Précédemment dans notre Countdown To Infinity War :
• Iron Man : point de départ ou point de non retour ?
• The Incredible Hulk : un mal pour un bien ?
• Iron Man 2 : première défaite du modèle ?
• Thor : le marteau et l'enclume ?
• Captain America - First Avenger : méta pour les bonnes raisons
• Avengers : Vers l'Infini et au-delà
• Iron Man 3 : le premier film d'auteur de Marvel Studios
• Thor : The Dark World et la crise d'adolescence du Marvel Cinematic Universe
• Captain America : Winter Soldier, illusions désassemblées
• Guardians of the Galaxy : Vers l'Infini et au-delà (again)
• Avengers - Age of Ultron : le film qui nous manquait
• Ant-Man, une histoire de famille
• Captain America : Civil War, crises d'indépendances
• Doctor Strange : Marvel Studios ouvre son troisième œil
Le cas de Guardians of the Galaxy Vol.2 est un rien particulier. Parmi tous les films que j'ai pu revoir pour les besoins de cette chronique, c'est le plus récent mais aussi celui que j'ai pris le moins de plaisir à redécouvrir, pour des raisons que je n'arrive pas à détacher du contexte de mon premier visionnage. Cette suite sortait il y a seulement un an sur nos écrans, et déjà à l'époque, il était difficile de la juger sans prendre en compte deux éléments majeurs.
Bad reputation
Le premier, c'est la réputation acquise par le premier film écrit et réalisé par James Gunn au fil des ans. Si le second Guardians of the Galaxy ne se déroule que quelques mois après le précédent - c'est d'ailleurs l'unique exemple de ce type dans le Marvel Cinematic Universe à ce jour - trois ans séparent tout de même les deux films. Trois années durant lesquelles le public a eu le temps de porter aux nues le premier Guardians of the Galaxy, considéré par beaucoup comme l'exemple suprême de l’invulnérabilité de Marvel Studios.
"S'ils ont réussi à nous faire aimer une équipe de connards accompagnés d'un raton et d'un arbre qui parle, comment pourraient-ils se planter ?"
Si vous avez déjà entendu cette phrase, vous voyez de quelle genre de réputation je parle. Non pas que Guardians of the Galaxy soit nécessairement surcoté - je pense au contraire que sa popularité s'explique par un besoin qui commençait à devenir très évident chez les spectateurs - mais il faut avouer que le film de James Gunn a échappé à bien des critiques qui ciblaient ou ciblent aujourd'hui d'autres films du studio. Pour la simple et bonne raison que Guardians of the Galaxy n'est pas une licence. C'est un phénomène de mode à part entière, même si sa résistance au temps est à définir.
Le sens du sacrifice
Et c'est justement là où je voulais en venir. Le deuxième élément inséparable de Guardians of the Galaxy Vol.2, c'est le potentiel qu'il a choisi de sacrifier. Nous le disions, en devenant un véritable phénomène, Guardians premier du nom a sans doute poussé Marvel Studios vers de nouveaux horizons, encore plus colorés, comiques et irrévérencieux que ceux que scrutaient les films du studio avant 2014. Kevin Feige récolte d'ailleurs encore les fruits du succès de Guardians avec des films aussi variés que Thor : Ragnarok ou même Black Panther, qui à mon humble avis, auraient été très différents sans le succès de James Gunn. Tout ça pour vous dire que le réalisateur avait toute une galaxie devant lui, et qu'il a choisi de réduire son champ à une seule planète.
Le mystère des origines de Peter Quill était installé comme le MacGuffin d'une suite dès la fin du premier Guardians of the Galaxy. L'ennui, c'est que ce mystère a été résolu avant même la sortie du second volume, lorsqu'on nous a appris que non seulement Kurt Russell jouerait le père de Star-Lord, mais qu'en plus, son rôle prendrait la forme d'une version revisitée d'Ego la planète vivante, l'un des personnages les plus tarés de l'univers Marvel. Et dès le tournage de son film, James Gunn se défendait de ce "double spoiler" en expliquant que les révélations arrivaient suffisamment tôt dans l'intrigue pour ne pas priver le spectateur de son plaisir.
Mais malgré ma ressemblance physique avec le bonhomme, je ne pourrais pas être plus en désaccord. La paternité de Peter Quill était l'enjeu numéro un du film. Non seulement parce qu'elle concerne son personnage principal, mais surtout parce qu'elle affecte l'ensemble des protagonistes qui l'accompagnent. Derrière Fast & Furious, Guardians of the Galaxy est peut-être la licence qui mentionne le plus de fois le mot "famille" en un seul film, et griller la cartouche d'un père inconnu en dehors des salles est donc, à mon sens, une erreur des plus grossières.
Elle finit par toucher l'ensemble du film, qui a tout le mal du monde à dresser des enjeux dignes de ce nom une fois cette révélation écartée. Et je rappelle d'ailleurs que cette révélation était contenue dans la bande-annonce du film, avant qu'un petit malin ne m'explique que je n'avais qu'à faire un autre métier.
Ca va cartooner !
