Depuis peu, Mark Millar axe son plan de communication sur une idée toute simple (et brocardée à tue-tête à qui veut bien l'entendre) : pourfendre les éditions DC Comics et Marvel en s'armant de son génie scénariste, de son talent marketing et de l'énorme carnet de chèques de Netflix pour tout arsenal. Récemment, l'auteur se vantait d'avoir "dérobé" aux deux maisons spécialisées dans les super-héros les artistes Jorge Jiménez (pour Nemesis Reloaded) et Pepe Larraz (pour Big Game), en se comparant notamment aux braqueurs de Reservoir Dogs.
"Les grandes gueules qui se font tuer à la fin ?"
Ouais, voilà. Et d'ailleurs, plutôt que de déformer les propos de
Millar, cette fois, contentons nous de traduire. L'employé des industries
Netflix a effectivement publié un nouveau communiqué de presse relatif à
un projet annoncé en fin d'année dernière,
Night Club, resté relativement discret depuis la première présentation. Première chose,
Juanan Ramirez (
Darkhawk) se chargera des dessins. Deuxième chose, le titre sera proposé à prix cassé (disons, par rapport aux standards actuels), à 1,99 dollars pour chaque numéro sur l'ensemble de la parution. Une idée qui serait apparue dans l'esprit de
Mark Millar comme une sorte de fulgurance.
"Millarworld est fier de demander aux artistes combien ils sont payés chez DC et Marvel et d'AUGMENTER le montant de ces salaires pour les motiver à venir travailler chez nous, donc nous sommes très bien au courant de ce que peut coûter une BD. Mais, en même temps, j'ai très envie de tenter une folle expérience...
Chaque fois que les prix ont changé dans l'industrie des comics, depuis que le Major Malcolm Wheeler-Nicholson nous a livré Detective Comics il y a près de quatre-vingt dix ans, ils ont toujours été vers le haut plutôt que vers le bas. C'est donc la toute première fois dans l'histoire des comics que quelqu'un va dans la direction opposée en proposant de payer MOINS CHER pour son nouveau gros projet. Bien sûr, cela signifie que nous devrons vendre deux fois plus de copies pour atteindre le montant que l'on aurait atteint en vendant au prix habituel, mais si ça marche, j'espère sincèrement que Marvel et DC imiteront l'idée. Ca pourrait être un game changer pour tout le monde. L'équipe créative reste payée comme d'habitude, et les gens ont leur comics à moitié prix. C'est parfait."
Plusieurs choses à déballer dans le tas, pendant que Mark Millar s'autorise un ricanement de super-méchant qui pense avoir remporté une bataille importante en s'essuyant le front avec ses billets de 500 balles. D'abord, il ne s'agit évidemment pas de la première fois de l'histoire des comics qu'une compagnie, quelle qu'elle soit, propose un tarif inférieur aux prix proposés par DC et Marvel. Ensuite, les prix en question restent surtout motivés par les objectifs de croissance fixés par les groupes propriétaires de ces deux entreprises, et ne peuvent évidemment pas se comparer à la production de comics de Millarworld - financée par Netflix, qui n'attend pas de retour particulier sur investissement sur ces BDs, attendu que l'édition ne fait partie du business model de la plateforme.
Les propriétaires des créations Mark Millar n'espèrent pas de lui qu'il arrive à vendre des comics, mais simplement qu'il continue de produire et d'alimenter un flot régulier de nouvelles idées pour générer de futurs contenus originaux. Vendre à perte dix à trente mille exemplaires d'un comics ne représente pas plus d'enjeu pour Netflix que de les vendre à profits - tenez, sur la même base, mettons que chaque numéro soit vendu à 8 dollars en générant donc une moyenne de 5 dollars de bénéfice net par exemplaire. Vous vous doutez bien que la plateforme n'irait pas sabrer le champagne pour 50.000 à 150.000 dollars de bénéfices sur un mois d'activité fiscale, en comparaison de ce que peut rapporter un mois d'abonnement sur plus de 150 millions de comptes payants. Si c'était le cas, les propriétaires auraient déjà monté un département "Netflix Comics" ou "Netflix Books" depuis un assez long moment plutôt que de louer les droits de leurs quelques grosses franchises à des partenaires de petite taille.
Bref, il était donc inutile de rajouter au synopsis intégré aux sollicitations officielles dans les catalogues de commande adressés aux libraires "Note : CETTE SERIE NE COÛTE QUE 1,99 DOLLARS. PRENEZ CA, MARVEL ET DC." (non, ce n'est pas une blague, c'est bien ce qui est écrit et : oui, en lettres capitales) comme un gosse de riche qui se la racle d'avoir payé les vacances de ses copains avec la carte bleue de papa. En particulier quand Millar admet lui-même qu'il n'a absolument pas besoin de sortir des comics et que Netflix se satisfait très bien des pitchs qu'il développe pour de futures séries ou longs-métrages - Night Club a par exemple été pensé dès le début comme une série télévisée et, de son propre aveu, la version comics est à considérer comme un bonus ou un simple caprice personnel dans le meilleur des cas.
Pour rappel, il s'agira d'un groupe d'adolescents devenus vampires après avoir été mordus, et qui décident d'utiliser leurs pouvoirs pour agir comme des super-héros. En lieu et place de costumes, ils adoptent des masques de lucha libre. En somme, le principe
de The All-Nighter de Chip Zdarsky mélangé à n'importe quelle série de super-héros avec des ados, et la seule originalité du masque en surcouche pour le gadget et faire bien sur la couverture. Enrichi d'un titre qui sent bon l'algorithme pour être bien sûrs de tomber dessus en cherchant n'importe quel contenu avec "
Night" ou "
Club" sur la grille
Netflix un champ d'attraction assez large au demeurant. Peut-être pour ça que la BD ne coûte pas cher, tiens. Hey, "prends ça"
Mark Millar !
Les couvertures variantes du premier numéro sont signées Greg Capullo, Dani Strips et Ben Oliver.