Au travers d'une enquête de douze mois, où l'équipe de rédaction explique avoir interagi avec plus d'une cinquantaine d'intervenants, The Atlantic publie un long article sur le cas Bryan Singer, réalisateur des premiers X-Men et emblème (supposé) de tout un système de protection des agresseurs à Hollywood. Accusé publiquement d'agression sexuelle sur mineur pour la quatrième fois de sa carrière, le cinéaste est aujourd'hui sous le feu de nouveaux témoignages.
Quatre hommes font le récit de leur histoire, dans des profils variés qui vont du collègue de tournage (mineur) aux fameuses fêtes organisées par les amis de Singer et où de jeunes gens lui étaient "présentés".
"Les accusations contre Singer couvrent un large spectre. Certaines des victimes supposées disent avoir été séduites par le réalisateur alors qu'elles étaient encore mineures, d'autres parlent de viols. Les victimes que nous avons rencontrées nous ont raconté le traumatisme de ces expériences, avec les problèmes de dépression, de syndrome post-traumatique et d'addiction qui s'en sont ensuivis."
Si certains, par peur de poursuites ou de représailles, choisissent de témoigner de manière anonyme, Victor Valdovinos confie son histoire à visage découvert. Celle d'un garçon de treize ans, agressé sur le tournage du film Apt Pupil de 1998. L'enquête, très détaillée, est parsemée de détails et de descriptions assez difficiles, dressant le portrait d'un metteur en scène habitué à l'impunité et dont les frasques n'avaient pas de secret dans les hautes sphères hollywoodiennes - en des temps pré-Weinstein, personne ne semblait pourtant s'en soucier.
Récemment, la 20th Century Fox aura commencé à couper les ponts avec Bryan Singer après des années de confiance et de partenariat autour de la franchise X-Men. Le studio Millenium Films a depuis fait une offre d'emploi au metteur en scène pour le film Red Sonja, estimée à dix millions de dollars d'après les sources (sérieuses) du Hollywood Reporter.
Un montant à huit chiffres impressionnant pour un réalisateur en instance de jugement, après qu'un quatrième procès pour viol sur mineur lui ait été intenté en décembre 2017 par César Sanchez-Guzman. D'après la plainte, l'acteur était âgé de dix-sept ans au moment des faits, survenus en 2003.
We spent 12 months investigating various lawsuits and allegations against Bryan Singer. In total, we spoke with more than 50 sources, including four men who have never before told their stories to reporters. https://t.co/Y6ltJ5wc5A pic.twitter.com/tqu3S4DBDH
— The Atlantic (@TheAtlantic) 24 janvier 2019
Pendant une levée de fonds publics, les investisseurs de Millenium ne se seront pas déclarés inquiets vis-à-vis de l'actualité judiciaire de Bryan Singer, et "pas un seul acheteur, pas un seul" n'aura exprimé de grief contre le cachet exorbitant du cinéaste ou l'aspect moral de cet embauche. Les diverses cérémonies de remise de prix pour le cinéma ne seront pas non plus revenues sur leur habituelle politique revenant à "séparer l'artiste de l'humain", en nommant Bohemian Rhapsody dans différentes catégories, sans jamais mentionner le nom de Singer cependant.
Ce-dernier aura proposé une (curieuse) réponse à l'enquête de The Atlantic, accusant la rédaction d'homophobie, dans la foulée du succès de son biopic sur Freddie Mercury. Une défense que le réalisateur avait déjà apporté à un article d'Esquire à son sujet en 1997, dont la publication avait été annulée en dernière minute.
A cela, on pourra répondre que les témoignages anonymes ont probablement peu d'impact sur l'argent ou la popularité des victimes supposées, ou qu'une enquête de douze mois repose rarement sur le succès potentiel d'un film aux cérémonies de récompenses prévues un an plus tard - ou bien ,au vu du cas (particulier) de Bryan Singer, qu'une enquête de ce genre aurait été publiable à n'importe quel moment.
Âgé de cinquante-trois ans, le réalisateur reste à l'heure actuelle dans l'attente de son prochain jugement, ou de son prochain contrat.