Sans l'architecture dramatique qu'aurait pu représenter cette quête du paternel, Guardians of the Galaxy Vol.2 s'embourbe dans une série de gags qui le rend bien moins attachant que son aîné. On ne va pas se mentir : le premier film n'est pas un chef d'œuvre non plus, mais il avait pour lui le charme de la fraîcheur et une ossature à peine plus travaillée. Juste assez, en tout cas, pour éviter de transformer le film en un gigantestque cartoon.
Hélas pour lui, sa suite est un véritable cartoon, dans lequel les enjeux ne servent qu'à connecter des larges tranches de vannes entre-elles. James Gunn ne s'en cache pas, d'ailleurs, puisque plusieurs plans évoquent directement des gags visuels à la Tex Avery, comme lorsque Rocket Raccoon s'amuse à faire sauter ses adversaires au dessus des arbres avec des gadgets que n'aurait pas renié ce bon Coyote.
Mais à la rigueur, pourquoi ne pas laisser son cerveau se reposer et profiter des rejouissances proposées ? Encore faudrait-il qu'elles soient réellement nouvelles, car une fois le facteur de la nouveauté écarté, nos amis les Gardiens s'avèrent bien prévisibles. Ce qui est d'autant plus dommage que James Gunn avait apparemment suffisament de latitude et de star-power derrière lui pour nous emmener dans une direction plus surprenante, ou au moins, nous fournir des gags relativement nouveaux.
Tu vas mettre en repeat
En lieu et place de cela, on assiste à une répitition des gags et des situations tirées du premier film. Et ce qui aurait pu être un humour référentiel - comme quand un certain Indiana Jones cherche son flingue dans Le Temple Maudit après avoir froidement abattu un dueliste dans Les Aventuriers de l'Arche Perdue - vire très vite au ton le plus lourdingue possible. La tonalité du film a d'ailleurs tendance à faire flotter voire à faire couler les vannes écrites par James Gunn, pas dégueulasses en soi mais très étrangement récitées par un Chris Pratt passé par Jurassic World entre temps (ça vous change un homme), ou un Dave Bautista qui ne peut s'empêcher de crier, pour ne citer que deux exemples.
On assiste donc, presque impuissants, à un album qui n'est jamais qu'un assemblage des pires reprises qu'on puisse imaginer pour nos chansons préférées, ou du moins, celle qu'on aimait se passer durant l'été 2014. Puisque on parle de musique, d'ailleurs, ce qui avait sauvé le premier Guardians of the Galaxy d'un developpment hell certain devient ici un gimmick irritant. The chain revient donc à chaque fois que Peter Quill comprend que son lien avec les Gardiens est plus fort que tout, tandis que Brandy (You're a Fine Girl) est expliquée à notre héros dans un mot à mot ennuyeux récité par un Kurt Russell en pilote automatique.
Touchant malgré tout
Il manque donc au second film tout le charme et l'honnêteté de son aîné. Et pourtant, cette dernière réapparaît, par touche, comme si James Gunn voulait nous rappeler qu'il était encore aux commandes de cette équipe que personne ne connaissait il y a trois ans, et qui est pourtant devenue un phénomène mondial. En effet, on retrouve dans le développement du personnage de Yondu toute la sensibilité du réalisateur. Accompagné de sa muse, Michael Rooker, Gunn nous livre même ce qui est l'une des scènes les plus émouvantes de tout le Marvel Cinematic Universe, pourtant connu pour être une matrice à tromper la mort.
Dans le même ordre d'idée, la relation qu'entretiennent Nebula et Gamora, en plus de préparer le terrain pour Infinity War (ça tombe bien), est absolument déchirante. Des sursauts d'inspiration bien saisis par la musique de Tyler Bates, aux abonnés absents pour le reste du métrage. Ca et là, on grignotte donc quelques gunneries des plus savoureuses, qui nous expliquent que Yondu et Rocket Raccoon sont des monstres cherchant leur place dans univers de beaux gosses frimeurs ou que les inadaptés sociaux que sont Drax et la petite nouvelle Mantis (l'un des meilleurs ajouts au premier opus) sont condamnés à souffrir ensemble. Une forme de tristesse bienveillante qui nous rappelle qui est le bonhomme derrière la caméra.
Le seul et gros problème, c'est que tout le reste a tendance à invisibiliser James Gunn. Personnage passionnant s'il en est, le bonhomme a sans aucun doute lutté en phase d'écriture, pour finalement capituler. Des reprises donc, de son Guardians of the Galaxy mais aussi de tout le genre super-heroïque selon Marvel Studios, avec une mise en scène au ras des paquetterettes par moments, des vannes partout où il pourrait y avoir une émotion (ou presque) et surtout, les grands classiques que sont les rayonss laser géants et les vilains pas beaux sans visages.
Au milieu de tout ça, on profitera certes de quelques jolies notes, typiques de la perturbante sensibilité dont faisait preuve James Gunn dans Slither ou Super, de designs intéressants et de belles promesses, comme l'arrivée d'une nouvelle équipe de Gardiens ou d'Adam Warlock (les deux auraient fait un meilleur film, sans doute) mais c'est une bien maigre tracklist à côté du concert de culture populaire qu'était le premier film, avec ou sans la hype. Bref, Guardians of the Galaxy Vol.2 est l'un des ces métrages qui donnent pas mal de grains à moudre aux partisans du "Marvel Studios n'est qu'une formule", et quand la formule se répète à ce point, il est difficile de leur donner tort.