Précédemment dans notre Countdown To Infinity War :
• Iron Man : point de départ ou point de non retour ?
• The Incredible Hulk : un mal pour un bien ?
• Iron Man 2 : première défaite du modèle ?
• Thor : le marteau et l'enclume ?
• Captain America - First Avenger : méta pour les bonnes raisons
• Avengers : Vers l'Infini et au-delà
• Iron Man 3 : le premier film d'auteur de Marvel Studios
• Thor : The Dark World et la crise d'adolescence du Marvel Cinematic Universe
• Captain America : Winter Soldier, illusions désassemblées
• Guardians of the Galaxy : Vers l'Infini et au-delà (again)
• Avengers - Age of Ultron : le film qui nous manquait
• Ant-Man, une histoire de famille
Le mois dernier, nous vous livrions un retour sur le second opus consacré à Captain America chez Marvel Studios. Toujours écrit par le duo Christopher Markus / Stephen McFeely, le film marquait l’arrivée d’Anthony et Joe Russo dans l’univers Marvel, et marquait un tournant dans le genre des films Marvel, tout en se posant comme l’évolution naturelle du personnage de Steve Rogers comme un homme hors du temps, dans une époque en perte d’illusions.
Mais tout ceci ne nous avait pas préparés à la suite, sous forme de fin de trilogie consacré au héros, qui finirait par se transformer en quelque chose de beaucoup plus grand. A l’époque, nous ne savions pas encore que Joss Whedon finirait par laisser les clés des Vengeurs aux Russo. Et nous ne savions pas non plus qu’ils allaient se faire la main auparavant sur une libre adaptation de l’événement phare de Marvel que fut Civil War.
Annoncé fin 2014, le titre de ce troisième opus a fait l’effet d’une bombe auprès du public, et principalement des fans, créant déjà une guerre civile entre ceux qui étaient intéressés par la proposition - malgré quelques sceptiques qui ne comprenaient pas l’idée de l’adapter dans une trilogie consacrée à un héros solo – et ceux qui jugeaient déjà le film comme impossible à satisfaire, dans un univers ne comptant qu’une dizaine de héros, « et même pas Spider-Man et les Fantastic Four ! Ouin. »
Admettons. Mais admettons également que la désormais gigantesque machine Marvel Studios avaient encore deux ans pour mettre sur pieds son projet, nous cachait une jolie négociation surprise, et avait la volonté de mettre les moyens. Une telle volonté que, devant les réticences d’Isaac Permultter, ferme comme un bon contrôleur de gestion, Disney a finie par dissoudre le comité créatif de Marvel et donner la supervision du studio à Kevin Feige et Louis d’Esposito, les rendant bien plus indépendants.
Condamné d’avance pour le futur manque d’ampleur de son entreprise, l’équipe de Feige et des frères Russo a pourtant tout fait pour mettre les petits plats dans les grands, en confirmant rapidement la plupart de leurs héros au casting, les grands absents étant Thor et Hulk, avec une justification qui viendrait dans Age of Ultron mi-2015. Mais au milieu d’une guerre de héros qui se connaissent déjà, deux petits nouveaux allaient faire leur arrivée.
Black Panther, héros et futur roi Wakandais, est introduit dans le film pour venir se placer comme un outsider, pris contre son gré dans le conflit idéologique qui va frapper les Vengeurs. Impeccablement interprété par Chadwick Boseman, le personnage de T’Challa réussit à s’imposer comme un personnage clé, déterminant sur une partie du conflit, et qui ouvre surtout la porte de son pays jusqu’ici renfermé sur lui-même, et qui aura beaucoup à apporter au futur de Marvel.
Mais plus étonnant, c’est un personnage très attendu des fans et jusqu’ici jalousement protégé par Sony, qui vient faire son retour à la maison. Après deux séries de films en quinze ans, et une information leakée par des vols d’e-mails, Spider-Man arrive dans l’univers partagé des Vengeurs avec sa jeunesse et sa légèreté, et une future série de films à dollars.
Mais ces quelques surprises sont-elles suffisantes pour contenter les fans ? Oui et non. Car pour ceux qui attendaient une adaptation stricto sensu du comic book, l’ampleur est toujours forcément absente. Mais avouons que comparer un univers existant depuis huit ans à un univers de plusieurs décennies, ça n’a pas trop de sens. Si par contre, on attendait le cœur de l’événement, à savoir l’opposition idéologique des Vengeurs, et en particulier de ses leaders, le tout mêlé à un film sur notre bon Captain, alors là on a été plutôt servis.
Car plutôt que de voir Civil War comme un combat de bourrins entre plein de héros auparavant copains, on peut le voir comme cette opposition éternellement d’actualité qui est celle de la liberté versus la sécurité. L’indépendance versus le contrôle, par une organisation quelconque. C’est littéralement la question que doit trancher chacun des Vengeurs, et des personnes à pouvoir du Marvel Universe.
Et c’est une question qui s’inscrit parfaitement dans l’évolution donnée jusqu’ici au personnage de Captain America. Après l’avoir découvert en patriote idéaliste, on l’a vu se retrouver traqué par l’organisation corrompue en laquelle il croyait. Et cette fois, il est face à un compromis qu’il ne peut pas faire : abandonner sa liberté d’agir pour la mettre entre les mains d’une énième bureaucratie. Et au même moment, on lui demande d’abandonner son ami le plus ancien à une vengeance aveugle.
C’est dans ce troisième opus que Cap se révèle comme le héros ultime que l’on connait, celui qui se place toujours du côté juste, plutôt que du côté populaire. Celui qui n’abandonnera jamais face à l’adversité, car il peut faire ça toute la journée. D’une façon détournée, on retrouve même au sein du film son discours mythique tiré de Civil War, demandant de ne pas bouger face à une menace sur nos idéaux.
Et pourtant, l’une des vraies forces du film est de réussir à donner du corps aux deux camps, là où le comic book montrait parfois qu’il était clairement du côté de Cap. Rarement Robert Downey Jr n’aura été aussi juste en Tony Stark, et dans sa défense des Accords de Sokovie, qu’il voit comme un mal nécessaire pour éviter le pire.
Au final, là où le bât blesse vraiment dans ce film, c’est sur son scénario beaucoup moins bien ficelé que sur Winter Soldier. Si l’action est intéressante, la vision d’ampleur de l’histoire est mal maitrisée, donnant lieu à des aberrations temporelles, mais aussi et surtout un plot final très branlant. A l’instar d’un Batman v Superman sorti à peine deux mois auparavant, une grande partie du scénario tient sur un plan abracadabrantesque et impossible à prévoir dans tant de détails par un super-vilain. Un état de fait qui déstabilise la structure du film, mais aussi ses enjeux, avec un statu quo forcé de fin de film qui veut une séparation des Vengeurs, mais une réconciliation possible à la moindre occasion.
Tout compte fait, Civil War s’avère être un bon moment de plaisir et de fan-service, et une bonne histoire pour Captain America, et ne pèche pas tant par son manque d’ambition global, préférant une logique plus intimiste, mais par un scénario moins solide que l’opus précédent, et le sentiment d’être une simple pièce d’un plan qui lui échappe. On ne reniera pas notre plaisir pris sur le moment, ou devant quelques scènes lors des revisionnages ultérieur, mais le film laisse le goût de l’inachevé dans sa promesse pour son univers partagé.