Tandis que la campagne de promo' de The Batman bat son plein, Warner Bros. finit de vider les fonds de tiroirs avant d'enchaîner sur la partie la plus intéressante de l'exercice publicitaire : les prises de parole. Souvent ancrées sur un ton largement complaisant vis-à-vis des studios et de la production (souvenez-vous), celles-ci permettent parfois d'en apprendre plus sur les coulisses. Et ainsi, de remonter la chaîne alimentaire, les origines, occasionnellement tortueuses, de cette famille de projets de commande habitués à passer de mains en mains.
Vivre et Laisser Mourir
De passage chez Esquire, Matt Reeves, metteur en scène et coscénariste de cette nouvelle lecture sur le vengeur de Gotham City, a par exemple évoqué sa première approche au moment de tâter le terrain pour le script original de The Batman, écrit par Ben Affleck. Celui-ci devait au départ réaliser le projet, avant que les cafouillages internes à Warner Bros. ne finissent par le démotiver. Affleck était apparemment toujours d'accord pour interpréter le personnage, et pour laisser son scénario entre les mains du studio, à condition que quelqu'un "qui trouverait l'écriture réussie" ne récupère les commandes.
Au moment de la prise de contact Reeves, Warner Bros. n'avait apparemment pas encore enterré cette première entreprise de suite dans la continuité de Batman V Superman et de Justice League (même si la scène post-générique du montage de Joss Whedon se chargera bien de couper les références explicites à la relation entre Batman et Deathstroke, pour éviter de prendre un risque inconsidéré à lier les deux projets).
"J'ai lu le script qu'ils avaient, et j'ai trouvé que c'était une approche tout à fait valable. C'était très porté sur l'action, très connecté aux autres films du DCEU, avec d'autres personnages importants venus d'autres comics. Mais j'ai immédiatement su en lisant ce scénario que ce n'était pas l'approche qui m'intéressait.
Je leur ai dit : 'écoutez. Peut-être que je ne suis pas la bonne personne pour ce projet.' Et je leur ai expliqué pourquoi j'aimais le personnage. Je leur ai dit qu'il y avait déjà eu beaucoup de bons films sur lui, mais que si c'était moi qui m'en occupait, je devrais en faire quelque chose de personnel, pour comprendre comment le manipuler, pour savoir comment manoeuvrer la caméra, quoi dire aux acteurs, et à quoi l'histoire allait ressembler. Cette approche, je leur ai dit, en leur montant le premier script, est tout à fait viable et enthousiasmante. C'est presque du James Bond, mais ce n'est pas quelque chose auquel je peux me connecter."
Pour mémoire, le premier script de
Ben Affleck, évoqué à plusieurs reprises dans la presse par plusieurs sources proches du dossier (
Joe Manganiello,
Robert Richardson) aurait suivi les manigances de
Deathstroke avec une grosse partie du scénario
basé dans l'Asile d'Arkham. Persuadé que
Batman était responsable de la mort de son fils, le mercenaire aurait causé une vaste émeute de prisonniers dans le centre de détention psychiatrique, pour un film qui aurait aussi servi à évoquer la mort de
Robin et introduire, vraisemblablement, le personnage de
Batgirl. Cette page a depuis été largement tournée,
Manganiello n'étant plus concerné par le rôle de
Deathstroke a priori, et
Barbara Gordon s'étant trouvée un autre itinéraire dans l'organigramme des studios.
Dans ce genre de cas de figure, on se demandera, encore et toujours, pourquoi DC Comics ne choisit pas d'adapter en bande-dessinée ce genre de scripts, condamnés à rester enfermer dans un placard. D'une part, le studio a payé pour ce travail, et aurait intérêt à le rentabiliser. D'autre part, des artistes comme Lee Bermejo ou Jason Fabok seraient susceptibles de coller à l'esthétique développée dans les films de Zack Snyder, ou à une approche plus photoréaliste en règle générale. Mais surtout, ce genre d'adaptations en comics permettraient de calmer la rancœur de fans encore très actifs sur les réseaux sociaux, et qui ne démordent pas de la façon dont Warner Bros. a fait le ménage après l'échec de Justice League dans ce petit début de saga. Le studio aurait vraisemblablement tout à gagner dans l'exercice - plutôt que d'attendre trente ans pour poursuivre en numérique l'idée de comics comme Batman '89 ou autres dérivations tombées trop tard pour parvenir à captiver grand monde.
The Batman est attendu pour le 2 mars 2022 au cinéma.