoir si vous vous restreignez parfois car dans d’autres de vos travaux l’accent sur le sexe est plus prononcé. Est-ce différent pour un projet destiné aux Etats-Unis ?

Pour moi Blasfamous ne parle pas tant de sexe…

… il y a pourtant pas mal d’éléments…

Oui c’est vrai… Pour être honnête j’essaie de ne pas me forcer…  Comme dans Blasfamous par exemple. Il n’y a pas autant de sexe que dans Sweet Paprika car ce n’est pas vraiment ça le sujet principal de l’histoire -à l’inverse de Sweet Paprika qui parlait uniquement de sexe. Mais je peux voir parfois des gens choqués par ce genre de scènes… Certaines personnes peuvent même se montrer un peu snob concernant les scènes de sexe ou un peu trop sexy. Mais en même temps, il y a beaucoup de lecteurs qui aiment ce genre de thématiques et qui les soutiennent. Pour être honnête je trouve que c’est un genre sous-estimé. La comédie et le sexe ensemble n’est pas un genre très commun, mais les lecteurs qui consomment ce genre d’histoires sont très dévoués et les soutiennent vraiment. Les auteurs devraient en être plus conscients.

J’ai par exemple été très surprise de voir que Sweet Paprika a remporté le Harvey Award du meilleur comics international car d’habitude ce genre de récompenses est attribué à des comics bien différents ! J’ai été très heureuse et honorée. Ce qui montre bien que les lecteurs aiment ce genre de comics.

Avez-vous changé votre manière de travailler pour ce projet avec DSTLRY car ils ont une approche complètement différente concernant la publication, en termes de format notamment. Leur single-issues comportent 48 pages contre 22 en temps normal. Y a-t-il eu un impact sur le rythme et la structure de votre histoire ?

Un peu oui. J’ai l’habitude de travailler avec des chapitres de 20 pages, cela a donc été un peu plus difficile pour être franche. Mais cela m’a beaucoup plu.

DSTLRY a voulu utiliser ce nouveau format pour mettre en avant les illustrations. Je comprends que les lecteurs apprécient ces dessins plus grands, mais pour moi cela représente plus de travail ! Comme les pages sont plus grandes, je dois faire attention à plus de détails. Mais ça en vaut la peine. Les livres publiés chez DSTLRY ont un côté… « deluxe » et j’apprécie beaucoup ça.

Ce sont vraiment des produits de haute qualité. Ils sont plus chers que les single-issues habituels, mais cela ne vous dérange pas de dépenser un peu plus…

Selon moi c’est une bonne chose pour les collectionneurs, c’est une démarche que j’approuve.

Plus globalement, quel regard portez-vous sur l’émergence… comment dire… de votre « fandom » aux Etats-Unis mais aussi en France ? Car vous êtes vraiment une étoile montante dans l’industrie des comics.

Je suis ravie de voir comment mon lectorat s’est développé titre après titre. Je suis très heureuse de voir l’évolution de mon public en France et j’espère le voir encore grandir, surtout avec la sortie de Blasfamous. Glénat a fait un super travail. Le public français est encore un peu nouveau pour moi, mais à chaque fois que je viens en France, je vois de plus en plus de monde et j’en suis très heureuse.


Une question hors sujet, mais nous avons entendu parler il y a deux ou trois ans d’une potentielle adaptation animée de Sweet Paprika. Est-ce toujours d’actualité ? Est-ce qu’on peut espérer la voir un jour ?

Je n’ai pas grand-chose à vous dire là-dessus si ce n’est que cela prend énormément de temps. Le projet ralentit un peu mais il est toujours d’actualité. Je peux juste vous dire qu’il faudra attendre…

Il faudra donc être patient…

Tout à fait. Je sais que beaucoup de personnes attendent ce projet mais croyez-moi, ça en vaudra la peine !

Très bien. Que vous réserve le futur après Blasfamous ? Sur quel nouveau projet travaillez-vous en ce moment, que nous préparez-vous ?

Eh bien je travaille sur un nouveau projet chez DSTLRY qui j’espère sera "aussi" (en français dans le texte, ndlr)  disponible en France. Je peux juste vous dire que cela parle de vampires. Vous savez, les vampires c’est toujours cool ! Peu importe l’époque ! C’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire. C’est une approche… comment le dire correctement… C’est un film de série B mais avec des vampires ! Je sais que ça n’a pas l’air très intéressant dit comme ça…

J’adore les films de série B et même Z ! (c'est Midnight Airlines, en fait, ndlr)

Ce sera exactement comme ça ! Avec beaucoup plus d’horreur et de gore ! C’est un retour à l’horreur et au gore. Plus généralement, je me suis beaucoup amusée avec Sweet Paprika, qui ressemble beaucoup à un manga même si ce n’en est pas un…c’est une déclaration d’amour au manga ! L’histoire a d’ailleurs été publiée au Japon le mois dernier chez Kadokawa. Mais c’est quelque chose que j’apprécie vraiment dessiner. C’est facile pour moi. Attendez, pas forcément facile car cela demande du travail mais je suis tellement à l’aise avec ce genre de dessin que cela me semble très naturel… Je ne sais pas trop comment l’expliquer…

En tout cas je réfléchi déjà à un nouveau projet, sans lien avec Sweet Paprika, mais qui tendrait beaucoup plus du côté manga, beaucoup plus qu’avec Sweet Paprika. Nous verrons bien ! Mais ce sera après le projet avec les vampires !

Nous avons hâte de les découvrir ! Merci beaucoup Mirka.

Merci à vous !


Arno Kikoo
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