Précédemment dans notre Countdown To Infinity War :
• Iron Man : point de départ ou point de non retour ?
• The Incredible Hulk : un mal pour un bien ?
• Iron Man 2 : première défaite du modèle ?
• Thor : le marteau et l'enclume ?
• Captain America - First Avenger : méta pour les bonnes raisons
• Avengers : Vers l'Infini et au-delà
• Iron Man 3 : le premier film d'auteur de Marvel Studios
• Thor : The Dark World et la crise d'adolescence du Marvel Cinematic Universe
• Captain America : Winter Soldier, illusions désassemblées
• Guardians of the Galaxy : Vers l'Infini et au-delà (again)
• Avengers - Age of Ultron : le film qui nous manquait
• Ant-Man, une histoire de famille
• Captain America : Civil War, crises d'indépendances
En 2018, qu'on aime ou non les films Marvel Studios, il est difficile de nier l'importance de son succès dans l'ouverture de la "culture comics" à un grand public. Adapter les aventures d'Iron Man et consorts avec une philosophie proche de son parent papier sur grand écran n'était pas gagné mais Kevin Feige a très tôt affirmer son envie d'utiliser tout l'ADN de Marvel dans son entreprise.
Ainsi l'ami des casquettes glisse dès 2010 les noms de Guardians of the Galaxy et Doctor Strange comme comics qui pourraient connaître des adaptations sur le grand écran dans des futures plus ou moins proches. Nous avons maintenant la réponse et si je vous ai déjà parlé de Star-Lord et ses A-Holes dans un précédent papier, c'est le cas de Stephen Strange que nous allons autopsier aujourd'hui. Mais si les deux films sont évidemment très différents, leur objectif est cependant similaire dans la tête de Kevin Feige : étendre les frontières déjà larges de son univers.
En effet, faire rentrer Doctor Strange dans le game, c'est aussi introduire au grand public l'idée d'une dimension métaphysique de Marvel faite de magie, de plan astral, d'artefacts et de bouquins dangereux. Encore une fois, Kevin Feige continue ici à semer les graines d'un tableau plus large qui risque d'être bouleversé dès la fin du mois avec Avengers : Infinity War. Et les prochaines années pourrait déjà donner un très grand rôle à jouer à Benedict Cumberbatch, qui prendra part à la résistance contre l'invasion terrestre de Thanos. Mais retournons à notre sujet.
Tout comme le bon James Gunn, Marvel Studios a misé ses cartes sur un profil assez rock'n'roll pour donner vie à la première aventure de Doctor Strange sur les écrans, Scott Derrickson. En plus de son statut notable de sosie de Republ33k (lui aussi), l'américain s'est fait un nom dans le cinéma d'horreur avec l'Exorcisme d'Emilie Rose en 2005 mais aussi Sinister qui mettra en scène Ethan Hawke et Vincent d'Onofrio en 2012. Un CV donc assez éloigné de ce que pouvait envisager le studio. Pour convaincre qu'il est le Director Supreme, Scott investit personnellement dans le projet en développant notamment des concepts arts et une courte vidéo de sa vision de la scène de Doctor Strange : The Oath dans laquelle la version astrale de Strange tente de se sauver sur le plan physique. Marvel Studios est convaincu et gardera d'ailleurs la scène dans le long-métrage, finalement pas l'une des plus réussies.
Pour ouvrir le troisième œil du spectateur, Scott Derrickson réussit cependant, sur le script de John Spaihts, à jouer finement avec les codes du film d'origin story et la personnalité de son protagoniste. Chirurgien renommé au talent et à l'intellect infini, Stephen Strange va en effet voir son monde totalement détruit après un accident de voiture qui lui coûte l'usage de ses mains. Il va alors découvrir un monde magique qu'il va totalement refuser par pure logique pour finalement lui tendre le bras et devenir le héros que nous connaissons. En terme de cinéma, le réalisateur invite donc ici les spectateurs à mettre de côté leur crédulité pour franchir une nouvelle frontière de l'univers Marvel, qui a finalement encore quelques surprises à dégainer. Pour autant le film souffre en même tant de son format et colle une nouvelle fois à une formule Marvel Studios et son cahier des charges avec cette structure action/humour.
Mais après Guardians of the Galaxy, le studio semble d'ailleurs plus à l'aise avec l'exploration plus débridée de ses univers visuels, pour contrer l'aspect trop lisse des films des premières phases. Derrickson décide d'ailleurs d'offrir des scènes sous substances pour mettre en scène le plan astral mais puise aussi quelques inspirations dans l'œuvre de Chris Nolan et notamment Inception. On notera notamment la fameuse scène de baston dans un New York sans queue ni tête. Kudos pour le réalisateur qui réussit tout de suite à rendre attrayant l'exploration du plan astral permet tout de même d'en saisir la substance, pourtant impossible à conceptualiser pour le commun des mortels.
Malheureusement, cette prohiminence d'effets visuels nuit finalement à la structure d'un film qui se révèle assez classique et reste construit sur un schéma classique très linéaire glissant parfois vers les origines d'un "Tony Stark magicien". On peut tout de même compter sur le casting principal pour assurer devant l'écran, à travers Benedict Cumberbatch et son flegme collant à la peau de Stephen ou encore le mysticisme naturel de Tilda Swinton parfait pour l'Ancient One. Scott Derrickson tente d'effacer le peu d'implication de Kaecilius, incarné par un Mads Mikkelsen en retrait, dans la confrontation finale surprise entre Dormammu et Doctor Strange. Une scène qui a tout de même le mérite d'être originale.
Mais si Doctor Strange a l'air perdu entre les plans astral et physique, entretenant une timide relation avec Thor : Ragnarok le temps d'un caméo, c'est que Marvel Studios ne semble pas encore décidé sur le sort de son personnage. En effet, depuis sa sortie en 2016, Doctor Strange n'a toujours de date posée pour sa suite. Scott Derrickson est déjà en charge du projet qui prend son temps. Un hasard ? Probablement pas puisque si nous parlions du sort de Stephen Strange post-Infinity War un peu plus tôt, c'est que le héros pourrait être destiné à un rôle de premier plan pour combler les probables fins de parcours de Cap et Iron Man.
Finalement, si Doctor Strange n'est pas l'un des meilleurs films de Marvel Studios, il est efficace dans son rôle introductif nécessaire pour le personnage de Stephen Strange, unique dans une panoplie de personnages tous aussi puissants les uns que les autres. Mais le personnage de Steve Ditko et Stan Lee câche derrière lui un univers d'arcs et de possibilités pour Kevin Feige qui aurait finalement tort de se priver du plein potentiel d'un tel personnage. Et en poussant la réflexion un peu plus loin, on peut d'ailleurs imaginer le héros à la tête des Illuminati avec Reed Richards si un accord est finalement signé entre Marvel Studios et la Fox. Avouez que ça fait envie...